Chansons Eric Charden, le chanteur du duo 70’s « Stone et Charden », a succombé à une longue maladie La fin de l’« Avventura »

Vosges Matin - 30 avr. 2012 à 05:00 - Temps de lecture :
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En 2002, place Stanislas à Nancy. L’un des retours de Stone et Charden. Photo d’archives Alexandre MARCHI
En 2002, place Stanislas à Nancy. L’un des retours de Stone et Charden. Photo d’archives Alexandre MARCHI

LE MONDE N’EST PLUS QUE STONE depuis hier. Plus gris, moins bleu. Jacques Puissant alias Eric Charden a signé la fin de la belle « Avventura », succombant, à 69 ans, d’un cancer. Ces derniers mois, malgré la maladie, l’artiste ne délaissait pas la promotion de son nouvel album avec Stone, « Made in France », constitué de reprises de duos célèbres, dont « Dieu est un fumeur de havanes » (Gainsbourg/Deneuve) ou « J’ai un problème » (Johnny/Sylvie). Mais ces derniers jours, « très fatigué », selon son service de presse, qui a annoncé la triste nouvelle, il avait dû annuler interviews et émissions.

Né en Indochine d’une mère tibétaine qui l’élèvera seule – à laquelle il rendra hommage sur « Indochine 1942 » (1995) – et d’un père ingénieur en chef des ports de France et d’outremer, il a rejoint Marseille à l’âge de 8 ans. Sans son père. Très tôt, il se passionne pour le saxophone et la guitare. Tend le chapeau l’été, sur les plages de Cassis, avec son ami Patrice Laffont, futur animateur de télévision. Six mois à HEC à Paris ne le détourne pas d’un chemin déjà tracé.

La vague yé-yé déferle sur la France. Eric Charden signe un contrat chez Pathé-Marconi. S’il admire Brel, écrit pour les talents naissants (Eddy Mitchell, Claude François, Sheila ou Johnny), il se fait aussi remarquer comme interprète. L’année 1966, celle de « Blonde on blonde » de Bob Dylan, premier double album de l’histoire du rock, et de « Revolver » des Beatles, le voit franchir les frontières avec le slow « Le monde est gris, le monde est bleu ». Une veine pop psychédélique qui le rapproche d’un Manset ou d’un Polnareff.

Le monde d’Eric Charden est bousculé quand, au début de cette année-là, lors d’un concours de beauté, il croise le regard d’Annie Gautrat. Elue « Miss Beatnik », elle devient « Stone », pour le monde de la chanson, en référence à la coupe de cheveux de Brian Jones, feu guitariste des Rolling Stones. Les années 70 se prêtent merveilleusement à l’envol de Stone, blonde au doux sourire, et Charden, brun au regard ténébreux. Avec ses pantalons patte d’éph’et cols pêle-à-tarte, le duo incarne la liberté hippie au temps de la société pompido-giscardienne. Vie publique, vie privée, les magazines de cœur et de variétés – on ne parle pas encore de tabloïds – ont trouvé leurs icônes. Le bonheur parfait couleur sépia. Ils sont jeunes, beaux, sentent bon le sable chaud. Ils enchaînent les hits (L’Avventura, Il y a du soleil sur la France, Made in Normandie) qui parlent aux Français, à ceux du terroir plus qu’à ceux de la cité. « Des chansons que l’on garde dans le cœur toute notre vie », soulignait hier son ami Didier Barbelivien, pour lequel Eric Charden avait toujours été « insouciant ». Le couple « modèle », lui, le duo le plus connu de la variété française, se séparera au milieu des années 70.

Avec sa nouvelle compagne Pascale Rivault (ex-femme de Robert Hossein), le chanteur se lance dans les comédies musicales qui ont le vent en poupe. Le succès lui échappe et le chanteur, en proie à des soucis financiers, se voit contraint de se diversifier encore. Il cède à la mode disco sur « L’été s’ra chaud » (avec Barbelivien) et réussit là où on ne l’attend pas : à la composition musicale des dessins animés phares de l’époque, Albator et San Ku Kaï.

Dans les années 80 et 90, Eric Charden se fait discret, se consacre à l’écriture de contes, peint. Au tournant des années 2000, il revient en haut de l’affiche à la faveur d’un « revival cathodique », avec ces trentenaires nostalgiques des dessins animés de leur enfance. C’est la nostalgie, encore, qui rythme la tournée « Age tendre et têtes de bois » qu’il intègre en 2007, avec Stone. Il aura sorti 17 albums en solo, mais sans jamais rivaliser avec les sommets de son duo.

Malgré la maladie, le chanteur ne s’est jamais avoué vaincu. « Mon cancer est de ceux qui guérissent », témoignait-il en janvier à Paris Match, « grâce à l’énergie et la force que je perçois autour de moi, il se pourrait bien que je sois rétabli au printemps… » Mais le monde est gris, et même le printemps.

Xavier FRERE

Bio express

15 octobre 1942 : Jacques Puissant naît à Haïphong (Vietnam)

1963 : 1 er album « J’ai la tête pleine de Provence »

Janvier 1966 : rencontre Annie Gautrat (Stone)

1967 : « Le monde est gris, le monde est bleu »

1971-1975 : période faste de Stone et Charden sur scène, et séparation

2000 : retour du duo sur scène

2007 : Age tendre et Têtes de Bois

Avril 2012 : « Made in France » (Warner), reprises de duos célèbres