Objets impossibles ou serpents tournants : comment les illusions d'optique trompent votre cerveau

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Objets impossibles ou serpents tournants : comment les illusions d'optique trompent votre cerveau

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La grille d'Hermann, une illusion d'optique de contraste.
La grille d'Hermann, une illusion d'optique de contraste.
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L'escalier impossible d'Escher, des traits de longueurs différentes finalement identiques ou encore des points qui apparaissent mais ne sont finalement pas là. Les illusions trompent notre cerveau, mais pourquoi au juste ?

Il suffit de regarder à travers la fente en métal pour voir apparaître une structure qui n’a aucun sens. Les trois côtés du triangle de Penrose s’alignent alors en un arrangement qui paraît inconcevable à l’oeil humain : et pour cause, il appartient à la catégorie des objets impossibles. 

Au Palais de la découverte, la courte exposition Illusions, prêtée par le Bloomfield science Museum de Jérusalem, permet aux curieux de se confronter à une autre réalité et de tromper leurs sens. 

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Les objets impossibles : du triangle de Penrose aux figures d’Escher 

Si l’illusion qui ouvre l’exposition est celle du triangle de Penrose, c’est certainement parce que cette dernière est l’une des plus emblématiques du champ de l’illusion d’optique. En 1958, le mathématicien britannique Roger Penrose publie le premier dessin, dans le British Journal of Psychology, de cet objet qui ne peut exister qu’en deux dimensions. Dans la réalité, l’illusion de cet objet ne peut exister qu’à condition d’être placé selon un angle unique. 

Le triangle de Penrose.
Le triangle de Penrose.
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L’artiste néerlandais M. C. Escher, fasciné par les structures géométriques, a beaucoup travaillé avec ce genre d’illusions d’optiques, préférant créer des paradoxes visuels en exploitant des proportions contradictoires plutôt que relatives. Dans sa célèbre lithographie Chute d’eau, l’artiste associe ainsi deux triangles de Penrose pour mettre en scène une cascade impossible, qui s’auto-alimente. De la même façon, il dessine à plusieurs reprises l’escalier de Penrose (créé par le fils de Roger Penrose), qui semble n’avoir ni de point culminant, ni de point le plus bas.

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Escher élabore des dessins qui servent notamment d’illustrations à la psychologie des formes, cette théorie qui expose les lois fondamentales de la perception. Selon cette dernière, les processus de la perception et de la représentation mentale de notre cerveau traitent les images comme des formes structurées, et non comme une simple addition ou juxtaposition d'éléments.

“C’est basé sur notre construction de la perspective, précise Tanguy Schindler, médiateur scientifique au Palais de la découverte. Ces objets sont impossibles parce qu’ils ont été fabriqués de manière à donner une impression de continuité, alors que c’est impossible.”

Aujourd’hui on pense qu’une grande partie des illusions sont liées à de la perception et la perception c’est essentiellement en fonction de l’onde cérébrale. La rétine va détecter des points lumineux, envoyer des informations au cerveau : globalement notre cerveau va établir une construction par rapport à une représentation interne et statistique des choses. Il pré-fabrique un objet qu’il ne va pas renvoyer dans la conscience tout de suite, il va juste comparer cet objet avec les entrées sensorielles, mesurer l’écart, et à partir de là, si la cohérence lui semble correcte, si la mesure est très proche, il va envoyer ça dans le conscient et le phénomène de perception va émerger. 

Les illusions de perspective d’Escher sont ainsi perturbantes parce que notre cerveau, s’il parvient à détailler les différents éléments, n’est pas capable d’en produire une perception globale qui soit cohérente. 

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S’il n’existe pas de classification officielle des différents types d’illusions, pour Tanguy Schindler on peut établir une pseudo classification par types d’effet, comme les illusions de perspective, de contraste ou encore de mouvement. 

Les illusions de perspective 

Les objets impossibles entrent donc dans la catégorie des illusions de perspective, qui se basent “sur les règles que notre cerveau va apprendre au cours de l’enfance, précise Tanguy Schindler. Par exemple : un objet qui s’éloigne de nous doit rapetisser, ce qui va être l’explication de certaines illusions de perspective, comme les illusions de Ponzo. Vous avez aussi des illusions avec des lignes de fuites : deux objets qui ont la même taille sont à des plans différents sur l’image, et vous avez le sentiment que celui qui est au fond est plus grand que celui devant, alors qu’ils sont de la même taille.”

C’est en 1911 que le psychiatre Mario Ponzo démontre cette illusion d’optique géométrique. Il suggère alors que l’esprit humain juge un objet non pas en fonction de sa sa taille mais en fonction du background. En plaçant deux barres diagonales qui simulent une perspective, il parvient ainsi à tromper le cerveau et à lui faire croire que deux barres horizontales n’ont pas la même taille : 

L'illusion de Ponzo : simple mais efficace.
L'illusion de Ponzo : simple mais efficace.
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Pour le cerveau c’est du gain de temps, du gain de traitement : il n’est pas obligé de repartir des points lumineux, de rassembler les points lumineux en traits, les traits en formes, les formes en structures complexes, puis de rajouter de la couleur, du mouvement… Ces processus sont très long en terme de traitement et de charge de fonctionnement.

Une autre illusion de perspective célèbre est celle du psychologue et sociologue allemand Müller-Lyer : en déplaçant le sens des flèches sur une ligne horizontale, le cerveau interprète différemment la longueur du trait central : 

L'illusion de Müller-Lyer.
L'illusion de Müller-Lyer.
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Le cerveau peut ainsi être trompé avec toute image qui utilise la perspective, sans nécessairement s’en tenir à des lignes horizontales : 

Ces deux hommes font la même taille, contrairement à ce que suggère la perspective.
Ces deux hommes font la même taille, contrairement à ce que suggère la perspective.
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On peut retrouver cette illusion d’optique dans la nature, avec le Soleil. Ce dernier nous paraît plus gros lorsqu’il se couche, simplement parce que l’horizon nous sert de point de repère. Dans le ciel vide en revanche, en l’absence de repères, il nous paraît plus petit. 

Les illusions de contraste 

Avec les illusions de contraste, on peut constater que le cerveau modifie le contraste d’une image pour faciliter la compréhension du monde qui nous entoure. “Des objets gris, en fonction du fond blanc ou noir, vous allez en voir un beaucoup plus foncé qu’il ne l’est réellement : c’est une illusion de contraste”, précise ainsi Tanguy Schindler.

En la matière, l’illusion de l’échiquier créée en 1995 par Edward Aldeson est l'une des plus connues : 

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Elle additionne plusieurs phénomènes : la variation de couleur des cases pousse le cerveau à considérer le carré sur fond foncé comme un carré gris clair dans un milieu mal éclairé et le carré sur fond clair comme un carré gris foncé dans un milieu bien éclairé. Mais un autre phénomène est pris en compte : l'échiquier, une figure que le cerveau connaît déjà. 

"On se fait tromper parce que le cerveau va vite dans le traitement et qu’il va avoir ses modes de fonctionnement, ses automatismes de fonctionnement qui peuvent l’induire en erreur, explique Tanguy Schindler. Ce qui est assez amusant c’est que là on le voit dans le champ des illusions, de la perception, mais même dans le traitement de la pensée c’est le cas. On fait plein de raccourcis parce qu’on a des constructions mentales. Là on le voit dans les illusions parce que c’est le champ de la perception, mais globalement on va voir ça sur d’autres phénomènes."

Au Palais de la découverte, on peut ainsi voir l'illusion du "triangle imaginaire" dont seuls les coins sont représentés. Mais le cerveau, en identifiant la forme globale du triangle, en dessine les lignes pourtant inexistantes par effet de contraste : "On distingue les traits, on voit même une différence de contraste. Si on arrive à trouver quelqu’un qui n’a jamais vu de triangle de sa vie, normalement il n’est pas censé le percevoir. Ce sont vraiment des automatismes, des habitudes de fonctionnement. C'est pour cette raison que les jeunes enfants sont parfois un peu moins sensibles à ce type d'illusions". 

Le triangle imaginaire
Le triangle imaginaire
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Autre illusion de contraste très connue, la fameuse grille d'Hermann, qui fait apparaître des tâches grises aux intersections :

La grille d'Hermann, un casse-tête visuel.
La grille d'Hermann, un casse-tête visuel.
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Ici, le cerveau adapte l'information concernant la luminosité d'une zone en fonction des zones adjacentes, toujours en périphérie de la zone fixée par le regard. C'est parce que la fovéa, au centre de la rétine, est la zone où la vision des détails est la plus précise.

Les illusions de mouvement

Les illusions de mouvement sont beaucoup plus récentes dans le champ de l'illusion d'optique. En la matière, le professeur de psychologie japonais Akiyoshi Kitaoka fait référence. Il s'inspire des travaux de Fraser et Wilcox, qui théorisent les premiers, dès 1979, l'idée d'"illusion de dérive périphérique" : en interprétant l'image, les cellules de la rétine tentent d'abord d'analyser la luminosité puis la couleur. Mais les différentes variations trompent le système visuel et l'image semble bouger à la périphérie du champ de vision. 

L'illusion de Fraser et Wilcox.
L'illusion de Fraser et Wilcox.
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En 2003, Akiyoshi Kitaoka crée l'illusion qui le rend célèbre : ses serpents tournants. L'image a beau être fixe, les ronds semblent s'enrouler : face à la complexité de l'image, les cellules photoréceptrices peinent à interpréter ce qu'elles voient, et créent ainsi l'illusion du mouvement.  

Les serpents tournants d'Akiyoshi Kitaoka.
Les serpents tournants d'Akiyoshi Kitaoka.
- Akiyoshi Kitaoka

"Ce sont des mouvements illusoires, qui apparaissent là où il n'y en a pas", constate Tanguy Shindler. Si Akiyoshi Kitaoka s'est rendu célèbre grâce à cette illusion, le médiateur scientifique du Palais de la découverte précise que le "nombre de mécanismes d'illusion est relativement fini. On est dans un système qui n’est pas vraiment extensif. On va surtout combiner plusieurs effets, et peut-être mettre en évidence de nouveaux effets, mais on n'en produit pas 500 par an". 

Ce qui n'empêche pas le concours de la Neural Correlate Society américaine de récompenser, chaque année, les meilleures illusions d'optique nouvellement créées. En 2018, le vainqueur, le japonais Kokichi Sugihara, avait créé un objet ambigu, capable d'être interprété de trois façons, selon la position du spectateur :

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