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La Science-fiction française

Anita TORRES


Illustration de Jeam TAG

L'HARMATTAN , coll. Logiques Sociales
Dépôt légal : novembre 1997
Première édition
Essai, 288 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : 2-7384-5948-X
Genre : Science-Fiction

Gérard Klein rédigea une préface, qui ne put faute de place être intégrée dans l'ouvrage. Elle est disponible sur le site de Quarante-Deux.



Quatrième de couverture
     La Science-Fiction serait-elle un « mauvais genre littéraire », un genre « mineur » ? Une littérature populaire ou de masse destinée à un public adolescent ? La critique littéraire la regarde-t-elle avec dédain ?
     La Science-Fiction serait-elle l'héritière de Jules Verne et du merveilleux scientifique ou une version francophone importée des Etats-Unis ? Pourquoi le « grand public » confond-t-il quelquefois littérature et croyances nouvelles (ou « mises au goût du jour ») ?
     Le sociologue peut proposer par une enquête de terrain auprès des différentes composantes du genre — amateurs, auteurs, environnement éditorial — croisée avec des enquêtes statistiques concernant les lecteurs, des réponses à ces questions. Etablir ce qui tient du discours de présentation, du désir transformé en réalité par les théoriciens et les professionnels du genre, et ce qui est plus objectivement recevable.
     Une description des caractéristiques sociales des lecteurs et amateurs de Science-Fiction, une étude de ce qui les assemble (les manifestations et supports spécifiques) et de ce qui les oppose (les conflits littéraires et la question des frontières) seront présentées.
     Le recrutement social, les degrés de professionnalisation et les représentations de soi des auteurs de Science-Fiction français seront également traités.
     Le lecteur suivra les questionnements du sociologue au fur et à mesure du déroulement de la recherche et les conclusions apportées par les résultats empiriques.

     Anita Torres, née en 1966, docteur en sociologie. A été attachée temporaire d'enseignement et de recherche puis chargée de cours à l'Université Paris VIII Saint-Denis.
Critiques
     Sous-titré « Auteurs et amateurs d'un genre littéraire  », cet ouvrage est une étude sociologique sur ce que l'on appelle le « milieu  » de la SF française  : ses auteurs, ses éditeurs, ses « promoteurs  » (vocable désignant les amateurs s'investissant dans la défense et l'illustration du genre) et ses lecteurs. Pour conduire son enquête, Anita Torres a non seulement travaillé sur le terrain — notamment lors de la convention qui s'est tenue en 1990 à Thionville — mais aussi réuni une importante documentation, avec le concours de certains acteurs du milieu, dont Joseph Altairac et Roland C. Wagner.
     Cette enquête compte parmi ses principaux outils un questionnaire envoyé à 70 auteurs  ; sur ce nombre, 47 ont accepté de répondre, les autres soit préférant un entretien avec l'auteur, soit opposant à sa demande un refus catégorique ou un silence obstiné. L'analyse de ces questionnaires a permis à Anita Torres de dégager un profil sociologique des écrivains de sf français qui, s'il n'invalide pas les thèses de Gérard Klein sur la SF comme émanation d'une classe sociale, les nuance quelque peu. L'exploitation d'un questionnaire rempli par les membres du club « Présence d'esprits  » a permis un travail similaire auprès des lecteurs, travail complété par des études sociologiques plus générales sur les habitudes de lecture en France et à l'étranger. (A ce propos, on lira avec intérêt le dossier intitulé « La Lecture  » dans le n° 82 de la revue Sciences humaines, daté d'avril 1998.)
     Loin de se limiter à une étude du milieu tel qu'il était à la date de ses travaux — entre 1990 et 1994, semble-t-il — , l'auteur esquisse aussi son histoire, depuis la découverte de la SF américaine en France au début des années 50 jusqu'à la controverse qui, au début des années 90, opposa les puristes aux partisans du mélange des genres.
     C'est là que nous arrivons au coeur de l'ouvrage, car Anita Torres démontre preuves à l'appui que l'histoire du milieu — et sa situation présente — s'articule autour d'un ensemble de conflits, les premiers de nature économique (exigences souvent contradictoires des amateurs et des professionnels, des écrivains et des éditeurs), les seconds de nature identitaire  : les acteurs du milieu se déterminent le plus souvent grâce à une définition en creux de leur genre d'élection, affirmant avec véhémence ce qu'il n'est pas plutôt que de définir ce qu'il est — voir les interminables débats sur la différence entre SF et fantastique, SF et fantasy, SF et littérature générale, SF et ufologie, etc.
     Cette analyse solidement étayée et profondément pertinente fait de ce livre un ouvrage précieux, qui devrait susciter dans les mois à venir débats, polémiques et remises en question. Plus particulièrement, le travail d'Anita Torres sera fort utile à ceux — écrivains, éditeurs, critiques, « promoteurs  » — qui suivent avec attention l'émergence de nouveaux auteurs se donnant comme priorités le dialogue avec la science et la primauté du récit. A ce titre, il est plus qu'intéressant de rapprocher le livre d'Anita Torres de la préface rédigée par Serge Lehman pour Escales sur l'horizon (laquelle prolonge dans une certaine mesure la préface d'Ayerdhal à Genèses)  ; tous deux, avec les outils et la sensibilité qui leur sont propres — Lehman n'est pas sociologue, Torres n'est pas écrivain — décrivent la même crise de croissance, et là où Torres conclut son ouvrage par une interrogation sur la survie du milieu, sinon du genre dans notre pays, Lehman propose après — et avec — Ayerdhal des solutions pour dépasser cette crise.
     L'anthologiste a certes un net avantage sur la sociologue  : sa réflexion est plus récente, et elle intègre le début d'évolution que connaît depuis trois ou quatre ans la sf d'expression française, début d'évolution que l'on peut déjà percevoir dans certaines déclarations recueillies par Torres, ainsi que dans quelques-unes des remarques dont elle émaille son étude.
     Il ne faut pas s'arrêter à la présentation... disons  : artisanale de cet ouvrage, ni aux quelques erreurs de détail qu'il peut comporter. L'étude d'Anita Torres est d'un intérêt fondamental pour tous ceux que passionne la science-fiction.

Jean-Daniel BRÈQUE
Première parution : 1/6/1998 dans Galaxies 9
Mise en ligne le : 1/2/2001


     Cet ouvrage est le fruit d'un travail d'enquête réalisé dans le milieu de la S-F française par Anita Torres à partir de 1990 et il constitue une approche sociologique de la S-FF. Outre les chercheurs impliqués dans l'étude sociologique du fait littéraire, cet ouvrage nous concerne en tant qu'image ou miroir — « nous », c'est à dire les auteurs et les amateurs de S-F. L'intérêt, bien sûr, diffère selon que l'on était ou non dans le milieu à l'époque. Il est nécessaire de replacer l'enquête dans sa perspective historique qui est celle des années où la S-FF a touché le fond et manqué disparaître ; la situation ayant depuis considérablement changée. La virulence des polémiques à laquelle la chercheuse a pu assister peut sembler étrange avec cinq années de recul mais à l'époque, le pessimisme était au noir fixe. Ainsi ne pouvait-elle assurément pas deviner que les jérémiades allaient, dès 95, se convertir en méthode Coué et porter leurs fruits. Entre le moyeu (puristes, orthodoxes dit A. Torres) et la roue (littéraires et hétéroclites) s'échangeaient des rayons de la mort.

     L'ouvrage s'ouvre par un nécessaire aperçu historique depuis 1950, après avoir posé les catégories et concepts de genres et en quoi la S-F est un genre dominé. Du point de vue sociologique, les questions de la domination du genre S-F et celle de sa légitimation sont centrales. L'histoire est touffue, détaillée à travers d'innombrables citations. A. Torres met en relief la constitution dipôlaire de la S-FF dès l'origine : populaire et à droite au Fleuve Noir ; intellectuelle et de gauche ailleurs, chez Denoël en particulier. Elle expose la connexion du pôle intello avec les derniers Surréalistes et l'exploitation légitimante qui en est faite. Elle passe ensuite à la S-F politique puis à la tendance littéraire autour du groupe Limite, qui lui a succédé. Des choses que les amateurs intégrés dans le milieu de longue date connaissent bien mais qui ne manqueront pas d'intéresser ceux qui n'ont pas connu cette période.

     Elle s'attache ensuite au clivage entre les puristes (définis par ceux qui considèrent que la S-F doit rester centrée sur la science, la technique, le rationalisme, même si c'est d'une manière critique) et, d'une part les hétéroclites (définis par leur goût pour les parasciences, le paranormal, l'histoire mystérieuse — surtout des anciens du Fleuve, Jimmy Guieu en tête) et d'autres, les néo-formalistes (définis par leurs préoccupations exclusivement esthétiques et stylistiques, autour d'Emmanuel Jouanne et de Limite).

     La dernière partie concerne les origines et situations sociales des auteurs qui appartiennent, selon A. Torres, à la bourgeoisie. Elle utilise une définition très large de la bourgeoisie qui comprend les instituteurs et agents de maîtrise. De fait, surtout des salariés. La frange cultivée du salariat. Elle constate que les auteurs les plus impliqués dans le milieu sont les moins intégrés, tant socialement qu'éditorialement et qu'ils se partagent entre « autres activités littéraires » et « boulots alimentaires ». Moins (ou pas) intégrés au milieu, les pros (anciens du Fleuve, Pelot ou Brussolo) et les dilettantes qui ont par ailleurs une profession valorisante (Canal, Barbet — malheureusement décédé depuis — , Dunyach, etc). Anita Torres n'analyse que trop superficiellement la relation ambiguë entretenue avec la S-F US, n'y voyant qu'une relation d'amour/haine à mon avis insuffisante.

     Au final, même si l'ouvrage date et semble assez confus, il n'en colle pas moins de près à la réalité d'alors quant aux conflits internes et aux désire et stratégies de légitimisation ; aspects aujourd'hui un peu estompés. Les discours sur l'origine sociale des auteurs garde toute sa pertinence puisqu'il s'agit surtout des mêmes. Indispensable à tous ceux qui veulent en savoir davantage sur leur genre de prédilection.

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/4/1998 dans Bifrost 8
Mise en ligne le : 2/11/2003

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