Alec Mansion : "Ma rencontre surréaliste avec Kim Wilde"
«J’ai conçu le projet par hasard», explique Alec Mansion à propos d’«Alors on chante !».
- Publié le 23-04-2023 à 18h06
Par Christian Marchand
Paris Match. En bon Belge, vous avez toujours l’air de bien vous marrer. Le second degré fait partie de votre nature et de vos chansons ?
Alec Mansion. Oui, je suis ainsi de naissance, comme beaucoup de compatriotes. J’aime la dérision, mais par-dessus tout faire passer un message profond en riant. Les Français nous envient ce décalage.
Nostalgique des années Léopold Nord & Vous et du triomphe de «C’est l’amour» ?
Je ne suis pas une personne nostalgique. En revanche, ce succès découle d’un véritable parcours du combattant. Nous avons présenté «C’est l’amour» à neuf maisons de disques. Elles l’ont toutes refusé ! Pour elles, le texte était trop surréaliste. D’autres nous disaient : «On ne comprend pas les paroles.» Bref, nous allions rentrer en Belgique. Mais ma sœur, qui était avec nous, avait programmé une dixième rencontre. On y a été, totalement épuisés et dépités. Le producteur nous a reçus en fermant la porte du bureau à clé, en disant : «Vous pouvez partir mais c’est avec un contrat signé.» Résultat : «C’est l’amour» a été vendu à deux millions d’exemplaires.
C’est souvent l’histoire des plus grands succès !
Vous ne croyez pas si bien dire. Mon frère, Hubert Mansion, est l’auteur d’un livre intitulé «Tout le monde vous dira non». Il y évoque les plus grands tubes qui ont été refusés partout. On y trouve Stevie Wonder, Diana Ross, les Beatles, les Jackson Five… Finalement, on dirait que le non est une bonne nouvelle !
Par moment, avez-vous pensé à changer de métier ?
Je ne me suis jamais posé la question, parce que je suis tombé dans la musique dès l’âge d’un an. Mes parents sont musiciens classiques. Mon père était contrebassiste et ma mère violoniste. J’ai eu la chance de ne jamais me demander ce que j’allais faire dans la vie !
Avez-vous l’impression qu’aujourd’hui, les artistes belges existent plus qu’hier ?
Non. Je pense qu’ils ont toujours existé. Par contre, ils sont davantage reconnus. Les artistes belges actuels ont vraiment la cote. Ils sont très appréciés en France. Regardez Stromae et Angèle : ce sont quasi des phénomènes sociaux. Je suis assez fan de Stromae, parce qu’il a une espèce d’impertinence aussi bien dans ses textes que dans ses visuels. Il ose parler de choses dures avec élégance et courage.
Qu’est-ce qui vous est arrivé de plus incroyable en plus de quarante années de carrière ?
Chanter «C’est l’amour» au stade de France devant 80000 personnes ! J’ai immédiatement ressenti une grosse émotion et vibration. La force d’une chanson nous échappe. On n’imagine jamais qu’elle pourrait toucher autant de gens. Quatre fois dans ma carrière, j’ai dirigé l’orchestre de l’Eurovision. On sait qu’il y a 300 millions de gens qui regardent. Là, on se dit qu’il vaut mieux ne pas trop y penser ! Lorsque j’ai été, à trois reprises, face à 80000 personnes au Stade de France, je m’adressais à une ou deux d’entre elles. Je regardais le premier rang. Sinon, ça fait tellement peur ! Je pense aussi à une rencontre extraordinaire avec Kim Wilde sur le volcan de l’île de la Réunion. Je m’étais perdu en me promenant. J’étais dans la fumée du volcan et une jeune femme s’approche de moi. C’était Kim Wilde, elle était perdue aussi ! Je me suis dit que j’allais me réveiller. Cette rencontre surréaliste a donné naissance à une grande amitié. J’étais sur cette île pour le «Disco d’Or de la Réunion», avec Muriel Dacq, la maman de mes enfants. Elle chantait «Tropique». Moi, j’étais présent comme musicien.
Selon vous, qu’est-ce que notre voisin -français devrait emprunter à la Belgique ?
Le Manneken Pis ! Parce qu’il est comme nous : léger et absurde. C’est une -formidable bulle d’air dans un quotidien -difficile.
L'idée géniale d'"Alors on chante"
«Un jour, mes musiciens ne sont pas arrivés à cause d’un blocage dans le trafic à Mons, et on m’a poussé sur scène devant 15000 personnes, avec mon guitariste, pour chanter un autre répertoire que le mien. Nous y sommes y allés à l’impro face au public. On leur a demandé ce qu’ils connaissaient comme chansons. L’idée d’un film s’est imposée comme cela. Dans les salles de cinéma, on demande aux gens d’être calme et de ne pas faire de bruit. Ici, c’est tout l’inverse. La force du spectacle vient de l’énergie du public. Le pitch du long métrage est qu’un monstre veut imposer un silence sur Terre. Moi, je ne peux pas laisser faire ça ! Je vais donc aller chercher les voix du public pour lutter contre cet envahisseur, joué par Renaud Rutten. Le public est encouragé à mettre l’ambiance en chantant. C’est un film qui voyage. Il permet de rencontrer Jean-Sébastien Bach, puis d’aller sur le passage piéton d’Abbey Road pour que les Beatles ne se séparent pas, ou encore de tenter de rendre Beethoven sourd.» Et le casting d’«Alors on chante !» est bien belge : outre Renaud Rutten, Lio fait la voix off de Miss Lady. Plastic Bertrand, lui, joue le Doc dans sa DeLorean, la voiture du «Retour vers le futur». « C’est lui qui me permet de voyager dans le temps. Ce monstre veut aussi enlever mes amis de «Stars 80» comme Patrick Hernandez, Philippe Barney et Jean Schultheis. Il y a plein de guest stars. Mais c’est surtout un film belge qui a été entièrement réalisé en Belgique. Nous avons fait travailler plus d’une centaine de personnes.»
Ce divertissement hybride et novateur sera présenté le 27/04 à Bruxelles (UGC De Brouckère), le 28/04 à Malmedy (Movie Mills), le 05/05 à Braine-l’Alleud (Kinepolis), à Liège les 06/05 (Kinepolis) et 07/05 (Palace), le 09/05 à Mons (Imagix) et le 16/05 à Tournai (Imagix).