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  • Photo du rédacteurAmandine Lippi

Les Vanités

Dernière mise à jour : 28 avr. 2022





Une vanité ? Qu'est-ce que c'est ?

Avant d'y répondre ensemble, penchons-nous d'abord sur le genre de la nature morte. Lui au moins, je suis sûre que vous en avez déjà entendu parler...




Qu'est-ce qu'une nature morte ?

La nature morte, comme son nom l'indique, représente tout simplement la mort. Elle est un genre récurrent dans la peinture du XVII ème siècle. La nature morte représente une composition d'objets inanimés. En hollandais, on est un peu plus optimiste puisqu'on utilise plutôt l'expression "stilleven", que l'on traduit par "vie silencieuse" en français. Le peintre de natures mortes explore les caractéristiques matérielles de ces objets : leurs formes, leur lumière, leurs couleurs, leurs textures.

(Ci-dessus, à gauche) Nature Morte aux fruits dans des porcelaines, peinture de Jacob Van Es, 1630.

(Ci-dessus, au centre) La Nature morte aux gaufrettes, plus souvent appelée Le Dessert de gaufrettes, ou encore Le Plat de gaufrettes du peintre Lubin Baugin, peinte entre 1630 et 1635 conservée au musée du Louvre, à Paris.

(Ci-dessus, à droite) Nature morte aux pommes et aux oranges, huile sur toile, de 1899, de Paul Cézanne conservée au musée d'Orsay à Paris.


(Ci-dessous) En 2001, Sam Taylor Wood réalise le court métrage Still Life en time lapse, témoin de la décomposition d'une corbeille de fruits : La nature morte filmée.


Qu'est-ce qu'une vanité ?

La vanité est une branche du genre la nature morte. Elle se constitue comme un genre à elle toute seule dès 1620, à Leyde, en Hollande. Puis elle va se répandre dans l'Europe et particulièrement en Flandres (les Pays-Bas) et en France. Elle apparaît comme un symbole, elle est porteuse d'un message d'ordre moral : elle nous rappelle que nous sommes tous mortels.


Memento Mori

(Souviens-toi que tu vas mourir)


(Ci-dessus) Pieter Claesz, Vanitas still life, 1630


Analyse de Vanité de Philippe de Champaigne :



Vanité, ou Allégorie de la vie humaine de Philippe de Champaigne date de 1646, il s'agit d'une peinture à l'huile sur bois mesurant 28 cm x 37 cm. Elle est conservée au musée de Tessé, Le Mans.





La composition de cette oeuvre picturale est sobre. Rien n'est caché, le spectateur n'a pas besoin de faire appel à une attention particulière pour en déceler les détails : Seuls 3 objets sont représentés côte à côte sur le même plan. Au fond, un noir intense contraste avec les objets, ce qui leur permet d'être mis en valeur.

Au centre de la composition, un crâne : Il est tout ce qui reste de nous. Il est à la fois le point de départ et l'aboutissement. Il nous rappelle une mort inévitable et la perte d'humanité qu'elle cause. Il ne s'agit plus d'une être humain, le crâne n'est plus d'un objet. Bien évidemment, le visage a disparu, il ne reste donc rien de ce qui ne nous permettait de deviner son identité. Le crâne n'est personne et tout le monde à la fois (y compris nous-même, un jour). La mort prive d'Homme de son identité.


A droite, le sablier : Si on se montre attentif, on se rend compte que le sable n'est pas totalement écoulé. Ce sablier n'est donc pas le symbole du temps passé, mais bien de l'écoulement du temps, de son passage qui nous rapproche de notre terme. Le sablier, comme la montre, représente l'illusion vaine que l'homme a de vouloir maitriser le temps.



A gauche, une fleur dans un vase : La beauté éphémère. Elle symbolise à la fois un espoir de vie et la beauté. Mais la fleur est coupée, un pétale s'en détache. La fleur n'est plus vraiment vivante malgré ses couleurs éclatantes. D'ailleurs, avez-vous reconnu de quelle fleur il s'agit ? C'est une tulipe. Et pas n'importe quelle variété, une tulipe semper augustus. On la reconnait à ses pétales bicolores et striées. Le peintre n'a pas choisi cette fleur au hasard.

La tulipomanie :

Les tulipes sont arrivées en Europe durant la seconde moitié du XVIème siècle. Les semper augustus vont être les plus prisées si bien qu'au début du XVIIème les bulbes de tulipes atteignent des prix exorbitants :

Ces fleurs deviennent alors un signe de richesse. On parle même de tulipomanie. Puis, en 1637, les cours des tulipes s'effondrent subitement et ruinent des investisseurs. Cette fleur devient alors le symbole d'une mode éphémère, de la frivolité des comportements humains, d'où sa représentation dans l'oeuvre de Philippe de Champaigne. Elle devient un élément récurant du genre de la vanité. La beauté, la richesse ne sont que futilité et inconstance : elles peuvent nous être retirées à tout instant.


Pourquoi le nom vanité ?

La vanité est un sentiment proche de l'orgueil, il se mêle au besoin de reconnaissance de la part des autres.

Le vaniteux doit donc confirmer ses prétentions par l'étalage de richesses et de vantardise pour ainsi attirer l'attention et l'admiration. Le genre de la vanité vient nous interroger : De quoi peut-on se venter face à la mort ?

Ainsi, vanité rime aussi avec vain, vide de sens et inutile. D'ailleurs vanité vient du latin vanus qui signifie "vide", "creux", "manquant". Il a également donné "vantard", "vain", puis "s'évanouir" et "évanescence".

Les Ambassadeurs de Hans Holbein, huile sur panneaux de chêne, 1533, mesurant 207 × 209 cm. Mais quelle est cette forme étrange aux pieds des dignitaires ? Il s'agit d'une anamorphose d’un crâne humain. Pour en reconnaitre la forme, il suffit de se placer sur le côté du tableau, d'un point de vue oblique.


 

Les symboles de la vanité :

La mort :

- Le crâne ou le squelette.

- L'utilisation du noire et de l'argenté symbole du deuil.

- Fleurs coupées de narcisse ou de jacinthe.

La fuite du temps :

- Le chronomètre, la montre, la clepsydre, la bougie consumée, le sablier et la lampe à huile.

- Les verres souvent à moitié pleins = la "coupe de la vie".

- Les nuages sont les signes du temps qui passe.

- Les aliments : les huîtres, les cerises, le pain sont choisis pour leur durée de vie limitée.

- Le citron pelée en spirale symbolise le déroulement de la vie pendant laquelle l’homme libère son esprit de la matérialité pour arriver à la pulpe de l’essence spirituel.


La fragilité de la vie :

- Les bulles de savon, les boules de verre, les miroirs et verres brisés ou renversés, fragiles par leur matière.

- Les bougies éteintes, les fleurs fanées et la fumée.

La religion :

- Le vin, le pain et le raisin qui représentent l’Eucharistie.



Les objets précieux :

- Les étoffes précieuses, coquillages, bijoux, pièces de monnaie, pièces d’orfèvrerie, tulipes qui symbolisent la richesse.

- Les armes, les couronnes et les sceptres qui rappellent le pouvoir.

- Les livres, les globes terrestres, et les instruments scientifiques renvoient à la connaissance.

- Les sculptures, les tableaux, les instruments de musique.

- Le vin, la pipe, les cartes à jouer et les dés figurent les plaisirs.


 

Quelques vanités modernes


Série d'installations Vanitas skull de James HOPKINS, autour de 2006


For the Love of God de Damien HIRST, 2008. Crâne en platine serti de 8 601 diamants.


Les Vanités aux papillons de Philippe Pasqua.


En conclusion :

Le genre de la vanité invite donc le spectateur à reconsidérer ses priorités et donc à se détourner des possessions matérielles.

Les signes de reconnaissance de richesse et d'importance ont aujourd'hui changés, mais la vanité est restée la même : n'oublions pas que nos derniers smartphones ou nos dernières baskets à la mode d'aujourd'hui sont les tulipes du début du XVIIème... La vanité risque toujours autant de nous détourner de ce qui est essentiel dans la vie.


Alors, qu'est-ce qui est essentiel pour vous ? Tentez d'y répondre ici.


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