Ce n'est pas tous les jours que la science-fiction est présente dans nos kiosques à journaux, surtout si l'on met de côté tout ce qui se rapporte aux films, aux bédés et aux séries télévisées. C'est donc avec grand plaisir (et néanmoins une certaine appréhension) que l'on ouvre le numéro hors-série spécial science-fiction de l'excellente revue Ciel & Espace (qui s'était distinguée déjà il y a quelques années en publiant des nouvelles souvent anecdotiques, format oblige, de Serge Lehman).

     Au sommaire de ce hors-série joufflu on notera d'abord d'excellents articles signés Gérard Klein, Roland Lehoucq, Patrick Gyger et Gilbert Millet. J'ai un petit faible pour celui de Gyger qui, richement illustré, condense et expose en huit pages toute la magie de la science-fiction, cette magie de l'immensité, de l'altérité et des lendemains qui chantent, ne l'oublions jamais. Outre les articles sus-cités, s'ajoutent à la partie non-fiction quelques interviews sans grand intérêt, dont le pic de nullité est évidemment celle de Bernard Werber qui, après avoir écrit beaucoup de conneries, en filme maintenant sous le parrainage de — tremblez, jeunes gens ! — Claude Lelouch.

     Pour ce qui est des nouvelles, c'est, une fois n'est pas coutume, Serge Lehman qui s'en tire le mieux avec un texte vertigineux, « Origami », un vertige de l'écrasement. Dans cette courte nouvelle (plutôt mal écrite, mais il y a une bonne raison à cela...), un journaliste est envoyé par son patron à la Maison des Cigognes, pendant une semaine, histoire de dessiner des cercles à main levée, une moyenne de huit cents ronds par jour. Au bout de la quête l'attend une révélation tout simplement ahurissante. Après L'Espace de la révélation (Alastair Reynolds) voici la révélation de l'Espace par Serge Lehman. Les autres textes sont nettement moins convaincants, à l'exception notable du petit texte de James Alan Gardner « Ars longa, vita brevis », amusant et inventif. Pour ce qui est des français, Genefort et Dunyach se plantent sans perte ni fracas, le premier en nous livrant ce qui ressemble davantage à un synopsis de novella qu'à une nouvelle, le second en mélangeant métaphore sexuelle lourdingue et premier contact crypté, oubliant l'émotion au passage.

     Au final, un numéro indispensable, ne serait-ce que pour la nouvelle de Serge Lehman et l'article-panorama de Patrick Gyger.