Quand les fumeurs de crack squattent des stations de métro parisiennes

L’errance de fumeurs de crack dans le métro parisien pose de tels problèmes que certaines rames ne s’arrêtent parfois plus en station. Enquête sur un phénomène préoccupant.

 Paris, janvier 2018. Un drogué prépare sa pipe de crack sur le quai du métro Marcadet-Poissonniers, dans le nord de la capitale. Le tout sous les yeux des passagers.
Paris, janvier 2018. Un drogué prépare sa pipe de crack sur le quai du métro Marcadet-Poissonniers, dans le nord de la capitale. Le tout sous les yeux des passagers. LP/ Jean Nicholas Guillo

    Zombies est le premier mot qui vient à l'esprit pour les décrire. Eux, ce sont les fumeurs de crack, cette drogue du pauvre aux effets dévastateurs sur la santé, qui errent dans certaines stations du métro parisien, principalement dans le nord de la capitale. La présence et le nombre de ces toxicomanes, parmi les plus marginalisés et les plus abîmés, fluctue depuis environ trois ans.

    L'hiver aidant, les rassemblements de ces drogués sont redevenus plus visibles, plus menaçants. Leur nombre s'est accru, avec son corollaire de méfiance et de peur chez les usagers. Au point que, parfois, des conducteurs de rame ne marquent pas l'arrêt si les quais sont envahis par les fumeurs de crack… Les syndicats CGT et Sud de la RATP ont même lancé un appel à la grève sur la ligne 12 pour ce vendredi, jour où une table ronde doit réunir la préfecture de police de Paris, la région Ile-de-France, la Régie et ses syndicats.

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    Une «préoccupation constante» de la préfecture de police

    Quelle réponse donner à ces attroupements de toxicomanes qui consomment ou dealent leur crack au vu et au su des voyageurs ? C'est une « préoccupation constante », soutient la préfecture de police, particulièrement sur les lignes 4 et 12. Les effectifs en civil et en tenue de la brigade des réseaux franciliens (BFR) ciblent avant tout les vendeurs. Leur action, combinée à celle du groupe de protection et de sécurisation des réseaux de la RATP (GPSR), a permis, de la mi-janvier 2016 à la mi-décembre 2017, « de traiter plus de 400 affaires liées à ce trafic de stupéfiants, avec l'interpellation de 283 vendeurs et 406 consommateurs ». Pourtant, le phénomène perdure. Il va être pris en compte dans le plan stup 2018 destiné à mieux lutter contre les réseaux, annonce la préfecture.

    La RATP organise des maraudes

    En première ligne aussi, la RATP. « C'est un problème pour notre personnel et, bien sûr, pour nos voyageurs. Nous sommes extrêmement mobilisés », affirme sa présidente, Catherine Guillouard. Afin de limiter le phénomène, l'opérateur mise d'abord sur les 1 000 agents du GPSR. « Le personnel en gare peut déjà inviter ces personnes à quitter les lieux ou signaler leur présence au GPSR, qui se déplace systématiquement, détaille Stéphane Gouaud. Si une infraction est constatée — dégradation, usage de stupéfiants — on appelle la police. »

    Depuis peu, à l'image de ce qu'elle fait pour les SDF avec le recueil social, la RATP organise des maraudes : « Des groupes constitués de nos agents et de membres de quatre associations spécialisées — Aurore, Charonne, Nova Donna et Gaïa — vont à la rencontre de ces toxicomanes quatre fois par semaine, poursuit Stéphane Gouaud. Ils peuvent leur proposer une prise en charge médico-sociale. » Ce volet sanitaire est salué par la CGT.

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    «Il faut les enquiquiner»

    « La politique répressive a montré ses limites. Ces maraudes sont une très bonne chose pour tenter d'aider ces personnes en rupture sociale, familiale, éducative et de soins », relève le syndicat en rappelant que, « faute de formation », les agents confrontés aux fumeurs de crack se retrouvent dans une « position très difficile ».

    Pour l'Unsa, syndicat majoritaire, la solution réside dans la présence humaine. « Il faut les enquiquiner, de façon à ce qu'ils n'aient plus envie de rester sur les quais », estime Jean-Marc Judith, représentant syndical.