EMMA, REINE D'ANGLETERRE, MERE DENATUREE OU FEMME VINDICATIVE ?
Emma, fille du duc Richard Ier de Normandie, fut reine d'Angleterre de 1002 à 1035, d'abord en sa qualité d'épouse du roi Ethelred l'Indécis, puis, après la mort de ce dernier en 1016, comme épouse du conquérant danois du royaume anglo-saxon, Cnut le Grand. En 1035, à la mort de Cnut, elle se trouva engagée contre Harold Pied-de-Lièvre, fils illégitime du Danois et de sa maîtresse Aelgifu, en un conflit aigu dans lequel elle lutta afin d'obtenir le trône pour Harthacnut, le fils qu'elle avait eu de son second époux. Bannie d'Angleterre en 1037 à la suite du succès des visées de Harold sur la couronne, elle y revenait en juin 1040, aussitôt après la mort d'Harold, pour régner comme reine-mère aux côtés d'Harthacnut. Peu de temps après, Edouard, l'aîné des fils qu'elle avait eus du roi Ethelred, fit retour en Angleterre après un long exil en Normandie et, à la mort d'Harthacnut en 1042, il monta sur le trône. En novembre 1043, accompagné des earls Godwin, Leofric et Siward, Edouard chevauchait de Gloucester à Winchester, où résidait sa mère, dont il saisit les terres et autres biens (1).
La raison de cet acte apparemment peu filial était, selon 1' Anglo-Saxon Chronicle, qu'Emma aurait été « autrefois très dure envers le roi son fils, n'ayant pas fait pour lui ce qu'il en attendait, tant avant qu'il devînt roi, qu'après » (2). Le récit hagiographique du Miracle of St. Mildred est beaucoup plus explicite sur la nature du crime imputé à la reine-mère : elle aurait conspiré avec le roi Magnus Olafson de Norvège en vue d'une invasion de l'Angleterre par ce dernier (3).
(1) The AnaloSaxon Chronicle, éd. et trad, par D. Whitelock, D.C. Douglas et S.I. Tucker, New Brunswick, N.J., 1961, p. 107 (mss G, D et E).
(2) Ibidem, m s, D. Selon les mss G et D, « comme elle lui opposait à ce sujet u'ii très ferme refus, le roi prit par force en sa main toutes les terres que possédait sa mère et s'empara en totaiité de l'or, de l'argent et d'objets au delà de toute description qui lui appartenaient ». l>e prêtre Stigand se trouva aussi impliqué avec Emma dans cette affaire : lui qui avait été nommé peu de temps auparavant « évèque de l'Est-Anglie », il fut, d'après le ms. G, destitué de cette charge et tout ce qu'il possédait « placé sous contrôle royal, car il était le conseiller intime de la mère (d'Edouard) et l'on soupçonnait qu'elle avait agi selon ses avis ».
(3) Cf. Descriptive Catalogue of Materials relating to the History of Great Britain and Ireland, éd. par T.D. Hardy, Rolls Series, II, 381.
