Double maléfique : accusé à tort de viols pour la seconde fois, il retourne en prison

Mohamed Camara vit un enfer depuis qu'un homonyme, en fuite et recherché, a été condamné pour viols. Déjà incarcéré par erreur en 2001, il a de nouveau été mis en prison récemment.

Mohamed Camara (ici en 2013) est né en Guinée en janvier 1973… tout comme un homonyme recherché pour viols.
Mohamed Camara (ici en 2013) est né en Guinée en janvier 1973… tout comme un homonyme recherché pour viols. (SIPA/POL ÉMILE)

    Le destin de Mohamed Camara aurait eu toute sa place dans un roman de Franz Kafka. Arrêté et emprisonné à la place d'un autre pendant près de six mois en 2001, l'homme, aujourd'hui âgé de 44 ans, vient à nouveau de passer deux semaines derrière les barreaux pour un crime qu'il n'a pas commis. Un invraisemblable imbroglio judiciaire qui dure depuis seize ans.

    La mésaventure de l'homme commence en juillet 2001. Etudiant en sciences sociales en Belgique, il se rend à Nantes (Loire-Atlantique) pour s'inscrire en master. A bord du train Bruxelles-Paris, des policiers belges effectuent un contrôle de routine. Or, dans leurs fichiers, au nom de Mohamed Camara figure un mandat d'arrêt international : l'homme, en fuite, vient d'être condamné à vingt ans de prison à Paris pour viols sur mineures. L'étudiant a beau protester, il est écroué à Bruxelles puis extradé vers la France. Car les deux hommes partagent non seulement le même nom, mais sont tous deux nés en Guinée en janvier 1973...

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    «Il a vécu un enfer»

    Cinq mois et demi plus tard, il est finalement mis hors de cause par les deux victimes. Libre mais traumatisé, Mohamed Camara abandonne ses études et multiplie les séjours en hôpital psychiatrique, au point de vivre aujourd'hui de l'allocation adulte handicapé. «Il a vécu un enfer», insiste Me Frédéric Berna, son avocat, rappelant «le sort réservé aux pédophiles en prison».

    En 2012, rebelote, cette fois à Thionville (Moselle). La méprise ne dure alors «que» vingt-quatre heures, le temps d'une garde à vue et de quelques vérifications. Las, Mohamed Camara saisit M e Berna, qui lance une procédure pour demander réparation. Il y a un an, il a obtenu de l'Etat la somme de 60 000 €, un record. «Il allait mieux, détaille M e Berna, il voulait reprendre ses études.»

    Tests ADN

    Comble de l'ironie, c'est en partant s'inscrire en Belgique que Mohamed Camara a de nouveau été interpellé dans le train, en vertu du même mandat d'arrêt, le 22 mars dernier... Prévenu par le frère de Mohamed, Me Berna tente d'arrêter la machine, en vain. «A la maison d'arrêt de Valenciennes, on m'a répondu : on ne peut rien faire, il a déjà été transféré à Paris, alors qu'ils avaient lu les articles sur Internet !» L'avocat multiplie les coups de fil, y compris au ministère de la Justice. «On m'a dit : on vous rappelle dans l'heure. J'attends toujours...» Jeudi matin, il parvient finalement à joindre une greffière et à faire passer des documents prouvant l'identité de son client. Celui-ci est libéré le jour même.

    A «l'Est républicain», le ministère explique avoir dû mener des tests ADN pour mettre fin au quiproquo, Mohamed Camara ayant confirmé «plusieurs fois» être bien l'homme concerné par le mandat d'arrêt... «Il n'aurait jamais dit une chose pareille, c'est invraisemblable et ridicule ! s'emporte Me Berna, qui compte demander réparation ainsi qu'une audience au président de la République. Un test ADN ? L'affaire aurait été réglée en cinq minutes en me passant un coup de fil... Ils ne sont pas nés dans la même ville, ni le même jour, et le condamné porte un surnom alors que mon client a un deuxième prénom, précise-t-il encore. Vous imaginez les leçons de morale que nous aurions données si la Guinée avait emprisonné à tort un Français ?» L'auteur des viols, lui, court toujours.