La Bergerie nationale de Rambouillet

Moutons de la Bergerie nationale de Rambouillet en 2011 ©AFP - Sylvain Sonnet / hemis.fr
Moutons de la Bergerie nationale de Rambouillet en 2011 ©AFP - Sylvain Sonnet / hemis.fr
Moutons de la Bergerie nationale de Rambouillet en 2011 ©AFP - Sylvain Sonnet / hemis.fr
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Les premiers moutons mérinos sont arrivés dès 1786 dans ce qui était encore seulement une ferme royale expérimentale. Les passionnés de l'innovation rurale se plaignaient de la dégénérescence des races ovines françaises surtout destinées à produire de la viande et fournissant des laines grossières.

-Qui a la chance de séjourner à Rambouillet peut visiter aisément la Bergerie nationale. Vous qui séjournez à Paris, sachez que la Bergerie ayant confié ses archives aux Archives nationale, celles-ci en tirent une exposition à l'hôtel de Soubise à Paris : La guerre des moutons.

Eh oui, le mouton c'est un sujet historique de première importance.

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Mais il ne s'agit pas, ici, de n'importe quels moutons mais des mérinos. Trois mérinos montent d'ailleurs la garde à l’entrée de l'hôtel de Soubise pendant la durée de l'exposition.

Des moutons marqués à l'oreille R comme Rambouillet. Les premiers mérinos sont en effet arrivés dès 1786 dans ce qui était encore seulement une ferme royale expérimentale.

A l’époque, les passionnés de l'innovation rurale, se plaignaient de la dégénérescence des races ovines françaises surtout destinées à produire de la viande, du lait et... du fumier. Elles ne fournissaient que des laines grossières et les manufactures textiles devaient aller chercher en Espagne les laines fines des mérinos, ces athlètes de la transhumance qui parcouraient les grands plateaux de l'ouest de la péninsule.

La monarchie espagnole veillait de très près sur eux. Il fallait les extraire par la contrebande jusqu'à ce qu'en 1786, à force d'insistance, un troupeau de 366 mérinos puisse être acheminé jusqu'à Rambouillet.

Les bêtes, couvertes de gale, ayant parcouru 1500 kilomètres, n'étaient pas au mieux de leurs performances à leur arrivée mais elles s'adaptèrent assez bien, malgré les conditions climatiques de Rambouillet.

Vous savez bien : la brume, l'humidité qui montent des étangs et de la forêt.

-Les mérinos sont des agents géopolitiques de grande importance. L'exposition est titrée La guerre des moutons.

Cette même année 1786, la France tente une expérience : la signature d'un traité inédit de libre-échange avec l'Angleterre ; à la clé, une baisse des taxes à l'entrée et à la sortie des produits textiles. Ce n'est pas l'arrivée de quelques mérinos qui peut changer la partie qui se joue. Les Anglais disposent de leurs races à longue laine et surtout leurs moyens techniques sont bien supérieurs. C'est eux qui gagnent au libre-échange en matière textile.

Ensuite la guerre reprend entre les deux pays pendant la Révolution et l'Empire.

Napoléon veut cesser les relations commerciales avec l'Angleterre et constituer un ensemble économique continental auto-suffisant.

Son régime, placé pourtant sous le sceau de l’abeille et de l'aigle, s'intéresse beaucoup aux moutons. Il est alors de bon ton pour la haute société de disposer des mérinos dans ses propriétés, Fouché, Talleyrand en ont des troupeaux, le maréchal Berthier aussi dans son domaine de Chambord : il en a, d'ailleurs confisqué quelques-uns pendant sa guerre en Espagne.

Mais là encore, au final, c'est l'échec, Napoléon est vaincu. L'Angleterre retrouve en 1815 la possibilité de commercer ses propres laines comme elle l'entend.

Qui plus est dès 1807, elle voit débarquer les premières cargaisons venues d’Australie.

Grâce à ses dominions elle va dominer les marchés au XIXe.

-Quel rôle reste-t-il à jouer pour les mérinos de Rambouillet et du réseau des bergeries nationales et des écoles vétérinaires qui accompagne leur maintien ?

La carte patrimoniale de l'intégrité de la race. Le troupeau qui existe encore aujourd'hui à Rambouillet peut se vanter de s’être reproduit sans croisement extérieur et en s'améliorant pourtant grâce à un contrôle strict.

Napoléon III qui lui portait la même attention que son oncle disait qu'il avait fait la preuve du génie modernisateur de notre pays !

D'ailleurs nos mérinos furent photographiés par le grand Nadar lui-même et présentés aux Expositions universelles chères au Second Empire.

-Néanmoins, la valeur symbolique du mérinos n'est plus en phase avec sa valeur réelle.

Les grands propriétaires traditionnels qui s'enorgueillissaient de leurs mérinos ont laissé peu à peu la place à des exploitants plus soucieux de rentabilité que de prestige. La mérinisation n'a pas pu soutenir vraiment l'industrie textile qui s'était tournée vers d'autres sources d'approvisionnement plus abondantes, meilleur marché. En revanche mérinomania demeure. Je vois dans Le Figaro vanter la production de plaids cent pour cent hexagonaux : 686 euros en laine mérinos Arles antique.

-Nous sommes maintenant bien au Sud de Rambouillet.

Eh oui, c'est peut-être là que se joue la nouvelle image de la laine française. Au Larzac par exemple, avec ses anciens et néo-ruraux.

Mais rassurez-vous il y a un avenir pour Rambouillet. Cela a été un centre pionnier de l’insémination artificielle. On y fait de la formation professionnelle avec des apprentis bergers -bergères surtout, d'ailleurs. Et l'agro-écologie s'y combine avec le patrimonial comme en témoigne l'exposition des Archives Nationales.

L'exposition La Guerre des moutons. Le mérinos à la conquête du monde. 1786-2021se tient jusqu'au 18 avril, à l'hôtel de Soubise à Paris. Un catalogue est édité par les Archives Nationales.

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