Les dernières Chinoises aux pieds bandés

Le gouvernement chinois a finalement réussi à éliminer la pratique dans le milieu du XXe siècle en interdisant le bandage des pieds.

Capture d'écran Kickstarter

Une grand-mère aux pas aussi assurés que ceux d'un bébé. Derrière son sourire marqué par le temps, Zhang Yun Ying (voir vidéo) cache des années de souffrance. Cette Chinoise fait partie d'une génération marquée par la tradition et les coutumes parfois extrêmes. Elle est l'une des femmes "aux pieds bandés", aussi appelés "pieds de Lys" ou "lotus d'or".

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"Enregistrer leur vie avant qu'il ne soit trop tard"

Ses femmes, Jo Farrell, une photographe britannique a décidé de les sortir de l'ombre. Celle qui se définit comme une documentariste des "traditions et cultures" en voie de disparition a photographié ces octogénaires pendant près de dix ans. Son but? Faire connaître autant qu'elle le peut ses survivantes de la coutume. Et transmettre le souvenir de ses femmes mutilées aux générations futures.

Mais le temps n'est pas de son côté. "Trois des femmes parmi celle que j'ai suivies sont mortes et je pense qu'il est maintenant impératif de se concentrer sur l'enregistrement de leur vie avant qu'il ne soit trop tard", comme elle l'écrit sur la page Kickstarter de son projet, créée pour récolter des dons.

D'où vient cette coutume?

Objet de fantasmes, diktat de l'esthétisme à la chinoise, le bandage de pieds remonte à plus de mille ans en Chine. La légende veut qu'à la fin de la dynastie des Tang, au Xe siècle, l'empereur demanda à sa jeune concubine de se bander les pieds pour exécuter la traditionnelle danse du lotus. Une pratique censée accroître le désir du souverain. Très vite, les pieds bandés deviennent synonyme de raffinement. Et les femmes voulant se marier et grimper dans l'échelle sociale se retrouvent contraintes à se conformer à ce critère de séduction.

Une souffrance masquée

Dès l'âge de 5 ans, parfois plus tôt, les petites filles se faisaient bander les pieds. La pointure jugée idéale pour atteindre le "lotus d'or" est fixée à seulement sept centimètres. Les "pieds d'argent" mesurent, eux, autour de 10 centimètres de long.

Les orteils, à l'exception du plus gros, sont pliés contre la plante du pied, et la voûte plantaire, courbée, pour réduire sa longueur au maximum. Serrés dans une chaussure pointue, de plus en plus petite au fil des semaines. Fractures, infections, nécroses, circulation sanguine coupée, les conséquences des pieds bandés sont multiples. Nombreuses sont celles qui en sont mortes. Et pour celles qui vivent encore avec, chaque pas est un pas de plus dans le passé et le souvenir de cette douloureuse tradition.

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