Ronan Bouroullec : "J’ai rempli des milliers de carnets de croquis en multipliant les mêmes courbes"

Comme les Californiens Charles et Ray Eames, mais aussi les Français Charlotte Perriand et Le Corbusier, Ronan Bouroullec façonne le design contemporain à quatre mains, non pas en couple, mais avec son frère, Erwan Bouroullec, depuis la fin des années 1990. Ensemble, ceux qu’on appelle les frères Bouroullec se sont imposés sur le devant de la scène internationale grâce à leurs créations pionnières, reconnaissables pour leurs lignes épurées, leur influence japonisante, mais surtout leur façon si singulière de redessiner les espaces intérieurs et de sculpter la pesanteur. Toujours en quête de la forme juste, ils collaborent avec plusieurs éditeurs de meubles à travers l'Europe, mais aussi avec des galeries, comme la galerie Kreo à Paris dont ils ont fait un de leurs laboratoires. Toutefois, ce n’est pas le designer Ronan Bouroullec que nous recevons aujourd’hui, sinon le dessinateur, qui travaille pour sa part en solitaire. Depuis une dizaine d’années, plusieurs expositions ont révélé l’ampleur de ce pan essentiel de son œuvre. Avec la Villa Noailles, c’est une exposition en trois temps à laquelle nous sommes conviés. Le premier, “Dessins quotidiens”, est visible à l'Hôtel des Arts de Toulon jusqu’au 29 avril, dans le cadre de la programmation hors-les-murs de la villa Noailles. Puis, une deuxième exposition consacrée exclusivement à sa pratique de la céramique se tiendra à la Galerie du Canon à l’occasion de Design Parade Toulon 2023. Le troisième temps se tiendra cet été, à la villa Noailles.

Le temps d’un entretien au long cours, Ronan Bouroullec revient sur son parcours et nous entraîne dans la fabrique de ses arts.

L'échappée belle

Pour tromper l’ennui qu’il ressentait à l’école et surtout dans la solitude des champs de pommes de terre de la campagne, Ronan Bourellec s'est mis à dessiner.

“J’ai vécu à la campagne une enfance assez solitaire. Le dessin était une manière de combler ce vide et de produire quelque chose d’immédiat et de tangible. (…) J’ai des souvenirs très précis de moi sur la table, de ma vue sur la ferme voisine, de mon plaisir à la manipulation des crayons et de la couleur. Le dessin était l’endroit où je me sentais protégé d’un monde qui n’était pas forcément celui que je voulais voir.” Ronan Bouroullec

L'empathie à l'oeuvre

“L’inspiration est un kaléidoscope de sensations. Je crois qu’un designer doit être quelqu’un qui fonctionne avec empathie dans ce monde, à la fois avec les machines, les artisans et les matériaux. La principale qualité pour un designer est, dans un contexte donné, de réussir à comprendre les tenants et les aboutissants de ce qu’il rencontre, que ce soit un morceau de terre posé sur un tour, un céramiste japonais avec lequel on ne pourra communiquer que par dessins, ou d’une machine extraordinaire qui permet de fabriquer en quelques secondes des mètre carrés de carrelages qui auront une finesse de quelques millimètres. Le design est vraiment une discipline de contexte." Ronan Bouroullec

La beauté du geste

“J’ai rempli des milliers de carnets de croquis en multipliant les mêmes courbes, en essayant de déchiffrer quelque chose qui me paraissait très clair mais que je ne parvenais pas à comprendre. Le croquis est un outil de recherche absolument formidable.” Ronan Bouroullec

“Quand je rentre après une journée compliquée et que je me mets à ma table de dessin, je prends je prends le feutre qui traine par-là et le bout de papier qui a servi à autre chose. Une fois que j’y suis, je m’y perds et au bout d’un moment quelque chose est là. Ça ressemble à une situation d’autohypnose ou à un chemin qu’on pratique quotidiennement sans pour autant se souvenir à l’arrivée du trajet que l’on a suivi. (…) L’avantage du dessin c’est que c’est une discipline sans protocole particulier, il n’y a besoin de rien, c’est d’une extrême légèreté. Je crois qu’il y a une incompréhension quant à ce qu’est le dessin, pour moi la maîtrise technique n’est pas un thème important. Le plaisir de l’encre sur le papier, le plaisir de la bille du bic qui s’enfonce dans le carton, du feutre sur un papier brillant, le côté sensuel de tout cela est quelque chose d’extraordinaire. On peut se contenter du plaisir du faire.” Ronan Bouroullec

Plus d'informations sur ses actualités

• Exposition : «  Dessins quotidiens », de Ronan Bouroullec, à l’Hôtel des Arts de Toulon, du 4 mars au 29 avril 2023, dans le cadre de la programmation hors-les-murs de la villa Noailles. Cette exposition et le premier volet d'un triptyque, dont le deuxième consacré exclusivement à la pratique de la céramique de Ronan Bouroullec sera présenté à la Galerie du Canon à l’occasion de Design Parade Toulon 2023, et le troisième présenté lors de ce même été dans le cadre de Design Parade Hyères, à la villa Noailles.
• En 2023, les éditions Phaidon publieront Day After Day, un important ouvrage imaginé tel un journal intime de plus de 10 ans.
• Des nouveautés seront prochainement présentées chez différents éditeurs : le fabricant de textiles Kvadrat ; le fabricant de luminaires Flos ; également chez Magis ; ainsi que deux collaborations avec des maisons japonaises.

Sons diffusés pendant l'émission :

• Le designer anglais Jasper Morrison, dans l'émission "Trans formes", sur France Culture, le 17/01/2001.
• Charlotte Perriand, qui évoquait en 1984, sur France Culture, le chalet de Méribel réalisé juste après le Deuxième Guerre Mondiale.
• Le choix musical de Ronan Bouroullec : « The Stranger Song » de Leonard Cohen, sur l'album "The Stranger" (1967) - Columbia (Sony music).