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Avec sa veste en cuir et ses lunettes de soleil, ses cheveux de jais, souvent couverts d'un béret, elle ne passait pas inaperçue. Pas plus que ses œuvres : grandes fresques colorées en noir et rouge figurant des silhouettes de femmes, accompagnées de légendes poétiques en forme d'aphorismes. La street-artiste connue sous le pseudonyme de Miss. Tic (son vrai nom était Radhia Novat) s'est éteinte dimanche 22 mai à l'âge de 66 ans.
Nuits au poste
Après des études d'art graphique, elle commence par travailler pour des décorateurs de théâtre et des agences de graphisme, avant de devenir comédienne de rue, au sein d'une compagnie de théâtre baptisée « Zéro de conduite ».
Mais c'est par le street art qu'elle va devenir célèbre. Elle se passionne pour la technique du pochoir, car il permet d'agir vite et laisse sur la pierre comme une forme de tatouage. C'est en Californie, où elle a séjourné entre 1980 et 1985, que Miss. Tic dit avoir découvert l'art du graffiti. Un art alors mal accepté, dont le parfum d'interdit n'est pas pour lui déplaire.« Je ne compte plus les nuits que j'ai passées au poste dans les années 1980 », évoquait la plasticienne, qui confiait avoir tiré son nom d'artiste d'un personnage du Journal de Mickey : une sorcière nommée Miss Tick qui tente régulièrement de voler l'oncle Picsou. La Galerie Christophe, proche des Champs-Élysées, la représente à partir de 1987.
En 1997, peu après avoir été prise en train de décorer un mur dans le Marais, Miss. Tic écope d'une amende de plus de 20 000 francs pour vandalisme. L'épisode l'incite à demander désormais systématiquement l'autorisation des propriétaires des maisons qu'elle va orner de l'un de ses dessins.
Mode et cinéma
Très vite réclamée par le milieu de la mode (Kenzo ou Louis Vuitton), Miss. Tic multipliera par la suite les expériences, travaillant même pour le monde du cinéma. C'est ainsi qu'elle a conçu l'affiche de La Fille coupée en deux, de Claude Chabrol, en 2007.
Abonnée aux foires internationales d'art contemporain (elle a exposé à la Biennale de Venise, en 2006), certaines de ses œuvres ont rejoint depuis de grandes institutions muséales : le Fonds municipal d'art contemporain de Paris (1989), la collection du Victoria and Albert Museum de Londres (2005), le Musée d'Ingres à Montauban (2009), le Mucem de Marseille (2013).
À LIRE AUSSI Speedy Graphito entre au muséeElle précisait, sur ce point, ne pas être féministe : « Je suis pire ! Humaniste, humoriste, anarchiste. Mais ce que je délivre dans ma création, c'est surtout l'idée de la liberté, jusque dans l'interprétation. Puisque chacun peut décider du sens de ce qu'il voit, comprendre comme il l'entend le jeu de mots ou le mot d'esprit. En pastichant la femme fatale, le fétichisme, je dénonce les rapports de domination, de soumission idéologique, machiste, phallocrate. »
Proche de Jérôme Mesnager couvrant les murs de ses corps blancs mais aussi des peintres Jef Aérosol, Speedy Graphito ou du trio VLP (Vive La Peinture), tous héritiers des artistes de cette génération dite de « la Figuration libre » dont font partie les plasticiens Ben, François Boisrond, Robert Combas ou encore Hervé Di Rosa, Miss. Tic a influencé de très nombreux street-artistes, dont C215, JR et même Banksy. En 2011, l'artiste avait été sollicitée par la Poste pour réaliser douze timbres publiés à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
Excusez mous, Miss. Tic ! Mais nous, nous continuons à aimer les belles femmes (y compris les femmes fatales). Je connais aussi beaucoup de femmes qui sont en pamoison devant Georges Clooney. Et alors ? C'est beau également, un bel homme !