Amélie Nothomb : " Pour moi, la mort n'est pas une terre étrangère"

Amélie Nothomb, 2019 ©AFP - Josep Lago
Amélie Nothomb, 2019 ©AFP - Josep Lago
Amélie Nothomb, 2019 ©AFP - Josep Lago
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Comme chaque année depuis 31 ans, Amélie Nothomb vient de faire paraître un nouveau roman, “Psychopompe”, pour la rentrée littéraire. Ce livre très autobiographique nous permet d’en savoir plus sur ce qui l’a conduit vers l’écriture. Nous parlons avec elle de la pratique de son art.

Avec

L’enfance d’Amélie Nothomb, née dans une famille aristocrate belge, est rythmée par les déménagements, au gré des affectations de son père ambassadeur : Osaka, Pékin, New York, puis l’Asie du Sud-Est. En 1992, sort chez Albin Michel son premier roman, "Hygiène de l’assassin", qui connaît un énorme succès ; depuis elle publie chez cet éditeur un livre chaque année et partage son temps entre Paris et Bruxelles. Se définissant elle-même comme "une graphomane malade de l’écriture", elle dit écrire "3,7" romans par an pour n’en faire paraître qu’un. Ses romans, traduits en quarante langues, font régulièrement partie des meilleures ventes littéraires. Dans plusieurs de ses livres, elle transpose une partie de son enfance ("Métaphysique des tubes", "Le Sabotage amoureux" et "Biographie de la faim") ou son attrait pour le Japon ("Stupeur et Tremblement", "Ni d'Eve ni d'Adam", "Une Forme de vie"). En 2015, Amélie Nothomb a été élue à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Amélie Nothomb sort “Psychopompe” aux éditions Albin Michel. L’adaptation de “Barbe Bleue” en bande dessinée par Camille Benyamina paraîtra le 2 novembre prochain. Le temps d'un entretien au long cours, elle revient sur son parcours, ses influences et ses méthodes de travail.

"Mon corps, ce formidable ennemi"

"Mon anorexie était quelque chose de tout à fait inconscient. Avec recul, j’ai presque eu raison d'être anorexique, ça m'a sauvée de cette obsession mortifère qui a suivi mon agression sexuelle qui a eu lieu à mes 12 ans au Bangladesh. L'anorexie m'a fait penser à autre chose. Découvrir qu'on pouvait crever, tout d'un coup, ça a détourné ma pensée de tout ça. Le problème, c'est que ça m'a amené à une autre forme de mort qui a bien failli se produire... Et quand j'ai senti la mort arriver, mon corps et mon âme se sont séparés. J’ai compris que mon corps s'en allait mais c'est aussi lui qui m'a sauvé la vie puisque je suis allée manger. À ce moment-là, je vivais mon corps comme un formidable ennemi,  je ne comprenais pas que mon corps œuvrait à me sauver." Amélie Nothomb

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"Même si la notoriété n'était pas arrivée, j'aurais continué à écrire"

"J'appartiens à une famille où la littérature est sanctifiée. Si la littérature est sacrée, alors qu'est-ce que moi, misérable vermisseau, venait faire dans tout ça ? Et puis à 17 ans, je lis ce texte, "Lettres à un jeune poète" de Rainer Maria Rilke. C'est le choc. La question ne se pose plus de savoir si j'ai du talent, si je suis sacrée. Peu importe. La seule question est celle de la nécessité. Et ça a été pour moi une révolution. Je savais que j'allais très mal. Et il y avait pour moi une nécessité d'écrire." Amélie Nothomb

À réécouter : Libre comme Rilke
La Compagnie des auteurs
58 min

"Je considère psychopompe les gens poreux avec la mort"

" Le premier être humain qui mérite d'être qualifié de psychopompe, c'est Orphée. Il est le premier de son espèce qui parvient à descendre aux enfers et à en revenir vivant. Je ne peux pas espérer accomplir une telle chose. Je considère comme psychopompe toute personne pour qui la mort est poreuse. Pour moi, la mort n'est pas une terre étrangère. Il m'est déjà arrivé à trois reprises d'avoir une forme d'échange avec quelqu'un qui n'était plus." Amélie Nothomb

Plus d'informations sur son actualité :

  • “Psychopompe”, vient de paraître aux éditions  Albin Michel.
  • Rencontre/dédicace le jeudi 14 septembre, à la librairie Millepages à Vincennes, à partir 19h30.
  • L’adaptation de “Barbe Bleue” en bande dessinée par Camille Benyamina paraîtra le 2 novembre prochain.

Sons diffusés pendant l'émission :

  • Guillaume Gallienne lit un extrait de "Lettres à un jeune poète" du poète Rainer Maria Rilke, (1903) dans l'émission "Ça peut pas faire de mal", 2019.
  • Pierre Nothomb, l’arrière-grand-père d’Amélie Nothomb dans "La semaine littéraire",1964.
  • Choix musical de l'invitée : “Lateralus” de Tool, 2001.

Le son du jour : “Artistes” de Bruit Noir

Bonne nouvelle avec le retour du groupe français Bruit noir, projet parallèle de Pascal Bouaziz et de Jean-Michel Pires, par ailleurs membres du groupe Mendelson. Ils publient chez Ici d'Ailleurs un nouvel album, intitulé IV/III, qui prend la suite de I/III (2015) et II/III (2019), sans passer par la case III/III. Une façon pour le groupe de ne pas clore ce qui aurait pu ressembler à une trilogie. Le voyage continue donc pour les deux comparses, qui délivrent un spoken word acariâtre sur fond de productions répétitives et abstraites. On saluera la plume toujours aussi caustique de Pascal Bouaziz, maître incontesté dans la sublimation de l'amertume. On écoute le morceau “Artistes” qui s’adresse, vous en doutez, aux artistes.

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