Pierre Christin : "Valérian oscille entre science-fiction catastrophiste et utopiste"

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Pierre Christin : "Valérian oscille entre science-fiction catastrophiste et utopiste"

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La couverture de l'intégrale numéro 7 de "Valérian et Laureline".
La couverture de l'intégrale numéro 7 de "Valérian et Laureline".
- Christin et Mézières - Dargaud

L'adaptation de la bande-dessinée "Valérian et Laureline", signée Luc Besson, sort cette semaine au cinéma. L'occasion de se pencher sur une BD de science-fiction qui a reflété les époques, et qui se veut humaniste avant d'être catastrophiste, en compagnie de son auteur, Pierre Christin.

En 1967, dans le magazine Pilote, apparaît pour la première fois le personnage de Valérian, agent spatio-temporel. Petit soldat du XXVIIIe siècle au service de Galaxity, capitale terrienne d'un véritable empire galactique, Valérian parcourt l'espace et le temps pour assurer le passé, le présent et le futur de la mégalopole, rapidement rejoint par sa compagne et collègue Laureline. La bande-dessinée, originale et décalée, connaît un immense succès : vendue à plus de 2 500 000 exemplaires, elle est considérée comme l'un des grands classiques du neuvième art.

La Grande table d'été
1h 04

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Il y a cinquante ans, pourtant, Pierre Christin, le scénariste, et Jean-Claude Mézières, le dessinateur, étaient loin d'imaginer que leurs personnages allaient devenir des célébrités, inscrites au Panthéon de la bande-dessinée. La science-fiction comme la BD sont alors encore considérées comme des sous-genres : "Pendant longtemps ça n'a pas appartenu au monde culturel, se souvient Pierre Christin, aujourd'hui âgé de 78 ans. C'était au mieux ce qu'on appelait des paralittératures... et en fait on pensait 'sous-littérature'. Lentement et sûrement, c'est entré dans le champ culturel, parce qu'on s'est aperçu que ça abordait plein de thèmes contemporains que la littérature n'abordait pas forcément."

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En 1970, dans un épisode de l'émission "Indicatif futur" consacré à "L'Avenir de la science-fiction", l'auteur René Barjavel était venu débattre du futur du genre, et partageait l'avis de Pierre Christin. "La science-fiction est une littérature de l'avenir. Avant de se demander quel sera l'avenir de cet avenir, il serait peut-être bon d'essayer de définir la science-fiction maintenant. [...] En France, elle était considérée jusqu'à ces tout derniers temps comme un genre méprisable, les critiques dramatiques ne daignaient pas en parler, Jules Verne était considéré comme un auteur pour enfants, alors qu'il est l'auteur le plus lu au monde après la Bible, regrettait-il. Nous avons été réhabilités quand j'ai vu qu'il y avait, au baccalauréat, un sujet sur la science-fiction" :

L'Avenir de la science-fiction (Indicatif futur, 18/03/1970)

38 min

Paso doble, le grand entretien de l'actualité culturelle
20 min

Valérian et Laureline : une bande-dessinée classique mais engagée

Valérian, un héros assez traditionnel.
Valérian, un héros assez traditionnel.
- Christin et Mézières - Dargaud

En littérature, la science-fiction, ses prévisions catastrophistes, ses dystopies, parlent du futur pour mieux commenter le présent. Aux grands classiques de la littérature de science-fiction qui s'imposent peu à peu dans la culture populaire, à l'image d'Isaac Asimov puis Frank Herbert, Christin et Mézières ont ajouté une dimension bédéphile : "La BD d’époque était tellement apolitique, pour ne pas dire assez franchement réactionnaire, puisqu’il y avait entre autres choses la loi sur les publications destinées à la jeunesse qui empêchait toute incartade morale et, de fait, politique, poursuit le scénariste de Valérian et Laureline. Moi, je trouvais qu’elle ne parlait pas assez d’éléments de la vie moderne, de la vie quotidienne. Et forcément la politique en faisait partie, même si Valérian n’a jamais été une BD militante au sens précis du terme. Une BD engagée oui, dès le début j’ai souhaité aborder des thèmes très vivants, notamment parce que je pensais que c’était très dommage que la BD ne les aborde pas. Graphiquement, visuellement, c’était très riche."

Fondamentalement, les genres littéraires eux-mêmes induisaient une espèce de conservatisme : les histoires de flics, de cow-boys, de pilotes, de voitures, de scouts, etc. Tout ça créait un climat d’une grande prudence politique. Et quand je dis conservateur, c’est plutôt un euphémisme. Ce n’était pas un désir des auteurs, mais un état d’esprit : "N’abordons pas les questions qui fâchent". Il y avait chez moi, un peu naïvement, l’idée de dire “Mais si ! C’est rigolo de parler de ce qui fait conflit, puisque ça va amener un genre d’histoire nouveau". Pierre Christin

Figures libres
1h 29
Pierre Christin, scénariste de "Valérian et Laureline", en 2011.
Pierre Christin, scénariste de "Valérian et Laureline", en 2011.
© AFP - ULF ANDERSEN / Aurimages

"On avait un côté conformiste", reconnait cependant l'auteur. Si la bande-dessinée s'appelle Valérian, c'est parce qu'il s'agit avant tout d'une BD destinée à un public de jeunes garçons, lecteurs du journal Pilote. Le côté "classique" de Valérian, agent spatio-temporel lui vaut aussi une certaine forme de mépris, à une époque où la bande-dessinée de science-fiction trouve plutôt le succès dans un style "plus éclaté, psychédélique, qui pouvait être très beau graphiquement mais peut-être un peu incohérent du point de vue idéologique, là où Valérian apparaissait comme 'planplan' - certes politique - mais finalement pas très novateur", à en croire Pierre Christin.

Dès les premiers albums, pourtant, Valérian divise : du côté de la bande-dessinée classique, celle des histoires d'aventures virilistes et masculines, on reproche à la BD de Christin et Mézières d'être trop politique. A l'inverse, du côté de la science-fiction, très ancré à gauche en France, on reproche à Valérian de ne pas aller assez loin dans son propos. "Mon ami Jean-Pierre Andrevon [un écrivain de science-fiction, ndlr] me disait à l'époque : 'Ça doit être parce que t’es fils de coiffeur, au fond il y a une apologie du commerce, du libéralisme, t’es pas vraiment de gauche', se remémore Pierre Christin. On en rigolait mais il y avait du vrai. J'étais un peu entre les deux, avec quelques éléments chez mon ami Jean-Claude Mézières et moi-même qui nous tenaient à cœur : l’antiracisme, l’antimilitarisme, la haine des armes, le rejet du combat du bien contre le mal. Pour nous ça n'était pas du tout comme ça que les choses fonctionnaient, c'est pour ça qu’on occupe une place un peu à part."

Pas de Valérian sans Laureline : une BD féministe avant l'heure ?

Laureline, compagne et collègue de Valérian.
Laureline, compagne et collègue de Valérian.
- Christin et Mézières - Dargaud

Avant même les prises de position politiques, c'est la présence d'un personnage féminin fort qui surprend les lecteurs de Pilote. Dès le premier album, Les Mauvais Rêves, alors qu'elle est présentée comme un personnage secondaire, Laureline rencontre un énorme succès_. "Valérian s'est trouvé une compagne au hasard de la toute première histoire,_ racontait Jean-Claude Mézières, le dessinateur de Valérian et Laureline, dans La Grande Table en mars dernier. Elle va avoir tout de suite un rôle positif puisque dans la première case où elle apparait elle sauve la vie de Valérian. [...] Et Goscinny, le rédacteur en chef de Pilote, nous dit que c’est bien, car des héroïnes, en France, dans des journaux pour petits garçons, il n’y en avait pas."

Christin et Mézières, les deux papas de la saga Valérian (La Grande Table, 07/03/2017)

27 min

Laureline ne tarde donc pas à devenir l'un des deux personnages principaux, transformant une BD avec un héros conformiste en un duo original. "La particularité de Valérian est d'avoir deux héros, précise Pierre Christin. L'autre particularité c'est que le héros principal n'est pas forcément celui qu'on pense."

Valérian incarne l’aspect ancien : il est "service-service", il est pilote d’astronef. Et puis Laureline c’est une femme libérée, à la fois compétente, rigolote, et désireuse de mener sa vie à son idée. Pierre Christin

Des deux personnages, c'est en effet Laureline qui est la plus moderne. Quand Valérian s'apprête à exécuter un ordre sans le questionner, c'est elle qui émet des réserves, le pousse à réfléchir par lui-même : elle prend rapidement le rôle du cerveau. "C'est une nouveauté, dans l'oeuvre de Christin et Mézières comme dans le contexte global de la science-fiction, assure à ce sujet le géographe Alain Musset, l'un des intervenants de l'exposition Valérian et Laureline en mission pour la Cité, qui se tient jusqu'au 18 janvier prochain à la Cité des Sciences, à Paris. C’est devenu, très vite, une BD féministe. Laureline est une femme qui pense et qui proteste contre la tyrannie des mâles."

En 1971, dans une émission sobrement intitulée "Science-Fiction", sur France Culture, de nombreux invités, dont René Barjavel ou le producteur de cinéma et écrivain Forrest J. Ackerman étaient invités à donner leur avis sur ce genre littéraire. Parmi eux, l'autrice Jacqueline Osternat tenait un discours très en avance sur son temps : "Un radian en main, la question de force physique ne compte plus, dans les romans de SF une femme peut se battre dans les étoiles aussi bien qu’un homme. Depuis 2000 ans, la propagande nous répète que les femmes doivent se plier, comme on dit en allemand, à la règle des trois K : « Kinder, Küche et Kirche », les enfants, la cuisine et l’Eglise. Une bonne propagande doit pouvoir remédier à cet état de chose. [Dans la science-fiction], il y a une façon déguisée de pouvoir faire une propagande féministe dans le bon sens du terme et de lancer sur le marché des idées de ce genre. [...] Les hommes voulant présenter un monde absolument différent du nôtre sont obligés de décrire des états sous sous le régime du matriarcat, ou des états ou les femmes sont les égales des hommes, ne serait-ce que pour dépayser le lecteur" :

La science-fiction (France Culture, 08/03/1971)

1h 00

Laureline, un personnage féminin fort inattendu dans les années 60.
Laureline, un personnage féminin fort inattendu dans les années 60.
- Christin et Mézières - Dargaud

Dans, l'album Le Pays sans étoile, les deux héros se retrouvent ainsi confrontés à deux cités se faisant la guerre, l'une matriarcale et l'autre patriarcale. Valérian et Laureline se séparent alors, chacun d'eux se retrouvant au service du genre opposé. Et l'héroïne de penser : "Laureline au harem ! Nouvel épisode d'une vie grandiose d'agent spatio-temporel de sexe féminin ! Mon petit Valérian, si je pouvais seulement t'appeler pour te dire ce que je pense de toi et tes semblables...". Bien sûr, on est encore loin d'un féminisme militant, et les premiers albums n'échappent malheureusement pas toujours à une certaine forme de sexisme, mais à une époque où le machisme est omniprésent dans l'univers de la fiction, la réflexion sur le genre et la présence de ce personnage féminin fort détonnent. "Les grands écrivains de l'époque, dont Isaac Asimov, étaient quand même des machistes avérés, précise Pierre Christin. Il y avait un désir de ma part d'aller contre des propos et des attitudes tenus par beaucoup d'écrivains américains dans le domaine de la science-fiction." A l'occasion des 40 ans de la série, la BD est d'ailleurs enfin renommée Valérian et Laureline en lieu et place de Valérian, agent spatio-temporel.

Écologisme spatio-temporel

En plus du féminisme, la BD Valérian et Laureline se distingue très rapidement par son approche de l'écologisme. Mieux, pour une oeuvre de science-fiction : Pierre Christin tape terriblement juste lorsque, dans l'album La Cité des eaux mouvantes, paru en 1970, il imagine une catastrophe écologique perturbant le climat, après l'explosion d'un engin nucléaire... en 1986. "On commençait à se dire, dans de tous petits cercles, qu'il y avait une dégradation évidente du climat, raconte Pierre Christin. C’était intéressant de prendre ça comme une hypothèse et de mettre un tsunami d’origine nucléaire à New-York. Je trouvais ça intéressant de prendre un thème à l’ordre du jour, en étant en avance puisque c’est de la science-fiction. Ce qui m’a amené à faire des choses dangereuses, puisqu’en 67 je prévoyais une explosion nucléaire pour 1986, comme ça, au pifomètre. Plus on se rapprochait de 86, plus je me disais qu’on allait être ridicules et, hélas, il y a eu l’explosion de Tchernobyl."

Malheureusement j’ai eu tendance à tomber juste quand il s'agissait de choses négatives, et pas vraiment juste quand elles étaient positives. Pierre Christin

Dans "La Cité des eaux mouvantes", la ville de New-York a été engloutie par un tsunami causé par une explosion nucléaire.
Dans "La Cité des eaux mouvantes", la ville de New-York a été engloutie par un tsunami causé par une explosion nucléaire.
- Christin et Mézières - Dargaud

"Ils ont prévu ce que d'autres n'ont pas vu : c’est un accident à l'origine de la catastrophe, de Tchernobyl, et non pas une guerre entre les deux blocs, commente Alain Musset. C’est assez nouveau. A partir de là, dans les autres albums, ils vont développer une pensée écologique. Ils annoncent et accompagnent un mouvement sur l’écologie." Cette explosion nucléaire deviendra d'ailleurs un des enjeux majeurs des aventures de Valérian et Laureline : au fil de l'histoire, quand les deux héros empêcheront la catastrophe de se produire, ils modifient le futur... et par là même l'existence de Galaxity, la mégalopole terrienne du futur, et leur employeur.

Impérialisme, colonialisme, religion : Valérian et Laureline contre les oppressions

L'affiche de l'exposition "Valérian et Laureline en mission pour la cité", à la Cité des sciences.
L'affiche de l'exposition "Valérian et Laureline en mission pour la cité", à la Cité des sciences.
- Mézières - Christin

Si le féminisme et l'écologisme s'inscrivent constamment en filigrane des aventures de Valérian et Laureline, Pierre Christin et Jean-Claude Mézières profitent de leur BD pour dénoncer bon nombre de mécanismes d'oppression et de systèmes de domination. Ainsi, dans Bienvenue sur Alflolol, les auteurs donnent à voir une planète gigantesque colonisée par des humains, qui détruisent sans vergogne une société en creusant des mines et en installant des usines afin de fournir Galaxity, la mégalopole terrienne. Non seulement les terriens, en pillant, détruisent l'environnement, mais ils n'hésitent pas à parquer les habitants locaux pour assurer un productivisme en bonne et due forme : "On condamne ici le système colonialiste qui caractérise le monde occidental, explique le géographe Alain Musset. Et que va-t-on faire avec les habitants ? Les parquer dans les réserves pour pouvoir à tout prix prix continuer la production. Ça rappelle le Grand Ouest américain. C'est une lecture de notre monde transposée dans un monde extérieure : on retrouve le colonialisme et l'impérialisme du côté de Galaxity, qui domine une grande partie de l'univers connu."

Christin et Mézières n'hésitent pas non plus à dénoncer la religion en tant que force de domination, entre un Calife qui exploite des mineurs au nom de la foi, ou des gens vivant des déchets de la galaxie et les utilisant pour dresser des cathédrales au nom de dieux inexistants. Dans Les Foudres d'Hypsis, Valérian et Laureline vont jusqu'à réaliser que la Sainte-Trinité est en réalité un trio d'affairistes qui possèdent la Terre...

La Méthode scientifique
58 min

Valérian et Laureline, agents anticapitalistes ?

- Christin et Mézières - Dargaud

"Colonialisme, impérialisme, féminisme… Ce qui apparaît derrière, petit à petit mais pas de manière claire, c’est le capitalisme, précise Alain Musset. Il y a une pensée anticapitaliste chez Valérian et Laureline_. C'est le résultat de tout le reste._ Dans les premiers albums la mise en place de toutes les structures du pouvoir liées au commerce, aux relations internationales, à la production même… C’est quand même l’exportation du capitalisme vers les planètes extérieures. Et dans les derniers albums ça devient de plus en plus net, de grands groupes internationaux, globalisés, essayent de se partager le pouvoir." Ainsi on retrouve pèle-mêle une grande corporation nommée Vivaxis, référence évidente à Vivendi) et l'on croise le diable en personne, parti faire du ski à Davos. Dans Au Bord du Grand Rien, les entreprises délocalisent d'une planète à une autre : au capitalisme globalisé succède le capitalisme intergalactique.

"Au début, c'était une critique non voilée de ce qu’on appelait de façon très optimiste à l’époque la société de consommation, assure ainsi Pierre Christin. Il ne faut pas oublier que c’était une époque incroyablement optimiste." Mais au fur et à mesure du récit, la trame s'assombrit : "L'époque est tout à fait différente, ça a été écrit dans les années 2000-2010 qui sont des années beaucoup plus sombres que les années pendant lesquelles est né Valérian. [...] On répond aux attentes d’un lectorat qui se situe dans une époque inquiète, ce n’est pas très original, mais on sent bien la montée d’une espèce de pétoche généralisée. Une BD de science-fiction, même si ça se passe dans un futur très très lointain, reflète le moment où elle est écrite. Il y a une espèce de dureté qui est dedans, et qui reflète l’époque qu’on vit."

Des humains et des extraterrestres : une bande-dessinée humaniste

Malgré une trame de plus en plus sombre, Valérian et Laureline n'en demeure pas moins une bande dessinée résolument optimiste et humaniste. Quand cette bande-dessinée est née, "il y avait cette obsession de la bombe atomique, en pleine guerre froide, on pensait tous qu’une bombe risquait de nous tomber sur le coin de la figure. Et que de la civilisation terrienne il ne resterait que des cendres. Valérian oscille entre cette science-fiction catastrophiste, à laquelle je n’ai jamais adhéré, et une science-fiction plus utopique, presque un peu bécassou. On peut faire une double lecture de Valérian et Laureline. Valérian est une BD fondamentalement optimiste puisque l’humanité, et notamment les deux héros, est encore active au XXVIIIe siècle, donc la Terre aussi. Mais elle est aussi pessimiste, si on veut : la Terre est absente pendant de longs albums, et n’est en aucun cas le centre de l’univers, ce sont d’autres planètes, d’autres civilisations, qui d’ailleurs excluent la Terre pour sa violence et sa bêtise".

Il y a dans Valérian une optique fondamentalement humaniste. Mais un humanisme qui va loin, j’insiste, puisqu’il inclut les non-humains. C’est très important pour Mézières et moi que les extraterrestres soient traités sur le même plan que les humains. Pierre Christin

La science-fiction préfère bien souvent la dystopie à l'utopie. Et si Christin et Mézières nous montrent un avenir imparfait, ils n'en conservent pas moins une foi inébranlable en un futur positif et optimiste. "Il y a tout un tas de malheurs qui accablent l’humanité - et l’univers tout entier - mais à chaque fois les auteurs donnent l’occasion de réfléchir sur ce qu’il faudrait faire, et comment s’en sortir. On est au bord de l'abîme, et ils nous donnent des leçons pour savoir comment sauter par dessus", conclut Alain Musset avant de donner pour exemple Les Héros de l’Équinoxe. Dans cet album, Valérian se rend sur une planète stérile : pour la repeupler il faut féconder la reine mère après une série d'épreuves. Les quatre vainqueurs des épreuves adressent alors un discours à la reine-mère, et une machine se charge de traduire leurs propos en images du futur : tour à tour, les candidats proposent un système fasciste empreint du mythe de la race supérieure, puis un système communiste où l'égalité est atteinte au prix d'un contrôle absolu, et enfin un futur écologiste, où la béatitude est acquise au prix d'une dévotion auprès de gourous... Vient le tour de Valérian, épuisé, qui ne sait que dire. "L'avenir ? Comme ça, à froid, je ne vois pas très bien...". Et la machine traduit une série d'images sans véritables formes, pastels. "Et puis ce n'est pas à moi de le définir. J'espère que ces gens seront heureux, à leur façon, sur leur planète." Et Valérian de gagner l'épreuve.

Le vaisseau de Valérian et Laureline aurait inspiré le Faucon Millenium de Star Wars.
Le vaisseau de Valérian et Laureline aurait inspiré le Faucon Millenium de Star Wars.
- Christin et Mézières - Dargaud