Henri Laborit : "Les joueurs de football sont devenus des chevaux de course"

Le professeur Henri Laborit en juin 1992 ©Getty - ©Getty - hoto by Alain BUU/Gamma-Rapho via Ge Copyright : Getty
Le professeur Henri Laborit en juin 1992 ©Getty - ©Getty - hoto by Alain BUU/Gamma-Rapho via Ge Copyright : Getty
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Au printemps 1982, le réalisateur Charly Dupuis proposait au neurobiologiste Henri Laborit de commenter le match de Coupe du monde Cameroun-Pérou, retransmis à la télévision sur la terrasse du Centre Pompidou à Paris.

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En 1982, Charly Dupuis proposait "Carnets de balle : Electrolyse d'un match de foot : Cameroun-Pérou".Il existe d’innombrables façons d’assister à un match de football. Dans les tribunes d’un stade, sur son téléphone mobile, derrière son poste de radio ou devant un écran de télévision. Mais l’essentiel, en dehors de ce qui se passe entre les joueurs et les équipes, est peut-être ce qui se dit entre amis, chez soi, dans un pub ou encore sur la terrasse du Centre Pompidou à Paris.

"Qu’est-ce que le football ? Ce sont des gens qui dansent et qui font de leur corps quelque chose de très joli : rentrer une boule ronde dans un but. "

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C’est ce dernier lieu que Charly Dupuis a choisi comme décor pour réaliser ce "Carnets de balle" diffusé sur France Culture en juin 1982. Dans une ambiance de bal populaire rock savamment orchestré par le groupe Pieds-Joints, le professeur Henri Laborit est invité à commenter le match Cameroun-Pérou, retransmis à la télévision. "Je n’ai pas de pronostic , murmure le biologiste dans un brouhaha sonore ambiant, ce qui m’intéresse dans le football, c’est son aspect chorégraphique."

"Depuis le néolithique on a développé le cerveau gauche (celui de l’analyse, de la parole, des mathématiques) au détriment du cerveau droit que l’on a châtré."

Alors que les Camerounais viennent de louper un coup franc, et sous les sons saturés d’une guitare électrique, Henri Laborit poursuit ses commentaires : "Je n'ai pas de favoris ni de pronostic sur ce match. Quand vous assistez à un spectacle de danse, est-ce que vous pariez sur l’un des danseurs ?" Le match se poursuit, hourras de la foule, cris et applaudissements télévisuels, pouls régulier de la batterie en fond sonore. Les images du match inspirent le professeur : "Pour quelle raison le sport a-t-il pris une telle importance dans notre société contemporaine ? C’est parce qu’il réhabilite le cerveau droit, celui de l’espace et du geste. Depuis le néolithique, estime Henri Laborit, on a développé le cerveau gauche (celui de l’analyse, de la parole, des mathématiques) au détriment du cerveau droit que l’on a châtré. Nous sommes arrivés à un point tel que des névroses et des psychoses viennent de là."

Comme deux spectateurs assis dans une tribune populaire, le réalisateur et le biologiste devisent sur le football, élargissent la conversation sur l’idéologie de la compétition ou du "football spectacle". A ce propos, Henri Laborit regrette que les joueurs soient devenus "des chevaux de course".

"Dans un monde marchand, le sport est devenu une marchandise"

Maintenant l’arbitre siffle le coup de sifflet final sur le score de 0 à 0. Un match nul qui inspire ces mots au lauréat français du Prix Albert Lasker, équivalent américain du Prix Nobel de Médecine : "On peut aimer le football, mais ne pas aimer ce qu’on en a fait : une marchandise et un moyen de dominance".

  • Mundial 82 - Carnets de balle : Electrolyse d'un match de foot : Cameroun-Pérou (1ère diffusion : 15/06/1982)
  • Par Charly Dupuis - Avec Henri Laborit
  • Le groupe Pieds-Joints est composé de Jean-Pierre Bouly (chant, guitare), Dominique Doucet (claviers), Jean-Claude Moreau (percussions) et Jean-Sylvain Ressaire (basse).
  • Edition Web Sylvain Alzial Documentation de Radio France
  • Archive Ina-Radio France

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