La Tour se dresse, griffant de ses contours déchiquetés le ciel incendié d'une Fantasy sombre. Naguère orgueilleuse ziggourat, elle fut l'escalier sacré qui menait au royaume du ciel. Frappée par la colère divine, elle s'est effondrée, et avec elle les certitudes ou l'autorité qu'elle représentait.

     Mais du haut de la Tour, on voir plus loin. À moins que l'édifice ne soit devenu la prison de celui qui croyait s'y habituer. Le guetteur voit venir le danger, ou peut-être les armées qui viendront à son secours. Le garde contemple l'enceinte, espérant que nul jamais ne la franchira.

     La Tour est à l'image de celui qui y demeure : resplendissante ou ruinée, vertigineuse ou misérable, généreuse ou corrompue, brillante ou ténébreuse, harmonieuse ou tordue... Osez en franchir le seuil et découvrir les secrets des onze récits qui composent cette anthologie.

 

     Nouvelles illustrées par Raphaël Del Rosario, Stéphanie Dubut, Sébastien Gollut, Sophie Léta, Marchetto, Cédric Poulat, Zariel.

     Couverture : Christophe Sivet.

     Les éditions Parchemins & Traverses ont décidément de bien curieux thèmes : après Les Bourreaux, dirigée par Hélène Fairmarch, voici La Tour, composée par Sybille Marchetto. Composée de quelques valeurs sûres et d'auteurs débutants, cette anthologie offre des points de vue et des styles très variés.

     Nicolas Cranne, plus connu sous le nom de Nico Bally, ouvre le bal avec Crâne Maculé, une short story drôle et onirique relatant la quête d'un chevalier et le terrible mal causé par les malentendus. Vient ensuite le trop rare Noé Gaillard dont La Tour de Carol, plutôt fantastique, explore les sous-entendus phalliques du thème, alors que Sophie Dabat, une jeune auteure qu'on lit de plus en plus souvent et toujours avec plaisir, parle, dans Le Reclus du Ponant, de l'isolement, de la « tour d'ivoire », et donne à son héros l'envie d'en sortir... Le héros de Karim Berrouka, au contraire, veut à toute force entrer dans la Tour, elle est le but de sa vie, et Le Départ est une de ces métaphores à la fois absurdes et réalistes que Berrouka sème dans maints fanzines et anthologies, avec le talent d'un Ionesco. Mais c'est Menolly, une autre « valeur montante » de l'Imaginaire, qui donne la note la plus drôle du recueil. En lisant 234 degrés jusqu'au soleil on ne peut que souffrir avec le narrateur de la montée harassante des marches de la tour, pour arriver à une conclusion inattendue.

     Toutefois, il ne faudrait pas croire que seuls les auteurs confirmés aient produit de bons textes. Ainsi, Pétoxian 0,15 est la première nouvelle publiée de Géraldine Blondel et c'est aussi une excellente histoire d'anticipation. Un homme trouve un nouveau travail dans une tour. Tout se passe bien, trop bien, même, jusqu'au jour où une panne dérègle la climatisation. Une intrigue qui entraîne le lecteur et fait froid dans le dos. Ensuite vient L'Initié, d'Hélène Fairmarch, un très beau texte sur le temps et la durée, sur le destin et l'évolution, qui mérite d'être relu pour bien se pénétrer de tout son sens. Après lui, La Tour d'Asammée, de Sébastien Ruche, au ton mystique et trop elliptique, peine à capter le lecteur. Formulaire K, de Fabien Michalczak, est bien plus efficace. Entre fantasy et anticipation, c'est l'histoire d'un homme appelé à la Tour qui domine le pays, et chemine de bureau en guichet. On pense au Château de Kafka ou aux Douze Travaux d'Astérix, quand les héros affrontent la « Maison des Fous ».

     Après un court et agréable texte de Yessine Terras, Reflets, qui reprend la thématique de l'isolement, La Tour d'Al-Minaq, de David Hauguel, est un hymne à la ville. Hauguel habite au Havre et dans Al-Minaq « que ses habitants [...] appellent Al-Hafn, « l'Abri » » on reconnaît cette ville, mais comme au travers d'une vitre dépolie qui transforme et transporte au pays de fantasy... Dans les Tours d'Al-Minaq, il y a un peu des tours de béton de l'Hotel de Ville du Havre et de l'église Saint-Joseph, mais ciselées, sculptées, belles, en un mot. Chaque habitant doit choisir la Tour dont il dépendra, donc la confrérie à laquelle il appartiendra. Même sans connaître le Havre, les lecteurs seront séduits par cette histoire mystérieuse, mélancolique et si bien racontée. Elle clôt à merveille une excellente anthologie, illustrée par différents dessinateurs — hélas, la place me manque pour parler d'eux — dont le défaut principal est d'être mal distribuée. Pour la trouver, le mieux est donc d'aller sur : editions.parcheminstraverses.com