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Publié le 06 décembre 2017 à 07h00
Mis à jour le 19 août 2021 à 00h48
Voilà plus de trente ans, depuis son premier roman, Biographie comparée de Jorian Murgrave, paru en 1985, qu’Antoine Volodine bâtit, livre après livre, cet objet d’art singulier, cette cathédrale poétique qui comprendra quarante-neuf volumes. Le dernier, déjà écrit, appelé à de régulières réécritures au fil de l’évolution de l’ensemble, se terminera par ces mots : « Je me tais. » Black Village est le quarante-deuxième volume de cette saga que l’auteur qualifia un jour, en manière de canular, de « fantastique post-exotique », genre qui n’appartient qu’à lui et à ses compagnons d’écriture, écrivains imaginaires, hétéronymes d’Antoine Volodine. Lutz Bassmann, qui signe cette nouvelle pierre de l’édifice, est un membre éminent de ce collectif, à l’instar d’une Manuela Draeger ou d’un Elli Kronauer.
A la manière des vagabonds de Beckett, les personnages de ce texte, comme ceux des précédents, sont d’abord des voix qui parlent pour continuer à exister. Des personnages à l’agonie qui errent dans un monde parallèle marqué par l’indistinction entre le rêve et la réalité, la vie et la mort, les humains et les animaux. Une sorte de bardo littéraire, inspiré de cet espace de quarante-neuf jours entre mort et renaissance qu’imaginent les bouddhistes tibétains. Black Village met ainsi en scène trois personnages qui cheminent dans le noir, à l’intérieur d’une tranchée constituée de rondins de bois. Tous repères abolis, y compris le temps qui ne s’écoule que par à-coups. Pour tenter de lui donner une mesure, le trio, à la manière des Mille et Une Nuits, va se raconter des histoires dont aucune ne se terminera, à chaque fois interrompue, au milieu d’une phrase, par une rupture brutale du temps.
Magnifiquement organisé, en une géométrie parfaite, l’ensemble de ces « récits estropiés » racontent, une fois encore, l’échec des utopies révolutionnaires, la fin de l’espèce humaine, la paranoïa généralisée. Mais qu’on ne s’y trompe pas : la lecture de ce livre est un plaisir immense, l’humour qui le traverse, l’extraordinaire variété des genres littéraires qu’il convoque, la puissance des images qu’il soulève, l’ambition qui le porte, l’étrangeté et la beauté de sa poétique en font un livre majeur.
| Ed. Verdier, 210 p., 16 €.
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