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TRIBUNE

Des médiathèques aux piscines : «Sortez-nous de ce mauvais pass !»

La pandémie de Covid-19 en Francedossier
Comment peut-on défendre sous couvert d’arguments sanitaires le contrôle à l’entrée d’établissements publics qui pour la plupart n’accueillent que des dizaines de personnes chaque jour quand, ailleurs, il est possible de s’agglutiner dans les commerces et dans les transports ?
par Thierry Dusausoit, Hélène Schneider, et Charlotte van der Werf, Bibliothécaires
publié le 27 septembre 2021 à 19h25
(mis à jour le 27 septembre 2021 à 21h05)

La crise sanitaire que nous vivons depuis de longs mois est semée d’errements et d’incohérences dans les décisions politiques prises pour lutter contre la pandémie. Parmi elles, certaines reviennent régulièrement contre ces lieux ouverts aux publics, qui ne sont pas des commerces : médiathèques, cinémas, théâtres, salles de spectacles, centres culturels, salles de sport, piscines…

Ainsi depuis cet été et la mise en place du pass sanitaire, des lieux habituellement ouverts à tous les publics, sans distinction ni discrimination, se voient contraints de demander le sésame à toute personne désirant franchir la porte de ces établissements. Les médiathèques, premier réseau culturel de proximité, lieux de lutte contre les fractures culturelles et sociales, sont des lieux d’accueil inconditionnel. On peut y voir un film ou écouter un concert gratuitement, emprunter un roman dont la lecture est au programme scolaire, apprendre à déjouer les fake news, ou encore trouver de l’aide pour faire une demande de logement social en ligne.

Le droit à un accès libre aux savoirs

Cette grave atteinte aux droits culturels des citoyens et à l’éthique des professionnels travaillant chaque jour pour donner à chacun un accès libre à des savoirs, ressources et loisirs nous amène à réagir aujourd’hui.

Alors même que les gestes barrière sont maintenus, que les masques sont obligatoires, et donc que le virus n’a que peu de chance de circuler entre les usagers de ces lieux, le pass sanitaire constitue une nouvelle barrière à leur entrée, écartant souvent les plus fragiles, les plus démunis. A partir du 30 septembre, les enfants de plus de 12 ans qui ne présenteront pas le pass sanitaire se verront refuser l’accès à ces lieux de culture qui participent à forger les citoyens de demain. Le Défenseur des droits de l’enfant s’en est d’ailleurs alarmé.

Depuis plusieurs jours, au fur et à mesure que le taux d’incidence baisse, les départements un à un permettent la réouverture de centres commerciaux géants qui laissent entrer des milliers de personnes quotidiennement. Les transports en commun sont le «théâtre» de cette même absurdité depuis longtemps. Le gouvernement a défini au fil de sa gestion de la crise sanitaire, des activités plus «essentielles» que d’autres. Sans revenir sur les questions que pose cette distinction entre activités «essentielles» et «non essentielles», nous notons que les médiathèques ont d’emblée été identifiées en tant que telles : «essentielles», restant ouvertes autant que possible, ou proposant un accès aux collections sous forme de drive. Elles ont, comme d’autres lieux culturels qui accueillent du public, été vigilantes à faire respecter les gestes barrières, acteurs responsables dans le traitement d’une crise dont ils ne négligent pas la gravité. Aujourd’hui, ce caractère essentiel est remis en cause. Comment peut-on défendre sous couvert d’arguments sanitaires, le contrôle à l’entrée d’établissements culturels, qui pour la plupart n’accueillent que des dizaines de personnes chaque jour quand, ailleurs, il est possible de s’agglutiner pour faire des emplettes ?

Nous souhaitons (re) trouver du bon sens dans la gestion de cette crise et éviter de multiplier des dommages collatéraux qui seront difficiles à réparer ou à soigner dans les mois et les années à venir. Nous rejoignons ainsi le communiqué de l’Association des bibliothécaires de France qui identifiait dès la fin du mois de juillet le pass sanitaire comme une bombe à fragmentation de la lecture publique…

Nous demandons donc à ce que le pass sanitaire ne soit plus exigé et que nous sortions de l’engrenage qui conduit petit à petit à une société de surveillance généralisée et inquiétante.

Nous relayons également la pétition «Pour une bibliothèque accessible à tous», lancée par Bibliothécaires mobilisés.

Signataires : Sophie Agnel, musicienne, Albertine, dessinatrice, Carole Allamand, enseignante, auteure, Vivianne Aquilli, productrice à Iskra, Magali Bardou, clarinettiste, Nathalie Beau, spécialiste de littérature jeunesse, Yamina Benahmed Daho, auteure, Alexandre Bergamini, écrivain, Judith Bernard, enseignante et metteuse en scène, Arno Bertina, écrivain, Hugues Blineau, écrivain, Maxime Boidy, MCF études visuelles, université Gustave-Eiffel, Jocelyn Bonnerave, écrivain, Christian Borghino, programmateur, Cécile Boulaire, enseignante-chercheuse spécialisée en littérature jeunesse, Hélène Breschand, musicienne, Jean Breschand, cinéaste, Arnaud Cance, musicien, Jean-François Chabas, auteur, Claire Chavent, libraire, Jean Claverie, auteur et illustrateur, Jean-Louis Comolli, cinéaste, Brigitte Coppin, auteure, Yann Dedet, monteur, Christine Detrez, écrivaine et sociologue, Patrick K Dewdney, écrivain, Négar Djavadi, écrivaine, Sylvie Doizelet, écrivaine et traductrice, Dominique A, chanteur, Emmanuelle Durupt, libraire, Carine Fernandez, écrivaine, Carole Fives, écrivaine, Alain Frappier, auteur et dessinateur, Désirée Frappier, autrice et scénariste, Bernard Friot, auteur et traducteur, Thomas Gabison, éditeur, Bernadette Gaillard, chorégraphe, Claudine Galéa, écrivaine et auteure dramatique, Praline Gay-Para, conteuse, Brigitte Giraud, écrivaine, Thomas Giraud, écrivain, Ilya Green, auteure illustratrice, Simonetta Greggio, écrivaine, Antoine Guilloppé, auteur et illustrateur jeunesse, Lancelot Hamelin, écrivain, Johanna Hawken, autrice et chercheuse en philosophie de l’éducation, HK, chanteur et auteur-compositeur, Frédérick Houdaer, écrivain et éditeur, Alexis Jenni, écrivain, Juliette Caplat dite Kapla, artiste, Julia Kerninon, autrice et traductrice, Muriel Lacan, autrice, Denis Lachaud, écrivain, Eveliina Laitinen, artiste, Luc Lang, écrivain, Patrick Leboutte, historien de cinéma et militant de l’éducation populaire, Paloma Moin, artiste, Mikaël Ollivier, écrivain et scénariste, Edouard Pacaud, enseignant, Fred Pallem, musicien, Eric Pessan, écrivain, Didier Petit, musicien, Paola Pigani, écrivaine, Emmanuelle Pireyre, écrivaine, Francesco Pittau, auteur et illustrateur, Patricia Pol, enseignante Internationale des savoirs pour tous, Audrey Poussier, autrice-illustratrice, Patrice Robin, écrivain, Valérie Rouzeau, poète et traductrice, Chantal Saulière, enseignante, Séverine Sarrias, conteuse, Marion Schrotzenberger, chorégraphe, Olivier de Solminihac, écrivain, Corinne Soustiel, éditrice, Frédéric Stehr, auteur et illustrateur, Fabienne Swiatly, écrivaine, Natacha Thiéry, enseignante-chercheuse et cinéaste, Mathieu Tremblin, artiste-chercheur, Anaïs Vaugelade, autrice, illustratrice, éditrice, Vincent Villeminot, romancier, Katia Viscogliosi & Francis Magnenot, artistes auteurs, Germano Zullo, auteur.

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