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Pucci, la légende reprend des couleurs

Autour d’Isabella Rossellini, en caftan du soir imprimé Vivara, et de Camille Miceli (au centre), les mannequins (de g. à dr.) Christy Turlington, Eva Herzigova et Mariacarla Boscono. Après le défilé, au Palazzo Altemps, à Rome le 4 avril.
Autour d’Isabella Rossellini, en caftan du soir imprimé Vivara, et de Camille Miceli (au centre), les mannequins (de g. à dr.) Christy Turlington, Eva Herzigova et Mariacarla Boscono. Après le défilé, au Palazzo Altemps, à Rome le 4 avril. © Stéphane Feugère
Élodie Rouge

Sous la férule de Camille Miceli, la marque du célèbre couturier italien
qui enchanta les années 1950 et 1960 
redevient furieusement tendance.

Pasta, spritz et fiesta ! La grande Isabella Rossellini confie, sourire aux lèvres : « Je me suis bien amusée ce soir. » Palazzo Altemps, à quelques pas de la piazza Navona, la mise en scène semble sortir tout droit d’un film de Paolo Sorrentino, loin des entre-soi sans âme de la fashion week milanaise, où il n’est pas coutume de dîner ensemble, mais plutôt de prendre la pause. Ici, l’atmosphère est joyeuse et sincère. Tout est fait pour mériter le titre de soirée mode la plus sexy de la saison. Tel un soleil, rayonne le glamour cher à feu Emilio… Il ne fait aucun doute que, quelque part depuis son paradis de la couture, Pucci a adoubé ce sens de la fête insufflé par Camille Miceli pour son deuxième défilé en tant que nouvelle directrice artistique de la maison.

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Flash-back sur 2021. LVMH, devenu l’unique propriétaire de la pépite de la botte, choisit l’iconoclaste Camille Miceli pour faire revivre la splendeur et la folie si singulières à Pucci. Cette autodidacte, rompue au star-­système, a commencé sa carrière dans la communication chez ­Azzedine Alaïa puis chez Chanel, avant de se lancer brillamment dans la direction artistique. Le succès et le buzz sont immédiats : bijoux chez Christian Dior, accessoires chez Louis ­Vuitton.

Dans les bras deCamille Miceli, Christy Turlington.La supertopdes années 1990est venue défilerpour son amie.
Dans les bras de Camille Miceli, Christy Turlington.La supertopdes années 1990est venue défilerpour son amie. © Stéphane Feugère

Pour proposer sa vision hors du commun et renouer avec l’âge d’or de Pucci, elle continue à casser les codes et à s’amuser, le plus sûr moyen d’être fidèle à l’ADN du nom. Ainsi lance-t-elle immédiatement le message, en mai 2022, en n’organisant pas un défilé à proprement parler mais un happening « vacances et dolce vita », mixant mannequins et VIP pour mettre en scène sa collection entre cours de yoga, séance bronzette et beachparty à Capri, cette ville où le créateur florentin connut ses heures de gloire en habillant les stars en villégiature dans les années 1950 et 1960. Des noms comme un générique sans fin : Grace Kelly, Lauren Bacall, Liz Taylor, Gina ­Lollobrigida, ­Marilyn Monroe ou Audrey Hepburn… et Jackie Kennedy.

La saga commence en 1947

En réalité, la saga commence en 1947. Passionné de ski, Emilio Pucci di Barsento, marquis et jet-setteur, confectionne pour Mrs Poppi de Salis une tenue de ski qui ne passe pas inaperçue, photographiée par Toni ­Frissell, photographe du « ­Harper’s Bazaar ». Elle retient particulièrement l’attention de la papesse du magazine américain, Diana Vreeland, qui lui consacre un édito : « An Italian Skier Designs ». Dans la foulée, le grand magasin new-yorkais Lord & Taylor commande une collection croisière et sportswear. Quelques mois plus tard, Pucci dessine ses premiers motifs psychédéliques et ouvre sa première boutique, la Canzone Del Mare, à Marina Piccola, l’île préférée des aristos et du beau monde, au large de la côte amalfitaine. La légende Pucci peut commencer.

Isabella Rossellini rend hommage à Sophia Loren pour la couverture du « Vogue Italia » en 1990. Derrière elle, le motif Vivara.
Isabella Rossellini rend hommage à Sophia Loren pour la couverture du « Vogue Italia » en 1990. Derrière elle, le motif Vivara. © DR
Gina Lollobrigida, la meilleure des ambassadrices de cette marque italienne délurée et joueuse.
Gina Lollobrigida, la meilleure des ambassadrices de cette marque italienne délurée et joueuse. © Getty Images

Quelque soixante-quinze ans après, rendez-vous est donné à Rome pour le nouvel épisode de la saga, écrit par Camille Miceli et intitulé Very Vivara. « Je suis tombée sur un “Vogue Italia” de 1990 avec en couverture Isabella Rossellini, explique-
t-elle à Paris Match. Isabella Rossellini, c’est la femme Pucci, une extraordinaire aura culturelle et le goût de la vie. Voilà une femme, une actrice, qui a su se réinventer, tirer parti de son histoire, la transformer. Quand on voit ce qu’elle est devenue aujourd’hui, avec sa ferme, son compte Instagram, son humour décapant… Pour moi, c’était le bon moment pour remettre en scène cette icône de la maison ! »

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Dans cette ancienne série mode shootée par le photographe Steven Meisel, Isabella ­Rossellini incarne Sophia Loren habillée par la journaliste Carlyne Cerf de Dudzeele. Et elle porte l’imprimé culte : Vivara, comme l’île minuscule dans la baie napolitaine. C’est le nom que Pucci donne, en 1965, à l’imprimé qui évoque le mouvement de l’eau sous les lumières du soleil et de la lune. Motif qui reprend vie dans des robes du soir en éponge pour la plage, des caftans urban chic, faciles à s’approprier.

Emilio Pucci et ses sirènes, à Acapulco en 1965. Bikinis, robes longues, foulards et étoles sont marqués du sceau Vivara, à l’occasion de la sortie du parfum… Vivara.
Emilio Pucci et ses sirènes, à Acapulco en 1965. Bikinis, robes longues, foulards et étoles sont marqués du sceau Vivara, à l’occasion de la sortie du parfum… Vivara. © DR

« Aujourd’hui comme à l’époque d’Emilio, chaque imprimé, chaque placement d’imprimés, est réalisé à la main, d’abord sur les patrons, puis sur les soies ou les éponges. J’adore ce côté très “craft”, cet esprit d’atelier, la place laissée à la main et à l’imperfection… c’est ça le luxe aujourd’hui… », décrypte Miceli, emportant l’adhésion d’Isabella ­Rossellini : « Je me retrouve dans la démarche de Camille, il y a une véritable affinité entre nous puisque je réalise aussi moi-même tous mes costumes et vêtements pour mes films. »

De nombreuses icônes

Autre icône des nineties, Clotilde Courau venue avec sa fille Vittoria de Savoie. Les princesses, mère et fille, applaudissent en cœur, toutes deux en extase. « Camille est géniale. Une visionnaire qui sait incarner la quintessence de cette maison : un chic pop, facile à porter, une élégance assumée qui twiste entre modernité et tradition. »
La femme Pucci est une femme que rien n’effraie.

Comme Miceli, qui, dans l’univers hyperformaté de la mode, continue à se jouer des lois. Ce défilé romain est ouvert par ses copines, quinquagénaires de choc : Christy Turlington et Eva Herzigova. Mais ce sont trois générations de femmes, de 20 à 71 ans, qui cohabitent, de la grande tige aux belles plantes voluptueuses. Pour le final, ordinairement réservé aux jeunettes, apparaît une Isabella Rossellini royale, éblouissante, véritable star de la soirée, déclenchant l’acclamation du public.

Un duo très stylé : l’actrice Clotilde Courau et sa fille Vittoria de Savoie, 20 ans.
Un duo très stylé : l’actrice Clotilde Courau et sa fille Vittoria de Savoie, 20 ans. © Stéphane Feugère

En front-row, les célébrités se mêlent aux vieux copains de Miceli ou à sa mère : « Une salade de fruits avec des personnalités d’âges et de classes sociales différentes, c’est aussi ça Pucci », s’amuse-t-elle. Si chez Dior, Gucci, Chanel défilent des tenues qui ne se retrouveront que six mois plus tard en boutique, sous son impulsion, la maison italienne pratique le « see now, buy now », « voir maintenant, acheter maintenant », et s’affranchit du calendrier. « J’adore être à contre-courant ! » s’enorgueillit la directrice artistique. Cette immédiateté, elle la dit adaptée à sa « nature impatiente » et à une époque « où l’on swipe toute la journée sur nos smartphones pour oublier aussitôt ce qu’on y a vu. Toutes les études tendent à montrer qu’on perd la mémoire. Je trouve donc ce système parfaitement à propos ! »

Cinquante-neuf ans plus tard,le même imprimé sublime le mannequin Juliana Nalu et l’influenceuse Lena Situations.
Cinquante-neuf ans plus tard,le même imprimé sublime le mannequin Juliana Nalu et l’influenceuse Lena Situations. © Stéphane Feugère

La touche-à-tout hyperactive réussit à « imprimer » elle aussi sa vision. Une mode flamboyante qui fait se rencontrer l’humour et le beau, le tapis de yoga et les accessoires pour chien, la bouée de piscine et la robe couture. Et colle à toutes les générations. Si moderne et si fidèle à l’héritage ­d’­Emilio, lui qui professait : « La gaieté est l’un des éléments les plus importants que j’ai apporté à la mode. »

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