Jacques-Guy Petit, Nicole Castan, Claude Faugeron, Michel Pierre et André Zysberg, Histoire des galères, bagnes et prisons, xille-xxe siècles, Toulouse, Editions Privât, 1991, 368 p.

Ce livre est un ouvrage collectif qui rassemble, sous la direction de Jacques-Guy Petit, les contributions d'historiens spécialistes de la question. Opportunément sous- titré « Introduction à l'histoire pénale de la France, xme-xxe siècle », il fournit, en trois parties après une introduction de Michelle Perrot, une présentation dans la longue durée de ce monde carcéral dont on sait que l'étude permet de dépasser très largement la simple connaissance du groupe d'individus privés de liberté. Une société n'a-t-elle pas les prisons qu'elle mérite ? Les dimensions politique, économique, démographique, voire philosophique et morale se débusquent tout au long des siècles, le long terme permettant en outre, et ce n'est pas le moindre intérêt de l'ouvrage, de déceler la permanence des questions (pourquoi enfermer ? pour punir ? exclure ? amender ? exploiter ? comment ? où ?...) et parfois des réponses. Mais le long terme montre aussi des ruptures et des surgissements à côté de lents les débats d'idées et la résistance têtue des réalités. On voit en particulier monter la question de l'encadrement pénitentiaire qui atteint l'acuité que l'on sait de nos jours.

Une première partie, « Archéologie de la privation de liberté », conduit jusqu'à la fin de l'Ancien Régime. Nicole Castan rappelle que la prison n'est jamais alors qu'une mesure de « prise de corps » faite pour garder et non pour punir. Le concept de prison comme mesure cœrcitive associée à la pénitence trouve son origine dans la pratique des communautés religieuses mais s'élargit, avec l'aide du roi, dans la pratique inquisitoriale à partir du xme siècle. Cependant la croissance massive de la pauvreté à la fin du Moyen-Age pouvant troubler un ordre public royal qui cherchait justement à s'affermir déboucha sur l'enfermement des pauvres que l'absolutisme triomphant du xvne siècle institutionnalisa en 1656 avec le « Grand Enfermement » dans l'Hôpital Général. Il s'agissait aussi de l'aboutissement de nombreuses privées antérieures issues du milieu dévot qui visaient à conduire les indigents vers le salut en préservant la société de leur mauvais exemple. A la fin du Grand Siècle les différents établissements parisiens (Pitié, Salpétrière, Bicêtre,...) retenaient environ 10 000 pauvres marginaux. Si l'Hôpital Général n'est pas, stricto sensu, la prison prescrite par jugement il présente néanmoins la réalité d'un monde clos carcéral avec travail forcé et discipline pénitentiaire. L'enfermement répressif aussi avec l'usage des lettres de cachet contre les oppositions politiques, religieuses et au service des familles. Mais l'insuffisance des revenus de l'État présentait un obstacle infranchissable au passage à une conception répressive de la privation de liberté qui se serait substituée au supplice. Le XVIIIe siècle ne put, dans ces conditions, que se cantonner au débat d'idées. En proclamant la Liberté droit naturel et imprescriptible la Révolution fit de sa privation la peine par excellence ; les nombreux établissements ecclésiastiques nationalisés offrirent en même temps le patrimoine immobilier nécessaire.

Seule institution répressive à avoir traversé les trois derniers siècles de l'Ancien Régime les galères, présentées par André Zysberg, fournissent l'exemple de l'utili-