L'Ordre du labyrinthe, quintessence de la fantasy urbaine

Il aura fallu attendre 22 ans pour que ce roman de l'Américaine Lisa Goldstein soit publié en français. Un retard à rattraper au plus vite !

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Le roman de Lisa Goldstein est un manifeste de la fantasy urbaine

Le roman de Lisa Goldstein est un manifeste de la fantasy urbaine

© Les Moutons électriques

Temps de lecture : 6 min

C'est un petit événement chez les passionnés d'imaginaire : pour la première fois Walking the Labyrinth, un classique de la fantasy urbaine, est traduit en français. La maison d'édition bordelaise Les Moutons électriques, qui d'habitude ne publie que des auteurs français, a décidé de faire une exception pour l'Américaine Lisa Goldstein, encore méconnue dans l'Hexagone malgré sa popularité grandissante outre-Atlantique (elle a été nommée plusieurs fois aux prix Hugo et Nebula). Après Amaz et Sombres cités souterraines, publiés l'an dernier, voici donc L 'Ordre du labyrinthe. Écrite en 1996, cette enquête policière emmène le lecteur dans un environnement pour le moins original : les clubs d'occultisme anglais du XIXe et les cabarets américains des années 30. Mêlant époques et rebondissements, le sixième roman de Lisa Goldstein interroge sur le sens profond des illusionnistes et des prestidigitateurs ainsi que la perception de la magie dans notre société.

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Pas de balais volants ou de boules de feu, L'Ordre du labyrinthe est avant tout une histoire de famille proche d'une chasse au trésor sur deux continents. À San Francisco, la pétillante Molly Travers découvre qu'elle serait descendante d'une troupe de magiciens ayant exercé avec succès dans tout le pays juste avant le krach de 1929. Respecté par tous les forains et le monde du cirque, le clan Allalie aurait même pratiqué de la vraie magie en Angleterre au sein d'un mystérieux ordre avant de s'enfuir. Aidée par un détective privé cynique en mal de clients, Molly tente de découvrir la vérité sur famille. Meurtres, manipulations et mensonges commencent à perturber les investigations de ce duo qui a bien du mal à croire en l'existence de la magie. C'est par petites touches que le merveilleux se manifeste. Les Allalie ont l'art de lire dans les pensées et de créer des illusions réalistes...

La fantasy un peu intello est un marché de niche

L'intrigue labyrinthique devrait en perdre plus d'un, car Lisa Goldstein joue sans cesse avec la curiosité du lecteur, l'entraînant sur de multiples pistes. L'insouciance et l'humour de la fiction grand public des années 90 sont prégnants. Et on a parfois l'impression d'assister à un épisode de la série Clair de Lune ou de Demain à la une. Mais ce roman est surtout un manifeste de la fantasy urbaine, très en vogue chez les auteurs des années 80 et 90. Ce sous-genre de la fantasy imagine des sociétés modernes envahies par la magie et le merveilleux. « Ce livre est dans la même veine que Neverwhere de Neil Gaiman et du Prestige de Christopher Priest (adapté en 2006 par Christopher Nolan). Lisa Goldstein s'intéresse toujours au rapport aux rêves, à l'imagination et aux mythes. Elle a abordé l'Égypte dans Sombres cités souterraines et les mythes proches orientaux et coloniaux américains dans Amaz. Ce mélange est typique de l'école de Minneapolis. Ce groupe d'auteurs fait partie de ceux qui ont inventé la fantasy urbaine et qui aimaient brasser les thématiques de l'imaginaire. Ils ont une influence très importante dans la consolidation de la fantasy », décrypte son éditeur français André-François Ruaud.

<p>L'Ordre du labyrinthe de Lisa Goldstein</p> ©  Les Moutons électriques

L'Ordre du labyrinthe de Lisa Goldstein

© Les Moutons électriques

Malheureusement, cette mouvance eut des difficultés à trouver son public. Jusqu'à récemment encore, la fantasy urbaine ne se vendait pas (à l'exception de la série The Newford du Canadien Charles de Lint). Pour l'anecdote, en 1986, une certaine Megan Lindholm, plus connue sous le pseudonyme de Robin Hobb, sortit dans l'indifférence générale un excellent ouvrage nommé  Le Dernier Magicien. « À ses débuts, elle faisait partie de ce groupe et, comme tout le monde, elle vendait mal, elle simplement changé de nom et s'est mise a écrire de la fantasy commerciale. Par chance, Lisa Goldstein a continué alors que beaucoup avaient arrêté. La fantasy un peu intello est un marché de niche », estime le fondateur des Moutons électriques.

L'Ordre du labyrinthe reste très classique dans sa résolution, mais pose des pistes de réflexion intéressantes sur les non-dits d'une famille et la disparition des magiciens remplacés par d'autres divertissements comme le cinéma parlant. Alors que la fantasy urbaine se popularise en France depuis une quinzaine d'années, la traduction des œuvres de Lisa Goldstein est une très belle initiative. « En publiant trois de ses romans, je tente de la faire connaître en France. Elle a une carrière impeccable et si ses livres fonctionnent en librairie, j'espère éditer ses deux derniers ouvrages qui sont dans le même genre, mais se situent dans notre époque actuelle », promet André-François Ruaud. Aux lecteurs, à présent, de trancher.

Extrait.
- Il y a des salles entières, là-dedans, commenta Molly.
- Il n'est pas très raisonnable d'entrer sans guide, lui dit Kathy.
- Des salles avec des gens, des mannequins, continua Molly, Des pierres précieuses. Des fleurs, des animaux. »
John regarda Kathy Westingate. « C'est vrai ? demanda-t-il.
Des animaux ? répéta Kathy. Elle secoua la tête. « Je ne… C'était un genre d'initiation, je crois.
Pour l'Ordre du labyrinthe ? insista John.
Je pense, oui, désolée… J'aurais dû vous prévenir.
Je vais très bien », assura Molly. À chaque seconde qui passait elle sentait plus enracinée dans le présent. Elle n'avait pas pu voir tout ce qu'elle croyait avoir vu : elle était affolée, elle avait perdu ses repères. « Ne vous inquiétez pas. C'était intéressant, en fait. Donc, c'est Lady Westingate qui a construit le labyrinthe ?
Oui », dit Kathy. Elle ouvrit la voie pour remonter l'escalier jusqu'au rez-de-chaussée. « Voulez-vous autre chose ?
Je ne crois pas », assura John.
Ils prirent congé des Westingate en les remerciant pour leur hospitalité. John appela un taxi. Quand ils furent assis en sécurité sur la banquette arrière du taxi, Molly déclara : « Vous allez me dire de quoi il était question ? Cette histoire de mouton ? » John sortit un livre de la poche intérieure de son veston. Il était relié de cuir brun, craquelé et fané : la couverture ne portait pas de titre. « Vous avez volé ça ? » s'étonna Molly. Dans la bibliothèque ?
Ouais.
Et il répond ouais. Calmement, comme s'il n'avait fait que ça toute sa vie. Mais qu'est-ce qui vous a pris, bon sang ? C'est pour ça que vous vouliez que j'entre dans le labyrinthe – pour que, au cas où Lady Westingate aurait trop vite fini de téléphoner, vous puissiez lui dire que je m'étais perdue ? Pour créer une diversion ?

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