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A La Réunion, le bide de Macron

Emmanuel Macron sur le marché de Saint-Leu, samedi, à La Réunion.
Emmanuel Macron sur le marché de Saint-Leu, samedi, à La Réunion. © ERIC FEFERBERG / AFP
Mariana Grépinet, envoyée spéciale à La Réunion , Mis à jour le

En déplacement à La Réunion ce week-end, le candidat En Marche!, accueilli avec chaleur, a raté son meeting.

Arrivé à La Réunion, il passe au dessus de «la ravine de la souris chaude» puis au dessus de «la grande ravine». Comme une métaphore de ce qui l’attend jusqu’au premier tour de l’élection présidentielle. En tête dans les sondages, devant Marine Le Pen, Emmanuel Macron sait qu’il a beaucoup à perdre. Que chaque sortie est un danger. Il sait aussi que dans les études d’opinion, seuls un de ses électeurs sur deux est sûr de son choix. Alors il ne s’économise pas. Sur le marché de Saint-Leu, sur lequel les forains ont été priés de ne pas plier bagage et d’attendre le candidat, coincé dans les embouteillages, il distribue les bises et les selfies. Et répond aux questions, nombreuses.

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«Qu’est-ce que vous pouvez faire pour les PME», lui demande une commerçante. Macron répond baisse des charges mais explique «supprimer toutes les charges, ce n’est pas possible». Sur les retraites, il reconnaît qu’il ne va pas tout régler -«je ne vais pas vous raconter de craques»- mais promet de réformer les régimes spéciaux et de ne pas baisser le niveau des pensions. L’île a voté majoritairement pour François Hollande en 2012 : à 53% dès le premier tour, à 71,5% au second. «Les électeurs ne sont pas des clientèles mais des gens à convaincre», répond Macron quand on lui demande s’il vient séduire les socialistes. Quelques manifestants, masques à l'effigie de Hollande sur le visage, dénoncent en lui le «Hollande bis». Il répète qu’il ne vient pas avec de nouvelles promesses. Avant de s’arrêter sur un stand de piment. Son chef de cabinet passera derrière lui acheter deux pots en glissant : «Ça lui fera un petit souvenir…»

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"Il m'est arrivé de travailler à l'Elysée, je n'ai pas vu de cabinet noir"

«Il y a une dynamique sur le terrain, de l’enthousiasme, se félicite le candidat d’En Marche! accueilli par un sega réunionnais en son honneur. Mais l’enthousiasme, c’est le contrepoint des attentes. Ça veut dire qu’il y a beaucoup d’attentes.» Il reconnaît qu’il a eu de la chance jusqu’ici. «On a vu ce que les autres n’ont pas vu et la chance accompagne toujours les audacieux», dit-il. Restent 30 jours jusqu’au premier tour de la présidentielle. Son objectif? «Conforter cette dynamique, convaincre.» Un militant pro-Mélenchon lui serre la main en se justifiant : «Ce n’est pas Marine Le Pen quand même.» «Je l’aime bien, comme vous le savez», répond Macron à propos du leader de la France insoumise. Après une rencontre avec des agriculteurs sur une exploitation, il se plie à la séance photo en coupant de la canne à sucre avec une machette. Il tente de rester dans son couloir mais répond à une question sur François Fillon qui accuse François Hollande d’avoir créer un cabinet noir : «Il m’est arrivé de travailler à l’Elysée, dit-il. Je n’ai pas vu de cabinet noir. Ou alors on m’a caché beaucoup de choses.»

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A lire : Retour sur une semaine de croisements de courbes dans les sondages

Dans son enthousiasme, le candidat a vu grand. Un peu trop grand pour son meeting de fin d’après-midi. Le Petit stade de l’Est de Saint-Denis peut accueillir jusqu’à 4500 personnes. Mais pas plus de 2500 spectateurs ont fait le déplacement. Ce n’est pas si mal mais les rangs sont clairsemés et les images montrent une salle à moitié vide. Les maires qui le soutiennent (ceux de Saint-Denis et de Saint-Leu notamment) ont fait venir leurs troupes mais ce n’est pas suffisant. Sans notes et sans pupitre, Macron monte sur scène quand un homme l’interpelle. Et l’imprévisible candidat le fait monter sur scène. «Moi je réponds aux questions concrètes, lance-t-il. Si vous avez une question, vous vous levez, on va vous donner le micro.» Ses conseillers s’étranglent. Rien n’est organisé. C’est sans filtre. Lui qui avait pourtant préparé un discours –il devait même commencer par une phrase en créole- transforme son meeting en séance de questions-réponses avec le public. Une initiative risquée dans une salle aussi vaste. Et ce qui doit advenir, advient. Une longue file de volontaires se forme. Une responsable d’entreprise prend la parole, suivie par la présidente d’une association de sourds, une personne qui pose une question sur la santé et les laboratoires pharmaceutiques…

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Emmanuel Macron répond à un enfant de six ans, samedi, à Saint-Denis, sur l'île de la Réunion.
Emmanuel Macron répond à un enfant de six ans, samedi, à Saint-Denis, sur l'île de la Réunion. © ERIC FEFERBERG / AFP

Les prises de parole s’éternisent. Le public se lasse et quitte par grappe la salle. Il n’y a pas de souffle, pas d’élan. Ceux qui étaient venus pour le show en sont pour leur frais. Le malaise grandit encore quand Nacir, de 6 ans, monte sur scène et demande «Comment on devient président?» Emmanuel Macron en rit lui-même : «Il y a un petit côté Jacques Martin là…» Les sujets ne sont pas vraiment ceux qu’il avait prévu d’aborder. Des gens râlent faute de pouvoir prendre la parole. Le meeting, si on peut appeler ça un meeting, est raté. La soirée se finit sur quelques timides applaudissements et une salle qui se vide en une dizaine de minutes. Avant de lui laisser la parole, le maire PS de Saint-Denis de La Réunion l’a mis en garde : «Rien n’est gagné. Le PSG menait 4-0 et une semaine après le Barça a gagné 6-1.» Pour Emmanuel Macron, tout peut encore basculer.

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