A La Défense, les sans-abri peuvent laisser leur paquetage dans une bagagerie

Les SDF qui fréquentent la Maison de l’amitié ont désormais 48 casiers à disposition. Un vrai service et un petit pas vers la réinsertion.

 La Défense, 13 mars 2018. Jean-Claude (à gauche) et Philippe (à droite), bénévoles de la Maison de l’amitié, accompagnés de Juliette Broussouloux, chef de projet réinsertion.
La Défense, 13 mars 2018. Jean-Claude (à gauche) et Philippe (à droite), bénévoles de la Maison de l’amitié, accompagnés de Juliette Broussouloux, chef de projet réinsertion. LP/L.D.

    En cet après-midi, ils arrivent au compte-gouttes pour déposer ou récupérer un sac dans l'un des 48 casiers qui s'alignent dans ce petit local attenant à un parking, près du Cnit. Parmi eux, John*, venu avec un ami lui aussi sans-abri. « J'ai eu mon casier le 1er mars, explique cet ancien réceptionniste de nuit. Avant, je mettais mes affaires aux toilettes des Quatre-Temps, mais elles traînaient partout et étaient déplacées ».

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    C'est la Maison de l'amitié qui a mis en place cette bagagerie à La Défense. Installée depuis plus de vingt ans, l'association assure un accueil des SDF et leur distribue un petit-déjeuner. « Il y avait une vraie demande de la part des sans-abri, explique son directeur, Antoine de Tilly. Mais nous pensons surtout que ce service peut être un vrai levier de réinsertion. Nous voulons en faire un tremplin pour s'en sortir ».

    Quinze jours après l'ouverture, vingt-cinq personnes ont déjà demandé à avoir un casier et une quinzaine s'en sont vu attribuer un.

    « Ce service est inestimable pour moi »

    John est soulagé d'enfin disposer d'un lieu sûr : « Ce service est inestimable pour moi, évoque-t-il. Quand j'ai un entretien d'embauche, je ne peux pas me trimbaler mes bagages, ce n'est pas crédible devant un employeur ». « Moi je me suis fait voler mes affaires dans la rue », raconte à son tour Saïd, 29 ans, « tranquillisé » de pouvoir venir déposer un colis que sa mère lui a envoyé du Maroc sans crainte de le perdre.

    John* confie son sac à Philippe, bénévole à la bagagerie. LP/L.D.
    John* confie son sac à Philippe, bénévole à la bagagerie. LP/L.D. LP/L.D.

    Pour avoir son casier, il faut être déjà connu de la Maison de l'amitié, et présenter un parcours qui tend vers la réinsertion lors d'un entretien avec les membres de l'association. Une fois le casier accordé, certaines règles doivent être respectées : ne pas stocker de substances illégales, venir au moins deux fois par mois à l'association. Les bénéficiaires obtiennent un casier pour une durée de trois mois avec la possibilité de renouvellement. « Nous voulions que ce soit renouvelable, parce que le temps est long dans la rue », explique Juliette Broussouloux, chef de projet réinsertion à la Maison de l'amitié.

    L’intérieur des locaux de la bagagerie. LP/L.D.
    L’intérieur des locaux de la bagagerie. LP/L.D. LP/L.D.

    Un peu d'intimité

    Sur les casiers, pas de cadenas ou de code : tout repose sur la confiance. Les bénévoles prennent en charge les sacs et s'assurent que personne ne fouille dans les affaires d'un autre. Car un casier, c'est aussi un peu d'intimité retrouvée.

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    Parmi les bénévoles ce jour-là, il y a Jean-Claude, 63 ans, ancien officier de l'armée de l'air, venu pour la première fois la semaine dernière sur invitation de Philippe, 75 ans, ancien commercial à France Telecom. Philippe assure des maraudes et sert le petit-déjeuner depuis deux ou trois ans déjà. A la bagagerie, c'est lui qui a refait l'intérieur des casiers, donnés par une entreprise de La Défense. « Les sans-abri ont souvent des sacs hauts et gros, mais nous nous sommes aperçus que les casiers ne correspondaient pas. Je les ai donc adaptés », explique le retraité.

    Six personnes se chargent pour l'instant d'assurer une heure et demie de permanence à la bagagerie, les lundi, mercredi et vendredi. Il en faudrait une vingtaine que les horaires soient élargis.