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Georges Charpak Le prix Nobel de physique, passeur de génie

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Par Yann Verdo

Publié le 1 oct. 2010 à 01:01Mis à jour le 6 août 2019 à 00:00

Rares sont les scientifiques dont l'annonce de la mort éveille aussitôt, chez l'homme de la rue, un souvenir, une image. Georges Charpak, disparu mercredi à l'âge de quatre-vingt-six ans, était de ceux-là. Qu'il soit ou non porté sur les sciences, tout un chacun revoit immédiatement la crinière de cheveux blancs, les yeux d'un bleu limpide et lumineux, la haute stature et le sourire en coin de celui qui fut, sa vie durant, un « traqueur de particules » hors pair, récompensé par le prix Nobel de physique en 1992. Ceux qui ont lu ses livres ou se sont intéressés de plus près à son action d'homme éclairé et engagé, se rappelleront également sa drôlerie, sa générosité, son refus de se prendre au sérieux. « Je ne comprends toujours pas pourquoi je me retrouve avec Einstein ou les Curie sur la liste des Nobel », déclarait-il quelques années après son aller-retour à Stockholm, en ajoutant avec humour qu'il avait reçu la prestigieuse récompense « pour un machin de 10 centimètres sur 10 ».

Le « machin » en question, c'est la chambre multifils, ce détecteur de particules ultra-performant qu'il avait conçu et mis au point en 1968, alors qu'il était chercheur au CERN à Genève. Comme son collègue et ami Pierre-Gilles de Gennes, récipiendaire du Nobel de physique un an avant lui, Georges Charpak n'était pas un théoricien confiné dans les hautes sphères de l'abstraction pure.

« Bricoleur » de génie, à la créativité inépuisable -il pouvait déposer jusqu'à quatre ou cinq brevets par an -, il n'a jamais eu pour la recherche appliquée ou les applications industrielles le dédain un peu méprisant qu'affichent parfois certains hommes de science. Bien au contraire, son tempérament de « passeur » le poussa, par deux fois, à créer une entreprise afin de commercialiser son invention.

Intéressé par la biologie, il eut l'idée d'adapter ses détecteurs de particules pour en faire des appareils d'imagerie médicale capables de fonctionner beaucoup plus vite que ceux existants, réduisant d'autant le temps d'exposition du malade aux produits radioactifs. C'est ainsi que Biospace Instruments vit le jour en 1989, suivi en 1995 de Biospace Mesures, avec cette fois le soutien de la Cogema, dont Jean Syrota lui avait entre-temps offert un siège d'administrateur. L'humaniste rêvait de voir ses chères machines se répandre dans les hôpitaux et, ainsi, améliorer les soins. Mais la réalité économique s'est vite fait sentir et la seconde société, censée produire en série, a connu des débuts difficiles. Sans doute, Georges Charpak, parmi toutes ses qualités, ne possédait-il pas celles de l'homme d'affaires. « Il pouvait être catastrophique dans ce rôle », confiait récemment Claude Hennion, compagnon de la première heure dans cette aventure industrielle.

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Déporté à Dachau
Intarissable dès qu'il s'agissait de physique nucléaire, volontiers blagueur quand il évoquait ses propres travaux, l'homme se faisait beaucoup moins volubile dès qu'on évoquait devant lui les années noires de Dachau, renvoyant de préférence son interlocuteur à la lecture de Primo Levi. Fils de juifs polonais, né dans le village de Dabrowica (aujourd'hui situé en Ukraine), il n'est encore qu'un garçonnet lorsque sa famille émigre à Paris, au début des années 1930. Pendant la guerre, l'ex-brillant élève du lycée Saint-Louis devient résistant. A son retour de Dachau, il surmonte son passé concentrationnaire en se replongeant dans les études, à l'Ecole des mines de Paris et à la Sorbonne, où il suit les cours de physique d'Irène et Frédéric Joliot-Curie avant de rejoindre le laboratoire de ce dernier au Collège de France. C'est aussi son époque de militantisme politique, au PCF, qu'il quittera en 1957. L'année suivante, l'Américain Leon Lederman l'invitera à rejoindre son équipe au CERN. Georges Charpak y travaillera jusqu'à sa retraite en 1989.

Il est professeur honoraire à l'Ecole de physique et de chimie de Paris (ESPCI) -où officie aussi Pierre-Gilles de Gennes -quand le Nobel le « débusque de sa situation confortable » et l'oblige à « s'occuper du monde », devoir dont il s'acquitte notamment en créant La Main à la pâte. Directement inspirée de l'action entreprise par Leon Lederman dans les ghettos de Chicago, cette association vise à faciliter l'apprentissage des sciences par les tout jeunes enfants en les amenant à réaliser eux-mêmes de petites expériences. Sans doute était-ce là pour son créateur une façon de transmettre une parcelle de ce feu prométhéen qui n'a jamais cessé de brûler en lui.

YANN VERDO

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