Présidentielle. Fillon sur la santé : «On a rebâti, enrichi, amélioré le projet»

Programme. Bousculé par l'affaire Penelope, le candidat LR n'en poursuit pas moins sa campagne. Et nous révèle son nouveau plan santé.

    Circulez, il n'y a plus d'affaire Penelope ! C'est le message que François Fillon voudrait faire passer. Et il refusera tout net de répondre à nos questions sur ce sujet. Aujourd'hui, le candidat de la droite dévoile en exclusivité dans nos colonnes la nouvelle mouture de son programme pour la santé. Pas question pour lui de parler d'autre chose.

    L'emploi présumé fictif de sa femme? Il s'en est déjà expliqué à maintes reprises, dit-il très agacé. Sa volonté, annoncée vendredi, de maintenir sa candidature même en cas de mise en examen, alors qu'il martèle le contraire depuis le début du Penelopegate? Il ne veut pas revenir dessus non plus. Sa campagne difficile? Il accepte de l'évoquer... du bout des lèvres.

    Car le vainqueur de la primaire de la droite veut à nouveau occuper le terrain du débat d'idées. Et surtout, redevenir audible, lui qui depuis les révélations du « Canard enchaîné », le 24 janvier, n' est plus en mesure de mener campagne normalement.

    Après la sécurité la semaine dernière, place donc à la santé. Un projet remanié tant sa première version, qui évoquait des « gros risques » pris en charge par la Sécurité sociale et des « petits risques » remboursés par les complémentaires santé, avait suscité la polémique. « La formulation était ambiguë », reconnaît aujourd'hui François Fillon.

    Exit les gros et les petits risques

    Face au tollé qui avait agité jusqu'à son propre camp, le candidat a donc revu son ordonnance. Eric Woerth, qui avait concocté le programme de Nicolas Sarkozy pour la primaire, Hervé Gaymard — son homologue chez Juppé — ou encore le député LR Jean Leonetti ont eu pour mission de recevoir tous les acteurs de la santé pour bâtir un nouveau projet. Pas de révolution, mais de nouvelles formulations. Exit les gros et les petits risques, désormais, le candidat l'assure, son programme garantit le côté obligatoire et universel de l'Assurance maladie, tout en promettant une meilleure prise en charge, voire une prise en charge à 100 % aux Français, sans qu'il ne leur en coûte davantage. Les lunettes des enfants seront ainsi intégralement remboursées dès 2017, les prothèses auditives et dentaires devraient l'être à la fin du quinquennat. Qui paiera quoi? Le candidat n'a pas (encore?) modifié la frontière entre ce qui relèvera de l'Assurance maladie ou des assurances privées. « Il n'est pas question que l'Assurance maladie se désengage. Son niveau de remboursement restera le même », insiste Eric Woerth. Si Fillon est élu, des assises de la santé seront programmées fin 2017 pour évoquer l'avenir du secteur avec tous les acteurs concernés.

    La question du financement, elle, reste en suspens. Le chiffrage sera communiqué « prochainement », indique le candidat. A priori, la pilule nouvelle formule du docteur Fillon sera moins amère que la précédente. Mais il faut toujours se méfier des effets secondaires...

    VIDEO. Santé : Fillon promet «20 milliards d'économie sur 5 ans»

    SA CAMPAGNE. « Je ne suis pas une tête brûlée »

    A l'instar de votre projet sur la Sécu, allez-vous adoucir d'autres aspects de votre programme ?

    François Fillon. Je propose un projet puissant et cohérent pour redresser le pays. Si ce projet est affadi, le pays ne se redressera pas.

    Justement, vous réclamez des efforts aux Français. Mais cette affaire d'emplois supposés fictifs ne va-t-elle pas poser un problème : en clair, dans ce contexte, les Français seront-ils prêts à consentir ces efforts ?

    Premièrement, il n'y a pas d'emplois fictifs. Deuxièmement, au-delà de ma personne, les efforts que je propose ont pour objectif le plein-emploi et la relance économique. C'est aux Français de choisir leur destin. S'ils me font confiance pour l'élection présidentielle, je mettrai en oeuvre mon programme.

    Lors de vos déplacements, vous êtes accueillis par des bruits de casseroles. Comment faire campagne si vous ne pouvez pas rencontrer les Français ?

    Il y a juste quinze militants du Front de gauche qui manifestent en marge de mes déplacements. Les Français, je les rencontre tous les jours. A Tourcoing, j'ai parlé avec des travailleurs sociaux, avec des mères de famille, bref avec des Français qui ne sont pas engagés dans un combat politique. Et j'irai au Salon de l'agriculture la semaine prochaine.

    La semaine dernière, vous avez dit que si vous étiez mis en examen, vous iriez jusqu'au bout, alors que jusqu'à présent vous affirmiez le contraire. Pourquoi un tel revirement ?

    J'ai déjà dit ce que j'avais à dire sur ce sujet.

    Vous comprenez tout de même que cela engendre une confusion ?

    Non, cela me paraît très clair. A moins de deux mois de l'élection présidentielle, je m'en remets au seul suffrage universel.

    Est-il exact que vous avez envisagé de tout arrêter ?

    Je me suis interrogé. Je ne suis pas une tête brûlée, j'ai regardé la situation avec lucidité. J'ai estimé que c'était de mon devoir d'aller au bout.

    Que vous a dit Nicolas Sarkozy la semaine dernière ?

    (Silence).

    La réunion des juppéistes autour de Jean-Pierre Raffarin ce soir n'entretient-elle pas l'idée du plan B à votre candidature ?

    Cette réunion est faite en liaison étroite avec moi. J'ai eu Alain Juppé plusieurs fois au téléphone et on va se voir mercredi à Paris.

    Emmanuel Macron vous accuse de courir après le FN...

    Il a dit des bêtises en disant que je m'étais converti à la déchéance de nationalité... Mais s'il m'attaque, c'est surtout parce qu'il a commis une grave erreur en parlant de crime contre l'humanité sur la colonisation.

    Marine Le Pen dit que votre maintien, c'est du pain bénit pour elle. Comment contrer sa dynamique ?

    Le FN prospère parce que le chômage augmente, la pauvreté augmente, l'insécurité aussi. Sans un programme efficace de réformes, le FN finira un jour par arriver au pouvoir.

    LA SANTÉ. « Dès 2017, les lunettes pour enfants seront remboursées à 100 % »

    Où en êtes-vous des gros et petits risques, pris en charge — ou non — par la Sécu ?

    François Fillon. J'avais initialement posé la question de la répartition des gros et petits risques entre l'Assurance maladie et les complémentaires santé. S'en est suivie une polémique absurde. Je n'ai jamais voulu mettre en place une santé à plusieurs vitesses. J'ai juste posé une question légitime. Aujourd'hui, l'Assurance maladie rembourse globalement 76 % des dépenses de santé, mais cela recouvre des différences avec, d'un côté, les personnes en affection longue durée remboursés à ce titre à 100 %, et d'autres dépenses de santé moins bien prises en charge. On a donc rebâti, enrichi, amélioré le projet. Mon projet consolide le caractère obligatoire et universel de l'Assurance maladie dont le niveau de prise en charge des dépenses de santé ne diminuera pas. Je pose l'objectif d'ici à 2022 d'un reste à charge 0 pour les dépenses les plus coûteuses grâce à un nouveau partenariat entre la Sécurité sociale et les organismes complémentaires.

    Vous proposez donc de mieux rembourser les Français ?

    Dès 2017, l'Assurance maladie prendra en charge à 100 % les lunettes pour enfants. Puis, en fin de quinquennat, l'objectif est d'aboutir à un reste à charge 0 pour les audioprothèses, l'optique, les prothèses dentaires et les dépassements d'honoraires, qui sont aujourd'hui à l'origine de nombreux renoncements aux soins. Pour y parvenir, je mettrai en place une Agence de garantie de la couverture solidaire des dépenses de santé, composée de représentants de l'Etat, de l'Assurance maladie, des complémentaires et des professions de santé. Elle veillera à la maîtrise des frais de gestion, à la clarté des contrats et à la qualité des prestations ainsi qu'à l'évolution des niveaux de remboursement. Pour les retraités les plus modestes, je veillerai à augmenter les aides à l'acquisition d'une complémentaire santé.

    Quel impact sur les cotisations ?

    Grâce aux économies dégagées par le biais d'une meilleure cohérence entre l'Assurance maladie et les complémentaires santé, la hausse des cotisations sera maîtrisée. Le taux global de prise en charge de l'Assurance maladie ne baissera pas, mais peut-être faudra-t-il que les complémentaires santé mettent aussi la main à la poche. L'Agence de garantie veillera d'ailleurs à ce que les cotisations n'augmentent pas abusivement. Afin d'assurer le retour à l'équilibre de l'Assurance maladie, nous dégagerons 20 milliards d'économies sur le quinquennat pour compenser la hausse naturelle des dépenses.

    Quelle place pour la prévention ?

    J'instaurerai une consultation de prévention longue et gratuite, tous les deux ans, pour tous les Français, assurée par les médecins généralistes qui seront rémunérés en conséquence. Nous mettrons en place un plan Santé à l'école, dès la maternelle, avec interventions de professionnels de santé sur le thème de la nutrition, des addictions, du sommeil...

    Comment lutter contre la désertification médicale ?

    Pour que les médecins reviennent, nous adapterons le numerus clausus (NDLR : le nombre de places en fac de médecine) pour tenir compte des besoins dans chaque territoire. Il faut aussi améliorer les incitations financières et faciliter la création de maisons de santé pluridisciplinaires, donc arrêter la multiplication des normes. Enfin, je permettrai le remboursement des téléconsultations.

    Comment rendre l'hôpital plus efficient ?

    En lui accordant une plus grande autonomie de gestion. Par exemple dans le recrutement des personnels, les marchés publics, les conditions de travail qui pourront être négociées localement au niveau de chaque hôpital. Il n'y aura pas de baisse des effectifs médicaux et soignants auprès des malades : dans le domaine de la santé, le non-remplacement d'agents publics concernera les emplois administratifs. Pour dégager du temps, le retour progressif aux 39 heures sera négocié au niveau local. Et pour lutter contre l'absentéisme, je réintroduirai un jour de carence, c'est-à-dire non payé en cas d'arrêt de travail. L'offre de soins hospitaliers sera rationalisée : en fonction de leur efficience, de leur taille, du nombre d'actes réalisés chaque année et garantissant une qualité médicale, certains établissements pourront être reconvertis en structures de petites urgences si la situation locale l'exige, ou en établissement pour personnes âgées. Je mettrai aussi en place un dispositif public et indépendant d'évaluation, avec publication des résultats hôpital par hôpital, service par service, pour que le patient choisisse en connaissance de cause.

    A LIRE AUSSI : les propositions des autres candidats

    LA POLÉMIQUE. « Le patron d'Axa n'a pas participé à mon programme »

    Henri de Castries, le patron d'Axa, prend une part active dans votre campagne, votre société 2F Conseil a travaillé pour Axa... Certains s'inquiètent de possibles conflits d'intérêts...

    On est dans le délire total. D'abord, je n'ai jamais travaillé pour Axa sur les questions touchant à la santé. J'ai effectué une mission sur le financement des investissements de long terme. Et puis, surtout, personne ne peut dire que la question de la répartition des rôles entre l'Assurance maladie et les complémentaires ne se pose pas. Le patron de la Mutualité française, par exemple, dit que c'est une bonne question et il n'est pas payé par Axa à ma connaissance. Quant à Henri de Castries, il n'a pas participé à mon programme santé.

    Vous ne craignez donc pas que sa présence pollue votre campagne ?

    C'est un grand chef d'entreprise qui a des qualités remarquables. Faudrait-il s'excuser de bénéficier de ses compétences ? Non, je veux que la société civile participe au redressement de la France.

    >> ALLER PLUS LOIN. Le programme de François Fillon