Avant sa destruction programmée, la piscine de Doullens (Somme) est investie par des street artistes. Visite guidée au cœur d’un inattendu et spectaculaire projet, à voir jusqu’en décembre.
Publié le 04 octobre 2022 à 10h00
Mis à jour le 05 octobre 2022 à 11h06
Après cinquante ans de bons et loyaux services, la piscine municipale de Doullens, petite commune de six mille habitants au milieu de la Somme, a définitivement fermé ses portes en début d’année. Avant sa destruction programmée, la mairie a décidé de lui offrir un enterrement de première classe en laissant le bâtiment aux bons soins d’une vingtaine de street artistes.
Le projet a été coordonné par Yann Colignon, aux commandes de l’association Curb, déjà responsable de la transformation street art d’un HLM à Abbeville en 2021 avant qu’il ne soit rasé. « L’approche ici est résolument grand public : la piscine était un lieu de jeu et de plaisir commun à tous les habitants, nous avons voulu conserver cet état d’esprit. Tous les artistes ont travaillé autour du thème de l’eau. » Le résultat est une jolie balade immersive, dont Yann Colignon nous commente quelques œuvres choisies.
Golf et son hommage à Jules Verne
« Golf est un artiste du coin, il était important que la scène locale soit représentée. Il a réinterprété à sa manière l’univers de Jules Verne et de Vingt Mille Lieues sous les mers. L’écrivain a habité à Amiens, il y a même fini sa vie. C’est un peu la star locale à qui l’on fait un clin d’œil. Cette pièce est aussi baignée par des sons qui évoquent la mer. »
Les douches à grenouilles de Bault et Ador
« Passage obligé quand on va à la piscine, les douches ont été dédiées à des collaborations entre les artistes. Ici, Bault et Ador nous présentent des grenouilles, chacun dans son style, tandis que Philippe Hérard s’amuse à coller des mains un peu partout sur le carrelage mural. Il en a même mis dans les toilettes ! »
L’humour de Philippe Hérard
« Philippe Hérard est un artiste connu pour ses collages, souvent à l’échelle 1, dont l’humour absurde s’inspire notamment de la BD. L’eau est au cœur de ses créations, où l’on retrouve des bouées rouge et blanc, des bonnets de bain… Il est intervenu ici à plusieurs endroits, souvent juste pour une paire de main qui sortent du mur afin d’offrir du savon ou du papier toilette. Mais aussi pour ce grand portrait derrière le plongeoir. »
La sensualité de Nadège Dauvergne
« On retrouve le style caractéristique de Nadège Dauvergne, méticuleux, presque pointilliste. Elle a fait les Beaux-Arts à Reims et s’intéresse beaucoup à la peinture classique. Sur le grand mur intérieur, juste avant la sortie, elle a créé cette immense paire de jambes. Nous avons ensuite ajouté un dispositif sonore dans la pièce, où une jeune chanteuse d’opéra fait des vocalises tout en douceur par-dessus le bruit de la mer. »
L’anamorphose de Sweo & Nikita
« Ce couple de Montpellierains autodidactes s’est spécialisé dans l’anamorphose et le trompe-l’œil. Le résultat est spectaculaire et fait le bonheur des photographes. Placé à un certain endroit dans le bassin, on croirait vraiment que le fond de la piscine est détruit par une pieuvre. »
La fausse innocence d’Ador
« Les personnages d’Ador, street artiste d’origine nantaise, particulièrement reconnaissables avec leurs grosses têtes et leurs longs nez, ont des bonnes têtes sympathiques. Pourtant, il y a toujours un détail qui cloche, qui inquiète. Ici par exemple, le baigneur indique la sortie d’un air inquiet, et porte un bracelet de surveillance électronique à la cheville… Les peintures street art possèdent souvent des détails cachés qui vont en modifier le message, et Ador excelle dans ce genre d’exercice. »
L’abstraction de Clément Laurentin
« Clément Laurentin est le seul peintre non figuratif à être intervenu à Doullens. Comme nous nous adressons au grand public, je ne voulais pas multiplier les œuvres abstraites. Cet artiste montreuillois a été influencé par les courbes des rampes de skateboard, qui deviennent ici des vagues. Que ce soit avec le collage, la peinture, l’anamorphose, le figuratif ou l’abstrait, il était primordial de montrer à travers cet ensemble les multiples formes que peut prendre le street art aujourd’hui. »
À voir
r « Transition. La piscine », jusqu’au 30 décembre 2022, 25, rue Menchon, Doullens (80). Entrée libre.
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