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Utopiae 2002

ANTHOLOGIE

Textes réunis par Bruno DELLA CHIESA

Première parution : Paris, France : L'Atalante, La Dentelle du Cygne, octobre 2002
Cycle : Utopiales  vol. 4 


Illustration de Jean-Claude MÉZIÈRES

L'ATALANTE (Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne
Dépôt légal : octobre 2002, Achevé d'imprimer : octobre 2002
Première édition
Anthologie, 224 pages, catégorie / prix : 2
ISBN : 2-84172-219-8
Format : 12,9 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Ashok K. Banker
     Roberto de Sousa Causo
     Wolfgang Jeschke
     Jean-Marc Ligny
     Roberto Lopez Moreno
     Rodolfo Martinez
     Luca Masali
     James Morrow
     Jan Polacek
     Jean-Louis Trudel
     Liz Williams
     Yoss
 
     Douze auteurs, douze pays, trois continents. Pour son édition 2002, UTOPIÆ s'ouvre au monde entier, avec pour ambition de faire découvrir d'autres sources d'inspiration plus lointaines.
     Une première exploration de la « tectonique des imaginaires », appliquée à la science-fiction.
Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Bruno DELLA CHIESA, Vers la globalisation de la SF, pages 11 à 13, introduction
2 - Ashok K. BANKER, Dans l'ombre de ses ailes (In the Shadow of Her Wings), pages 15 à 31, nouvelle, trad. Corinne FAURE-GEORS
3 - Wolfgang JESCHKE, Allah Akbar and So Smart our NLWs (Allah Akbar and So Smart our NLWs), pages 33 à 46, nouvelle, trad. Claire DUVAL
4 - Roberto DE SOUSA CAUSO, La Plus belle femme du monde (A Mulher Mais Bela do Mundo), pages 47 à 62, nouvelle, trad. Jean-Louis TRUDEL
5 - Rodolfo MARTINEZ, Il traverse le désert (Atraviesa el desierto, 2002), pages 63 à 69, nouvelle, trad. Sylvie MILLER
6 - Jan POLACEK, Offensive sensorielle (Sensuálne Zacilujíci Seance), pages 71 à 81, nouvelle, trad. Claire DUVAL
7 - James MORROW, Ils écrivent le nom de Dieu avec le mauvais alphabet (Spelling God with the Wrong Blocks, 1987), pages 83 à 99, nouvelle, trad. Sylvie DENIS
8 - Jean-Marc LIGNY, L'Ouragan, pages 101 à 115, nouvelle
9 - Roberto LOPEZ MORENO, Le Secret (El secreto), pages 117 à 145, nouvelle, trad. Sylvie MILLER
10 - Luca MASALI, Notre bourreau bien-aimé (Carnefice nostro amatissimo), pages 147 à 155, nouvelle, trad. Éric VIAL
11 - Jean-Louis TRUDEL, Les Jardiniers du monde, pages 157 à 162, nouvelle
12 - Liz WILLIAMS, Le Métayer (Sharecropper), pages 163 à 178, nouvelle, trad. Florence BURY
13 - YOSS, Kaishaku (Kaishaku), pages 179 à 211, nouvelle, trad. Sylvie MILLER
14 - (non mentionné), Les Auteurs d'UTOPIÆ 2002, pages 213 à 220, dictionnaire d'auteurs
Critiques
     Après avoir beaucoup milité pour la SF européenne (par exemple, en en faisant découvrir les auteurs au travers de diverses manifestations), Bruno della Chiesa élargit les horizons. En termes de continents (Asie, Amérique Latine) sinon des langues (familières) à partir desquelles les textes ont été traduits (anglais pour l'Indien Ashok Banker ou le Brésilien Roberto de Sousa Causo, allemand pour le Tchèque Jan Polâcek, espagnol d'origine pour le Cubain et le Mexicain...). Mais les textes reflètent-ils leurs origines exotiques ?
     Première modalité : emploi délibéré de l'histoire et de la religion locales. Le Secret, de Roberto López Moreno, croule sous la documentation maya, et ne met en scène que la classique malédiction liée à la connaissance d'une civilisation perdue. Les Anglais faisaient ça très bien il y a un siècle... Dans l'ombre de ses ailes, de Banker, exploite les tensions religieuses de l'Inde contemporaine, avec un surprenant zeste de féminisme, mais s'en tire lui aussi par un argument de pur fantastique. « Fusion » ? Ou méthode datant d'avant que la distinction entre les deux genres ait été perçue...
     Sans exotisme apparent, le même parfum de SF de grand-père — dû à un développement plus tardif du genre dans les pays concernés ? — flotte sur Il traverse le désert de l'Espagnol Rodolfo Martinez, description d'une machine survivant à la disparition de l'humanité. Offensive sensorielle, de Polâcek, relève de la tradition dystopienne d'Aldous Huxley ; plus tout jeune, mais il a l'idée amusante de littéraliser le lien (devenu cliché psychanalytique) entre libido masculine et réalisations technologiques.
     Le livre ne présente pas que des inconnus dénichés dans des contrées peu explorées. Les francophones sont représentés par Jean-Marc Ligny (qui ne renouvelle guère la thématique éco-climatologique) et Jean-Louis Trudel (dont le texte, trop vite conclu, renvoie comme un écho wintrebertien intrigant). Luca Masali est un des auteurs italiens apparus dans le sillage de Valério Evangelisti, et il se borne ici à pasticher l'univers de ce dernier : sans ses références à Nicolas Eymerich, Notre bourreau bien-aimé sonnerait bien creux. Écrite en 1998, la nouvelle de Wolfgang Jeschke, sur des guérilleros islamistes pourchassés par la CIA au fin fond de l'Afghanistan, a été rattrapée par l'actualité ; elle vaut surtout par son pessimisme total en ce qui concerne la bonté humaine... James Morrow est sans doute le plus connu des auteurs de l'anthologie ; comme toujours, il exploite une vision sardonique de la religion, en donnant ici sa version de la Cybériade de Stanislaw Lem.
     Je ne fais pas la fine bouche : l'anthologie comporte au moins trois excellents textes venus d' « ailleurs ». Roberto de Sousa Causo superpose brillamment la visite d'extraterrestres impénétrables avec le fossé mondial entre riches et pauvres ; la Britannique Liz Williams place dans l'Ouzbékistan du siècle prochain une saynète de résistance au brevetage du vivant (qu'on aurait pu imaginer dans les profondeurs de l'Ecosse ou du Massif Central, mais ce que nous savons de l'Asie Centrale d'aujourd'hui nous aide à nous projeter dans son futur impitoyable) ; et le Cubain Yoss, avec Kaishaku, donne un des exemples les plus glaçants qui soient du jugement (dernier) de l'humanité par des visiteurs extra-terrestres. Au fond, nous projetons sur eux le mépris désespéré que nous avons pour nous-mêmes. A posteriori, deux points communs me frappent dans ces trois textes : leurs auteurs produisent une SF contemporaine, qui prend en compte les dernières évolutions sociales et technologiques, et ils n'ont pas situé l'action dans leur propre pays (ou leur propre culture). En se documentant, en extrapolant pour restituer des cultures et des paysages étrangers, ils ont accompli la mission intellectuelle de la SF. Qui n'exclut pas la restitution du terroir propre de l'auteur, mais le sublime souvent jusqu'au méconnaissable.

Pascal J. THOMAS (lui écrire)
Première parution : 1/4/2003 dans Galaxies 28
Mise en ligne le : 1/9/2005


     A l'heure actuelle, Utopiae est la seule anthologie originale disponible. Certes, on peut trouver un best of francophone annuel au Bélial' (le SF 2000-2002), pléthore d'anthologies thématiques qui vont des sujets les plus bateaux (l'érotisme) aux plus improbables (les cochons), en passant par le hard boiled S-F et les invasions. Il y avait eu les « Horizons 1 » du Fleuve Noir et les « Horizons lointains » de R. Silverberg en « Millénaires »... Aussi, quand il n'y a pas d'antho, il en faut.
     Et Bruno Della Chiesa s'est engagé, avec l'appui des éditions l'Atalante, sur les traces des pionniers des S-F exotiques que furent Jean-Pierre Moumon et Bernard Goorden. On retrouve d'ailleurs au sommaire le Brésilien Roberto De Sousa Causo, que l'on avait pu lire naguère dans Antarès, la publication dirigée par Moumon, et qui figure ici en compagnie de deux autres latino américains.
     La vraie curiosité est bien sûr la nouvelle de l'Indien Ashok K. Banker. Elle ouvre ici ce recueil sur le thème de la transmigration de l'âme du martyr dans l'enveloppe charnelle du bourreau, sujet jadis traité par feu Marion Zimmer Bradley puis par Serge Lehman dans un de ses meilleurs textes, « Dans l'abîme ».
     W. Jeschke aborde la traque des résistants arabes à la mondialisation occidentale par des moyens à la fois génétiques et nanotechnologiques et de hideuses armes non létales d'autant plus odieuses que bien pensantes sur une Terre qui rappelle un peu Ventus de K. Schroeder.
     Dans « La Plus belle femme du monde », de Roberto de Sousa Causo, les extraterrestres sont venus et repartis, dégoûtés que nous ne valions pas mieux qu'eux.
     L'Espagnol Rodolfo Martinez produit ici un texte sans intérêt où le dernier homme vient mourir à bord d'un train automatique.
     La fable anti-féministe du Tchèque Jan Polacek amuse en mettant en scène une société où la libido mise à contribution pour produire de l'énergie est censée être stimulée par ses propres produits technologiques. Celle du héros étant davantage stimulée par le sexe opposé, le voici déporté sur une île déserte qui servira de jardin d'Eden.
     James Morrow revisite sa thématique eschatologique selon l'humour absurde de Robert Sheckley, ou les aventures de deux missionnaires rationalistes chez les robots intégristes darwiniens.
     « L'Ouragan » de Jean-Marc Ligny est un beau texte, intimiste et juste. Sur fond de catastrophe écologique globale, il nous livre un drame sans en faire trop, ce qui n'en donne que plus de force à sa nouvelle.
     Le texte du mexicain Roberto Lopez Moréno oscille entre La Rédemption de Christophe Colomb d'O.S. Card et En des Cités désertes de Lewis Shiner. Les Mayas y sont maîtres de l'espace et du temps...
     Lucas Masali fait très fort : des sorcières féministes ressuscitent Nicolas Eymerich, l'inquisiteur médiéval, dans le corps d'un pape réactionnaire mais trop matérialiste à leur goût afin d'avoir un adversaire digne de ce nom et justifier leur existence.
     « Les Jardiniers du monde » de Jean-Louis Trudel, qui nous a habitués à mieux, n'a aucun intérêt.
     Dans « Le Métayer », Liz Williams met en scène la résistance agricole de paysans musulmans ouzbeks face à un état fasciste vendu aux capitalistes pourvoyeurs d'OGM.
     Avec le texte du Cubain Yoss, on traite de l'invasion en revenant aux prémices du Canal Ophite de John Varley.
     La lecture de cette anthologie est révélatrice de la capacité, voire de la nature même, de la S-F à gommer les particularismes locaux au profit d'une expression de l'imaginaire de l'Occident chrétien et technologique qui ne varie guère d'un pays à l'autre. La S-F apparaît donc ici comme un élément actif de la mondialisation de l'imaginaire selon le canon anglo-saxon, quand bien même elle est critique. Et en France, critique, la S-F l'est la plupart du temps, sans jamais toutefois déroger au politiquement correct. Or, cette critique n'est qu'un mode de la rebelle-attitude en kit aseptisé que les marchés sont rompus à vendre.
     Les textes de Banker et Moréno, qui ont les plus forts ancrages locaux — dans la spiritualité traditionnelle de l'Inde et l'histoire précolombienne — s'apparentent néanmoins sans difficulté à d'autres textes du panthéon S-F. L'Occident a depuis longtemps, et c'est sa force, appris à intégrer de telles données et à les traiter. C'est une sorte de civilisation virale qui pénètre les autres et les fait tourner à son profit ; ainsi deux textes européens exploitent-ils l'Islam. Non seulement il intègre les caractéristiques utiles, mais surtout fait produire de l'occidentalisation.
     Cette anthologie internationale a le mérite de nous permettre de voir à l'œuvre le mécanisme consistant à instiller la pensée occidentale chez autrui par le truchement de son autocritique afin de se rendre familière et de dédramatiser les méfaits du capital. Même si le texte de Liz Williams n'est pas publié en terre d'Islam, il finira par toucher, par percolation, quelques musulmans. Et il n'est qu'un des grains de sable du désert...
     Utopiæ 2002 intéressera davantage par ce qu'elle révèle à travers son concept que par les textes qui y sont inclus. Néanmoins, la plupart se lisent agréablement.

Notes :

1. Sans doute le critique a-t-il voulu ici parler des « Escales » : Escales sur l'horizon, Escales 2000 et Escales 2001. [Note de nooSFere]

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/1/2003 dans Bifrost 29
Mise en ligne le : 20/2/2004

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