« Buzz l’éclair » : un Pixar à deux de tension

Dérivé de la franchise « Toy Story », ce laborieux space opera propose de belles scènes d’action, mais son versant émotionnel confine au vide intersidéral.

Par

Buzz l'éclair, d'Angus MacLane.
Buzz l'éclair, d'Angus MacLane. © Disney/Pixar

Temps de lecture : 5 min

Un carton d'introduction nous informe que Buzz l'éclair (le film) existe vraiment dans l'univers d'Andy David, le jeune héros du tout premier Toy Story (sorti en… 1995). Fan des aventures de Buzz l'éclair au cinéma, Andy s'est pris de passion pour son héros astronaute kitsch et s'est procuré sa figurine-jouet : voici donc le film qui a tout déclenché et que nous, spectateurs, nous apprêtons à découvrir.

La newsletter pop

Tous les troisièmes mercredis de chaque mois à 12h

Recevez le meilleur de la pop culture !

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Tel est le concept absurde servant de base au 26e long métrage des studios Pixar. Absurde parce qu'on cherchera d'abord en vain l'intérêt d'une telle idée en soi. Mais surtout, jamais les auteurs de ce rutilant mais vain voyage dans l'espace-temps ne font le moindre effort pour jouer avec le statut de vieillerie de Buzz l'éclair, film supposément issu du milieu des années 1990, si l'on suit bien le raisonnement des scénaristes. Des dialogues au script, en passant par sa direction artistique, ses gags et ses clins d'œil à la pop culture, rien, absolument RIEN n'indique une quelconque appartenance du spectacle à la décennie en question. Buzz l'éclair reste bel et bien un produit des années 2020 et, si ce détail peut paraître anecdotique, il ne cesse de parasiter à bas bruit notre réception de l'expérience. Instinctivement, nous sentons que dès le début de cette affaire, les boulons sont mal vissés.

À LIRE AUSSI Disney : « Nous devons poursuivre sans peur notre politique inclusive »

Nos paupières sont lourdes…

Cette incohérence conceptuelle passerait encore si Buzz l'éclair, à défaut d'atteindre les étoiles (l'espoir s'amenuise à chaque nouveau Pixar depuis Vice-Versa, hélas), pouvait au moins se hisser à la cheville des plus grandes réussites passées du studio. Bernique interstellaire. Au fil de ses fort longues 105 minutes – au cours desquelles votre serviteur a souvent lutté contre des paupières bien lourdes –, le film d'Angus MacLane ne décolle jamais au-delà des nuages d'une narration conventionnelle et de personnages incapables de nous arracher le moindre attachement. Un nouveau loupé pour la filiale de Disney.

La trame s'ouvre sur l'exploration par Buzz (doublé en VO par Chris Evans, en VF par François Civil) et son amie astronaute Alisha (Uzo Aduba en VO, Maïk Darah en VF) de la lointaine planète T'Kani Prime (4,2 millions d'années-lumière de la Terre, quand même !), potentiellement habitable pour l'humanité. Un incident force les pionniers à quitter les lieux, mais leur vaisseau subit un dommage lors de la fuite, contraignant la colonie à s'installer temporairement sur l'astre. Un nouveau combustible permettant le voyage en hyperespace est mis au point : Buzz accepte de l'expérimenter, mais une malfonction provoque une dilatation du temps et, à chaque test et retour sur T'Kani Prime, quatre ans s'écoulent. Après plusieurs essais infructueux, 62 ans ont passé sur la planète et les proches du Ranger de l'espace (dont Alisha) ont vieilli bien plus vite que lui… Jusqu'au jour où, enfin, le passage en vitesse subluminique fonctionne correctement, mais cette fois, après un nouveau bond de 22 ans dans le futur, Buzz découvre une planète envahie par des robots extraterrestres.

Où est passé le studio de Là-Haut, Wall-E et Vice-Versa ?

Passons sur le flou artistique dans lequel Buzz l'éclair nous laisse sur de nombreux détails techniques concernant les voyages à répétition de son héros… Le trou noir du film, son talon d'Achille, reste l'insondable ennui qui aspire toutes ses autres chiches qualités. Malgré de nombreuses péripéties et scènes d'action spectaculaires se déroulant à l'écran du premier au dernier acte ; malgré encore l'indéniable luxuriance des effets de lumière et la richesse du cadre ; malgré enfin les quelques gags quasi entièrement liés au matou mécanique Sox (le R2D2 du film)…, le temps se dilate cruellement et l'intrigue défile avec la vélocité d'un paresseux échappé de Zootopie. Le background de Buzz n'est guère creusé au-delà de son concept, les personnages secondaires, criblés de stéréotypes, et, alors que la mort de l'un d'entre eux, en milieu de récit, devrait nous briser le cœur, nos cristallins restent désespérément secs. Mais où est passé le studio qui, jadis, nous tirait des seaux de larmes avec les 20 premières minutes endeuillées de Là-Haut, nous émerveillait avec l'ouverture kubrickienne de Wall-E, nous éblouissait avec les morceaux de bravoure des Indestructibles ou, plus récemment, nous vitrifiait encore d'émotion avec le sacrifice de Bing-Bong dans Vice-Versa ?

À LIRE AUSSI « Toy Story 4 » : toujours la même chose, mais toujours aussi bien

<em>Buzz l'éclair</em> d'Angus MacLane.
 ©  Disney/Pixar
Buzz l'éclair d'Angus MacLane. © Disney/Pixar
MêmeSoul, malgré ses criantes imperfections d'écriture et sa fin bâclée, portait bien son nom et vibrait d'une poésie visuelle, ainsi que d'un amour de la vie réenchanteur d'âme. Dans Buzz l'éclair, tout n'est que performance : Pixar n'a pas lésiné sur les effets spéciaux, les mouvements de caméra, les décors époustouflants…, mais sous la virtuosité, l'humain fait pâle figure. Et ce n'est pas le rebondissement relatif à la véritable identité du vilain Zurg (un méchant géant cachant en réalité… oups, on a failli divulgâcher !), prévisible à des années-lumière, qui alimentera en volts bienvenus cette épopée à basse tension.

Déception au box-office américain le week-end dernier, le film d'Angus MacLane paie-t-il la stratégie de Disney d'exploitation des derniers Pixar en exclusivité sur sa plateforme Disney+ ou tout simplement son impact émotionnel proche du néant ? Trop tôt pour le dire. Triste constat : nous nous sommes moins barbés devant Les Minions 2 : il était une fois Gru (sortie le 2 juillet), certes esthétiquement plus pauvre et encore plus creux, mais qui, au moins, peut compter sur l'hilarant abattage non-stop des mini-créatures jaune citron pour faire illusion. Après l'anodin et horripilant Alerte rouge, l'ex-fan transi des productions Pixar n'a plus que ce cri… d'alerte à lancer à son ancien studio favori : réveillez-vous, les amis, propulsez-nous de nouveau vers l'infini et au-delà, retrouvez la voie de la lumière. Parce que c'est encore raté avec Buzz l'éclair.

Buzz l'éclair d'Angus MacLane. Sortie nationale le 22 juin.

À ne pas manquer

Ce service est réservé aux abonnés. S’identifier
Vous ne pouvez plus réagir aux articles suite à la soumission de contributions ne répondant pas à la charte de modération du Point.

0 / 2000

Voir les conditions d'utilisation
Lire la charte de modération

Commentaires (4)

  • Alan856

    ... Film merveilleux et poétique, attendrissant sans être mièvre, graphiquement abouti, touchant à plein de domaines profonds (filiation, relation à la mort et aux ancêtres). J'ai personnellement, malgré mon grand âge, versé une larme au Grand Rex quand j'y ai emmené mes jeunes enfants. Depuis... Bof bof !

  • Justinien 22

    Dans le film, il est bien précisé que la commandante Alysha "fonde un famille " et a des enfants avec sa... Femme.
    Apparemment, les lois de la biologie ont changé dans le futur...
    En tout cas le wokisme ne fait pas de bons scénarios.

  • Flo-P

    Le dernier bon film de pixar c’est Coco, en 2017, curieuse coïncidence. Depuis ils ont éjecté Lasseter pour ses gestes déplacés. Il faut choisir.