Prendre en charge la pédophilie, un défi pour les soignants à Montpellier

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  • Dans les locaux du Criavs, au CHU de Montpellier, le 8 janvier dernier.
    Dans les locaux du Criavs, au CHU de Montpellier, le 8 janvier dernier. S. G.
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Sophie GUIRAUD

Au CHU de Montpellier, une unité soigne des patients pédophiles parfois rattrapés par une "actualité sordide", les agissements de l’écrivain Gabriel Matzneff et du père Preynat.

Sur les murs de l’unité qui prend en charge des auteurs de violences sexuelles, le Criavs, au sous-sol du CHU de Montpellier, le psychiatre Mathieu Lacambre a posé trois affiches explicites de films diffusés dans " un cinéma qui avait pignon sur rue à Saint-Malo dans les années 80 ". Elles parlent d’une époque où la pédopornographie s’affichait sans complexe.

" C’est scandaleux, mais elles témoignent de ce qui nous sépare d’un temps où il y avait une tolérance, voire une bienveillance, une fascination pour une excitation sexuelle sur le dos des adolescents. On est aujourd’hui dans une prise de conscience, une forme de sidération ", analyse Mathieu Lacambre, responsable d’équipes au centre référent de prise en charge de la pédophilie en Occitanie-est.

L’affaire Matzneff, du nom de l’écrivain octogénaire ouvertement pédophile hier intouchable, aujourd’hui la cible du Consentement (ed. Grasset), bombe littéraire lâchée en ce début d’année par une de ses victimes, Vanessa Springora, est au cœur de cette sidération. Une "déflagration ", s’étonne l’auteur, qui rappelle qu’elle ne révèle pourtant rien qui ne soit inconnu : elle avait 13-14 ans, il en avait 50, et il ne cachait pas ses voyages aux Philippines à la recherche de gamins de 11 ans, le président de la République François Mitterrand s’inquiétait de sa santé, l’intelligentsia parisienne le célébrait et Pivot le taquinait sur le plateau d’Apostrophes.

"Ça légitimait mes fantasmes"

Mathieu Lacambre se souvient de Matzneff régulièrement invité à la grand-messe littéraire des années 80-90, avec des textes et des propos sans équivoque : " Dans les années 80, on en était là." Et on en était là en 2013 encore, l’année où Matzneff remporte le prix Renaudot de l’essai.

Christophe (1), condamné à de la prison avec sursis pour téléchargement d’images pédopornographiques, s’en souvient aussi. Il a évoqué l’affaire mercredi dernier, à l’hôpital, dans un groupe de parole qui rassemble les auteurs de violences sexuelles sur mineurs : " J’ai lu ses ouvrages dans les années 90, quelque part, ça légitimait mes fantasmes ", indique le septuagénaire.

" Ils étaient plusieurs à avoir lu au moins un livre de Matzneff ", poursuit Magali Teillard, psychologue, interpellée par " des patients en souffrance qui essaient de se comprendre, de se confronter… " et confrontée " à certains qui ne se remettent pas en question et n’en ont pas envie. C’est compliqué, ils disent qu’à une époque, ça ne gênait personne, qu’ils n’en seraient peut-être pas là s’ils n’avaient pas baigné dans ça. 

"La société évolue, ça nous aide. Désormais, tout le monde peut comprendre que chez un moins de 15 ans, le consentement et la liberté sexuelle avec un adulte peuvent être biaisés", ajoute Cécile Bais, psychiatre, interpellée sur l’affaire la semaine dernière : "Et Matzneff, il avait le droit ? "

"Les consciences sont en train d’émerger, dans la foulée du mouvement MeToo ", se félicite la coordinatrice du Criavs, spécialisée dans l’accompagnement de mineurs auteurs de violences sexuelles. Car " quand un mineur est agressé sexuellement, une fois sur deux, c’est par un autre mineur ", insiste le docteur Lacambre. Huit fois sur dix, c’est dans un cercle de proches. Une fois sur trois, l’agresseur a été agressé sexuellement pendant son enfance.

"On sous-estime les agressions par les femmes"

Médecins et psychologues s’inquiètent d’une autre réalité, " on sous-estime les agressions par les femmes ". La question surgit " souvent " dans une unité qui suit 300 auteurs de violences sexuelles "quasi exclusivement masculins ", dont 70 pédophiles en attente de jugement ou déjà sanctionnés, certains en prison avec une injonction ou une obligation de soins.

Première équipe hospitalière en France structurée pour faire face aux violences sexuelles dans l’Église, le Criavs du CHU de Montpellier, né il y a dix ans dans le cadre d’un déploiement de dispositifs régionaux, a été précurseur, en novembre dernier, en ouvrant une ligne d’écoute (2) pour prévenir un passage à l’acte. Six centres testent le dispositif en France.

Les premiers retours sont décevants. " On a eu une dizaine d’appels, surtout des professionnels ", constate Mathieu Lacambre, qui déplore le manque de moyens. Dans un contexte où "l’urgence est partout" à l’hôpital, "comment dire qu’on va mettre de l’argent dans la prévention et le dépistage des personnes qui ont une attirance sexuelle envers les enfants, sans garantie de résultat, alors que les victimes sont parfois négligées, oubliées ? ", s’interroge Mathieu Lacambre.

La solution démagogique qui consiste à couper des têtes ne règle rien

Deux personnes ont appelé la semaine dernière. L’effet Matzneff ? "Peut-être… Nous communiquons malheureusement à cause de ces faits divers sordides qui continueront d’arriver tant qu’on ne traitera pas correctement le problème."

Mathieu Lacambre ne voit pas d’autre issue : "Il ne suffit pas d’apprendre aux enfants à dire non. Ils sont dans une loyauté, une dépendance à l’adulte qui peut abuser de leur confiance, de leur corps." Et "la solution démagogique qui consiste à couper des têtes ne règle rien". Un membre du groupe de parole du 7 janvier sait que l’émotion née d’affaires y est propice : "Si j’ai mon procès demain, je me fais “décapiter”."

(1) Prénom d’emprunt. (2) Le 0 806 23 10 63.

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Les commentaires (6)
vincent Il y a 4 années Le 15/01/2020 à 09:37

Le seul moyen vraiment sans récidive possible,le bon vieux sécateur,pas cher,rapide,inusable,tout bénef. pour l'argent du contribuable.

DrGUILLOTIN Il y a 4 années Le 15/01/2020 à 08:34

jamais on ne soignera cette horreur !
la seule solution est la castration chimique dès le premier acte pervers envers un enfant.

isiteador Il y a 4 années Le 15/01/2020 à 12:43

pourquoi chimique? restons bio

Valetudo Il y a 4 années Le 14/01/2020 à 10:31

Ca ne se soigne pas les canadiens le savent depuis des dizaines d années alors pourquoi parler de soigner ?

AllouaGrrrr Il y a 4 années Le 14/01/2020 à 13:23

car nous sommes Français, héhé

JESSEJAMES Il y a 4 années Le 15/01/2020 à 09:11

"Car nous sommes français" et alors ? Cela nous rend supérieur aux Canadiens ? On ne peut pas soigner la pédophilie, il n'y a pas de traitements, à part l'internement à vie.