Leonid FIšmAn

Les tendances politiques des littératures postsoviétiques de l’imaginaire

si l’on analysait de façon détaillée le contenu politique des littératures de l’imaginaire postsoviétiques, il se trouverait être aussi multiforme que l’ensemble des idées et des états d’esprit régnant au sein de la société russe au cours des deux dernières décennies. on peut comprendre alors qu’une telle analyse soit irréalisable dans le cadre d’un seul article, sauf si on donne à celui-ci certaines limites. quelles sont-elles ? nous serons tout d’abord obligé d’accorder de l’attention aux opinions politiques de masse qui ont prédominé durant telle ou telle période. Il serait insuffisant de nous restreindre à l’étude de ces manifestations au sein des littératures de l’imaginaire, lesquelles font nettement référence à des idéologies et systèmes utopiques connus. Le fait que ces littératures ne soient pas le genre convenant le mieux pour mettre l’accent sur ces idéologies et utopies a joué un rôle important. un genre à la base duquel la fiction et les conventions occupent une large place, dans les cadres duquel il est possible de bâtir n’importe quel champ d’expérimentations strictement noétiques – un tel genre a toujours plus convenu à l’écriture d’anti-utopies qu’à l’édification de tableaux utopiques et de sermons pour catéchisme idéologique. Ce sont cependant ces traits qui ont permis aux littératures de l’imaginaire de devenir le miroir de décennies durant lesquelles les idéologies et les utopies n’ont joué aucun rôle dans la politique russe, bien que leur symbolique et leur rhétorique aient été largement utilisées. Ces dernières se présentaient dans la littérature fantastique d’une façon similaire : en partie comme fournisseurs de symboles liés à certaines périodes du passé, en partie comme réservoir d’idées et de valeurs qui ne supposaient plus l’existence d’un projet différent de transformation de la société. qu’a reflété la littérature fantastique nationale de la fin des années 1980 à nos jours ? sans doute notre étrange révolution, qui, se faisant initialement sous des slogans libéraux et démocratiques, cachait en réalité une aspiration des masses à s’éloigner du cours de l’histoire et à plonger dans la «simplicité » et le «naturel » . Comme si auparavant, durant sept décennies, nous avions suivi une voie sans issue, bafouant les lois de l’histoire et de la nature humaine. Vers le début des années 1990, tout le monde avait brusquement à

Leonid FIšmAn. lfishman@ yandex. ru

LA REVUE RUSSE 43, 2014, p. 13-29.