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« J’ai perdu l’audition il y a quelques années » : Pascal Elbé parle de malentendance dans son nouveau film

Pour son troisième film derrière et devant la caméra, Pascal Elbé évoque la malentendance qui le touche depuis plusieurs années. Mais pas question d’en faire un mélo, lui préfère la légèreté de la comédie romantique. « On est fait pour s’entendre » sort en salles mercredi 17 novembre 2021.

Temps de lecture: 5 min

Après Tête de turc (2010) et Je compte sur vous (2015), Pascal Elbé revient derrière et devant la caméra pour une comédie romantique élégante évoquant un handicap qui le touche personnellement : la malentendance. Il en parle avec légèreté et humour, parce qu’après tout, On est fait pour s’entendre. Avec Sandrine Kiberlain, il forme un couple charmant : un homme et une femme qui commencent par connaître d’abord des problèmes de voisinage avant de découvrir qu’ils sont faits l’un pour l’autre.

Paris-Normandie : Pourquoi vous êtes-vous tourné vers la comédie romantique ?

Pascal Elbé : « Après un drame et un polar, j’avais envie d’une comédie. J’ai découvert tardivement que j’étais romantique, donc j’ai fait une comédie romantique, puisqu’apparemment, le romantisme, c’est lorsque deux personnes qui n’ont rien à faire ensemble finissent par se trouver. C’est un peu le principe de la vie, mais si ça n’arrive pas, on ne dit pas que votre vie n’est pas romantique, on dit qu’elle est ratée. »

De quoi parle le film ?

« Si je faisais le malin, je dirais que c’est l’histoire d’un homme qui va apprendre à écouter le jour où il devient sourd, ou l’histoire de ces âmes cabossées qui finissent par se rencontrer… Mais on s’en fout de tout ça, on sait bien qu’ils vont finir ensemble. En fait, c’est un film qui parle de nous, du rapport aux autres, de la transmission, de la confiance – ou la peur – que l’on a les uns vis-à-vis des autres. Ce sont presque des chapitres de vie que j’ai traversés. »

« Je suis le seul sourdingue de la famille »

Il y a donc du vécu dans ce film ?

« Oui, j’ai perdu l’audition il y a quelques années, et je ne sais toujours pas pourquoi. On m’a dit que c’était héréditaire mais je suis le seul sourdingue de la famille. La seule explication que j’ai trouvée, c’est que, quand j’étais petit, mon père, qui était quelqu’un d’assez dur, m’appelait Louis. Comme il avait une voix imposante, il y avait quelque chose qui se crispait en moi lorsqu’il rentrait, et pour me protéger, j’ai perdu l’ouïe. »

Qu’est-ce que cela a provoqué chez vous ?

« J’étais un peu comme Antoine qui, en découvrant son handicap, se replie, fuit la compagnie des autres. Mais pour moi, c’était impensable de renoncer. J’ai besoin d’aller vers l’autre pour être rassuré, pour être aimé, pour aimer. Je suis à un âge où on a moins besoin d’être rassuré, pour autant, je suis un animal social, j’ai besoin de l’autre. »

« J’entends beaucoup de solitude »

Mais la malentendance ne reste qu’un prétexte…

« J’y ai vu le prétexte parfait pour parler de notre rapport à l’autre, à cette époque où l’on a tout de même du mal à se tourner les uns vers les autres, voire à s’entendre, ultra connectée. On a une tonne d’amis virtuels et pourtant, en traversant la France, j’entends beaucoup de solitude, dans les villes comme dans les campagnes. Pour en parler, je trouvais formidable de me servir d’un personnage amputé d’un sens qui rencontre une personne qui, elle aussi, est diminuée dans son rapport à l’autre parce qu’elle a perdu son mari et que sa fille a perdu la parole depuis le décès de son père. »

Vous avez rencontré beaucoup de personnes qui, comme Sandrine Kiberlain, trouvent du charme aux maladresses du malentendant ?

« Toutes les femmes qui m’ont aimé (rires)… En fait, je dirais que oui, sauf que, quand on dit qu’on entend mal, les gens écoutent mais oublient très vite. C’est un handicap invisible. Il faudrait faire son coming out toutes les deux minutes, et ça n’est pas très bénéfique au quotidien. Honnêtement, je n’ai jamais pensé que quelqu’un allait me juger en bien ou en mal au vu de ma singularité. Je ressens plutôt le regard bienveillant de mon entourage. »

« David Lodge a mis des mots très justes sur ce que je ressentais »

Que vous a apporté le livre de David Lodge, « La Vie en sourdine » ?

« Il raconte le quotidien familial et professionnel d’un professeur d’université en semi-retraite qui n’entend plus rien. David Lodge a mis des mots très justes sur ce que je ressentais. Au fur et à mesure que je tournais les pages, je souriais, j’étais très ému et je me disais “C’est exactement ça”. Je ne connais personne atteint par ce handicap, assez rare à mon âge, je ne pouvais donc rien partager. Ce qu’il a mis en mots, j’ai eu envie de le partager par le biais des images. »

Il y a les images et il y a le son. Comment l’avez-vous travaillé ?

« Avec l’ingénieur du son, nous avons essayé de restituer ce qu’est cette surdité, ces acouphènes, cette espèce de bruit métallique dû à l’appareillage. Nous avons beaucoup tâtonné pour arriver à trouver à peu près ce que je ressens quand je ferme les yeux. C’était important parce que c’est quand on perd un de nos sens qu’on se rend compte de la chance que l’on avait. Une fois appareillé, il y a mille petits bruits qui vous ramènent à la vie avec beaucoup de poésie : les vagues, la pluie sur une vitre, le vent dans les feuillages. Pendant la tournée, j’ai fait un peu de prévention en rappelant aux gens de mettre des bouchons lorsqu’ils vont au concert. La perte de l’ouïe est irrémédiable, il faut vraiment y faire attention. »

Finalement, ce genre de film peut être utile…

« Je le pense. En tout cas, lors d’avant-premières en province, deux femmes ont fait leur coming out auditif. Le film aura permis au moins ça. Et puis, comme on parle de bonne entente, il faut comprendre que, avant d’aller vers l’autre, il faut d’abord aller vers soi. C’est quelque chose qu’on réalise tardivement. Il y a des gens qui se séparent et qui ont besoin de retrouver quelqu’un tout de suite sans s’accorder cette période de réflexion entre soi et soi qui fait grandir et mûrir, et que moi j’ai traversée. Après, quand on est prêt à se regarder, à s’accepter, on peut enfin se tourner vers l’autre. »

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