PSG. Adrien Rabiot : «Je sais que tout est fragile»

FOOTBALL. D'ordinaire avare de ses paroles, Adrien Rabiot, le milieu de terrain du PSG et de l'équipe de France Espoirs, s'est longuement confié. Il a balayé son actualité avec franchise et enthousiasme.

« Je suis heureux de vivre en bleu, de représenter mon pays », confie Adrien Rabiot, qui ne compte aucune sélection chez les A mais qui fait partie de l’équipe de France Espoirs depuis 2013.
« Je suis heureux de vivre en bleu, de représenter mon pays », confie Adrien Rabiot, qui ne compte aucune sélection chez les A mais qui fait partie de l’équipe de France Espoirs depuis 2013. (AFP/Patrick Hertzog.)

    Depuis l'automne dernier, Adrien Rabiot est l'un des joueurs les plus utilisés par Laurent Blanc au PSG (27 titularisations en 31 matchs). Une période faste dont il entend faire profiter l'équipe de France espoirs encore ce lundi soir face à la Macédoine, dans le cadre des éliminatoires de l'Euro 2017.

    Nous l'avons rencontré mercredi dernier à la veille de la victoire contre l'Ecosse. Pendant une petite heure, assis dans un fauteuil-club, le Parisien de bientôt 21 ans (il les fêtera dimanche) a parlé de sa vie de footballeur, de ses sensations de matchs, des moments forts de sa saison et de quelques souvenirs d'enfance. En prenant soin de peser ses mots, Adrien Rabiot a décortiqué aussi la polémique qu'il a suscitée malgré lui en décembre lorsqu'il avait évoqué son envie de départ du PSG.

    Que représentent pour vous ces moments passés avec les Espoirs ?

    ADRIEN RABIOT. Depuis mon plus jeune âge, l'équipe de France a toujours été pour moi le summum d'une vie de footballeur. Je suis heureux de vivre en Bleu, de représenter mon pays et de retrouver des gars que je connais depuis plusieurs années et que je ne vois pas beaucoup le reste de l'année.

    Qui sont vos meilleurs amis de sélection ?

    Je pense à Benjamin (ndlr : Mendy, défenseur de l'OM) qui n'est pas là lors de ce rassemblement. A Tiémoué (Bakayoko, milieu de l'AS Monaco) ou à Yassine (Benzia, attaquant de Lille) qui vient de choisir la sélection algérienne. Mais la bonne entente est générale. Personne ne se prend la tête. On partage les mêmes délires...

    La hiérarchie est-elle moins forte qu'au PSG ?

    C'est sûr que ça change un peu des cadres du PSG. Mais pour ma part, j'essaie de parler ouvertement avec tout le monde, en équipe de France comme au PSG. Si j'ai quelque chose à dire, je le dis.

    Cette saison vous donne-t-elle envie de vous installer dans le temps au PSG ?

    Je vis l'instant présent. Je ne dis pas ça contre le PSG ou contre une personne en particulier. C'est toute ma vie que je vois de cette façon. Je prends les choses comme elles viennent, peut-être parce que je sais que tout est fragile. Donc, je ne me projette pas trop dans le temps.

    Enfant, quel a été votre premier contact avec l'équipe de France ?

    J'ai un souvenir précis de la coupe du monde 2006. J'avais 11 ans et je l'avais suivie du début à la fin. Je m'identifiais aux joueurs qui étaient en train de vivre ça. Je me disais que ça devait être fantastique de vivre de tels moments. Mais je n'avais pas d'idole en particulier ou de modèle. Il n'y avait pas de poster de joueur de foot dans ma chambre par exemple.

    A quand remonte votre ambition de jouer avec les Bleus ?

    L'équipe de France, j'y pense depuis que j'ai commencé le foot à six ans. J'ai toujours dis à ma famille que mon objectif était de devenir footballeur professionnel, de jouer au haut niveau en club et en sélection nationale. Assez rapidement, j'ai compris que c'était quelque chose de réaliste et je travaille sans cesse dans ce but.

    A quel poste évoluez-vous avec les Espoirs ?

    Dans un système en 4-3-3, je joue milieu relayeur, à gauche ou à droite, selon les permutations avec Corentin Tolisso. En fait, c'est un peu comme au PSG, sauf qu'avec l'équipe de France, je ne joue jamais en sentinelle, devant la défense.

    Avez-vous attendu la dernière liste de Didier Deschamps avec un peu plus d'attention que d'habitude ?

    Non. Je savais que je n'en ferais pas partie. Quelques jours plus tôt, j'avais vu que Ngolo Kanté serait retenu. Et il me semblait compliqué que le sélectionneur change deux milieux de terrain d'un seul coup. Et comme je n'avais reçu aucun signe particulier de la part de Didier Deschamps ou de son staff... Ce qui m'a quand même fait plaisir, c'est le fait que pas mal de monde ait pensé que je puisse être appelé. J'ai alors pris conscience que j'étais en train de faire une bonne saison.

    Avez-vous fais une croix sur l'Euro en juin prochain ?

    Je suis un compétiteur. Donc je vais terminer la saison en espérant être appelé, même au dernier moment. Mais je sais comment ça marche...Je ne me fais pas trop d'illusions.

    Quel premier bilan faîtes-vous de votre saison au PSG ?

    Le premier bilan que je peux faire est d'ordre collectif. Et il est bien sûr très satisfaisant. Nous sommes en course sur tous les tableaux et nous avons déjà remporté le championnat de France. C'est pas mal.

    Et sur un plan personnel, sentez-vous un équilibre entre vos attentes et la réalité du terrain ?

    Je trouve que oui...Je joue régulièrement du fait aussi de la blessure de Marco (Verratti). J'en profite pour m'éclater et me montrer. De toute façon, avec moi, c'est simple : pour que je sois heureux et bien dans ma vie, il faut que je joue au foot.

    Est-ce la première fois que vous ressentez cette harmonie depuis que vous êtes professionnel ?

    Oui, forcément. C'est la première fois que j'enchaîne autant de matchs. Ces dernières années, j'ai toujours revendiqué du temps de jeu parce que c'est ma vocation d'être sur un terrain. C'est une envie profonde, je vis pour ça depuis que je suis tout petit.

    VIDEO. Rabiot, copilote d'un jour


    Vous savez que votre dernière demande de départ du PSG, sous la forme d'un prêt, en décembre a suscité beaucoup de réactions négatives...

    Pourtant, ce n'était ni une menace, ni du chantage de ma part. Quand on a une passion, comme c'est mon cas, et qu'on a le potentiel qui va avec, on a seulement envie de la vivre à fond. C'est tout. Et je ne vois pas pourquoi le fait d'être jeune change quelque chose à l'affaire. Il n'y pas d'âge qui compte dans le football. Regardez ce qui se passe en équipe de France par exemple avec l'arrivée de plusieurs jeunes joueurs...Certains comprennent cela mais pas tout le monde visiblement.

    Le problème, peut-être, c'est que votre déclaration intervenait à un moment où justement vous enchaîniez les matchs.

    D'accord, mais les gens qui m'ont critiqué oublient beaucoup de choses. Ils oublient par exemple que pendant plusieurs semaines, en début de saison, j'ai été laissé sur le banc de touche (ndlr : Rabiot n'a joué que 15 minutes, toutes compétitions confondues, entre la fin août et mi-octobre). J'avais connu une mise à l'écart un an plus tôt à cause d'un désaccord avec le club sur une prolongation de contrat. Mais cette fois, il n'y avait aucune raison particulière.

    Vous avez su saisir certaines opportunités, notamment en Ligue des champions, pour être en haut de l'affiche. Quelles images gardez-vous par exemple de votre soirée à Chelsea ?

    Je me souviens des instants passés dans le tunnel avant le coup d'envoi. Les lumières du stade se sont éteintes quelques secondes. C'était une sensation rare, unique. Mais je n'avais pas peur. J'étais juste très heureux d'être là au milieu de mes coéquipiers. Porté par l'adrénaline.

    Et quand le match commence ?

    Tout va très vite, tout de suite. Rien à voir avec un match de Ligue 1. Il faut être à la hauteur immédiatement, sinon on peut mettre en péril son équipe. Et moi, c'est vrai, il me faut toujours quelques minutes avant de rentrer dans un match. J'observe mes adversaires, je prends mes marques et ensuite, je rentre vraiment dedans.

    Le zéro défaut, est-ce possible dans ce genre de match ?

    Cela dépend de quoi on parle. On dirait maintenant que les erreurs sont interdites dans le foot. Bien sûr, certaines peuvent coûter très cher. Mais il faut tenter des choses sur un terrain pour déstabiliser un adversaire et gagner un match. Cela passe par une certaine prise de risques et donc parfois des erreurs. Mais quand j'en fais une, je ne veux surtout pas m'enfermer dans des pensées négatives qui m'empêcheraient d'oser.

    Quel souvenir gardez-vous de votre ouverture du score ?

    Angel (Di Maria) a la balle, je fais un appel à gauche mais il préfère la donner à Ibra. Je suis un peu déçu pendant une seconde parce que je pensais être en position pour filer au but mais je poursuis ma course. Je vois que Zlatan arrive à glisser le ballon, exactement comme il faut et je tacle pour marquer. Ensuite, c'est le désordre dans ma tête. Une sensation de libération avec mes coéquipiers et un bonheur fou.

    VIDEO. le but de rabiot contre Chelsea


    A cet instant, cherchez-vous votre famille et vos amis du regard dans les tribunes ?

    Franchement, non. Au Parc, je sais où ils sont installés mais pas lors des matchs à l'extérieur.

    L'autre grand moment de votre saison jusqu'à présent, c'est votre entrée en jeu sur le terrain du Real Madrid au bout d'un quart d'heure de jeu...

    Tout bascule en quelques secondes avec la blessure de Marco. Je n'ai pas le temps de m'échauffer donc je pense d'abord, en rentrant sur le terrain, à ne pas me blesser. C'était une nouvelle expérience même si j'avais déjà connu un cas de figure semblable à Marseille deux ans plus tôt. Il faut faire face à toutes les situations pour aider l'équipe.

    Le regard « des cadres du vestiaire » à votre égard a-t-il un peu changé après ce match ?

    Non pas vraiment. Ils savaient déjà de quoi j'étais capable même si je n'avais pas eu l'opportunité de le démontrer plus tôt. Mais c'était sûrement rassurant pour eux d''avoir la confirmation que je pouvais répondre présent à tout moment, sans me dégonfler. Salvatore (Sirigu) était content pour moi. Le président (Nasser Al-Khelaifi), aussi, est venu me féliciter en me disant que j'avais fais un très bon match.

    Récemment, vous avez pourtant cité l'exemple de Steven Gerrard, l'homme d'un seul club, Liverpool en l'occurrence...

    Je disais juste qu'il représentait un exemple d'une carrière réussie. Mais je n'ai pas dit que je voulais forcément connaître le même parcours au PSG. D'ailleurs, cela n'aurait pas beaucoup de sens de dire que je serai encore au PSG dans trois ou cinq ans. Peut-être que cela se passera ainsi mais cela dépend de tellement de choses. De la volonté du club, du fait que je m'installe ou pas dans l'équipe par exemple.

    Comment avez-vous évolué entre vos débuts chez les pros à 17 ans et aujourd'hui ?

    D'abord j'ai observé mes coéquipiers plus expérimentés du milieu de terrain et j'ai appris à leur contact. Ensuite, j'ai musclé mon jeu, c'est indispensable pour jouer à Paris. Enfin, mes statistiques s'améliorent de saison en saison. Cette année, je suis en train de battre mon record de buts, c'est bon signe.

    Cela veut dire quoi pour vous « muscler son jeu » ?

    Etre plus costaud dans les duels, prendre les informations, rester au contact des adversaires, aller chercher le ballon dans les pieds. Mes qualités techniques étaient là. Mais j'ai dû travailler ces points faibles.

    Quel genre de conseils vous donne Laurent Blanc ?

    Il me dit un peu toujours la même chose. Il veut que je me projette d'avantage vers l'avant et que je marque plus de buts. Il aimerait aussi que je gratte plus de ballons dans mes tâches défensives. En fait, c'est le rôle d'un bon milieu relayeur de notre époque : faire du « box-to-box ».

    Dans quels domaines pensez-vous devoir progresser ?

    Le jeu de tête. Défensivement, c'est bien mais je ne marque pas encore assez de but de la tête. Je devrais aussi frapper plus souvent de loin. Mes coéquipiers et le coach m'encouragent en ce sens.

    Au fil des saisons, comment votre relation avec Zlatan Ibrahimovic a-t-elle évolué ?

    Il se montre plus ouvert, avec moi comme avec tout le monde d'ailleurs. Il plaisante d'avantage et chambre beaucoup plus. C'est lié au fait que l'équipe vit bien, obtient des bons résultats. Mais il ne parle jamais de sa situation personnelle et de son avenir.

    Comment vivez-vous votre nouvelle notoriété ?

    Cette année, je constate que de plus en plus de gens m'interpellent dans la rue, à St-Germain en Laye ou à Paris, souvent pour me féliciter et me dire que je progresse. Cela fait plaisir. C'est peut-être un peu pesant pour les personnes qui m'accompagnent mais je considère que cela fait partie de mon métier. Et de toute façon, sans supporteurs, il n'y aurait pas de football.

    Qui sont vos amis, vos copains, vos « gars sûrs » au PSG ?

    (Il sourit) Mes « gars sûrs », c'est surtout la jeune génération. En particulier les jeunes issus du centre de formation comme Presnel Kimpembe, Mike Maignan ou Mory Diaw la saison passée. J'ai encore des potes qui jouent en équipe réserve. Et je m'entends aussi très bien avec Serge (Aurier).

    Comment êtes-vous devenu proche de Serge Aurier ?

    On s'est connu à Toulouse quand j'étais prêté là-bas (début 2013). Il m'avait très bien accueilli. Ces derniers temps, je suis allé le voir régulièrement quand il s'entraînait avec l'équipe réserve pour discuter avec lui.

    Avez-vous hâte qu'il revienne s'entraîner avec le groupe professionnel ?

    Bien sûr. On a besoin de lui. Sur le terrain, il amène une rage et une détermination qui pousse les autres joueurs à aller plus loin. Serge est un joueur important pour le PSG.

    Que pensez-vous de son histoire de session Périscope ?

    On peut faire des erreurs, même si pour lui, c'est la deuxième fois que ce genre de choses se produit. Mais si le club lui pardonne et que le coach décide de le refaire jouer, cette histoire sera oubliée, il sera à 100% avec l'équipe et cela lui permettra de grandir et de ne pas reproduire ce genre de choses.

    Comment avez-vous réagi en découvrant le tirage au sort de la Ligue des champions ?

    On était en salle de soins au camp des Loges et David Luiz demandait les pronostics aux uns et aux autres. Je lui ai répondu que je sentais Manchester City. Ma mère aussi y pensait d'ailleurs. C'est un clin d'oeil du destin pour nous. Nous sommes partis là-bas quand j'avais 13 ans (ndlr : Adrien a été formé pendant six mois à City avant de rentrer en France).

    Comment envisagez-vous ces quarts de finale ?

    City est une bonne équipe mais je pense que c'est abordable pour nous. Le match aller aura lieu au Parc, mais cela nous a bien réussi contre Chelsea. Donc, ce n'est pas un problème.

    Quel est votre pressentiment pour la fin de saison ?

    Je le sens bien. Nous pouvons aller jusqu'en finale de la Ligue des champions, nous en avons les capacités. Il faut juste qu'on se prépare dans les meilleures conditions en gagnant par exemple notre prochain rendez-vous face à Nice. C'est toujours embêtant de perdre avant un match de Ligue des champions.