Coupe de France : ils racontent avoir parié contre Viry-Châtillon face au Poiré-sur-Vie

Le tuyau circulait dans l'entourage du club essonnien : il fallait miser sur une défaite en Coupe de France au Poiré car l'équipe allait laisser filer le match. Les joueurs et le staff sont aujourd'hui en première ligne.

    Dans le microcosme du football essonnien, l'enquête préliminaire ouverte par le service central des courses et jeux au sujet des soupçons de fraude autour du match des 32es de finale de la Coupe de France entre Le Poiré-sur-Vie et Viry-Châtillon (3-1) ne surprend personne. « On s'attendait à ce que ça tombe à un moment », révèle le président d'un club voisin qui n'a pas osé parier, malgré les nombreux appels l'incitant à le faire.

    Car, dans les villes de Morsang-sur-Orge, Viry-Châtillon, Grigny ou Fleury-Mérogis, nombreux sont ceux qui étaient au courant du tuyau. « La cote du succès du Poiré était trop belle (NDLR : cote de 5, tombée à 3,5). C'était d'ailleurs mal calculé par la Française des jeux, car l'affiche était équilibrée entre le premier de DH et l'un des derniers de CFA », reprend un parieur vainqueur qui, comme les autres, nous prouve ses dires, photo du ticket à l'appui.

    « Le jour même de la rencontre, on m'a dit de miser sur Le Poiré parce que les joueurs de Viry devaient lâcher le match vu que leur prime en cas de victoire n'était pas assez grosse, raconte un footballeur du coin. Je n'y ai pas cru au départ. Mais un ami m'a montré qu'il avait misé 2 000 €. Et je sais qu'il a joué avec plusieurs footballeurs de Viry. C'est vrai que, pour des joueurs qui ont 30 ans, gagner 1 000 € en cas de succès et participer à un 16 e de finale de Coupe de France, c'est une médaille en chocolat. Là, en étant discrets, ils pouvaient empocher 10 000 €. »

    Celui-ci a donc emboîté le pas de ses amis et misé quelques centaines d'euros.« Dans le tabac de Morsang-sur-Orge, les gens ne parlaient que de ce match », assure un autre parieur, père de famille. Trois lauréats de la Française des jeux affirment connaître un joueur de Viry qui les a contactés directement. L'un d'eux nous montre d'ailleurs l'historique de sa messagerie avec un défenseur local. « En dehors des joueurs, même dans l'encadrement de Viry, certains ont misé. On le sait, c'est ce qui nous a convaincus, annoncent deux d'entre eux, proches du club mis en cause par l'enquête. Et certains ont même mis plusieurs milliers d'euros. »

    Le coup était trop beau

    « J'ai pu miser en cash et pas en carte bancaire pour qu'on ne me retrace pas, raconte l'un des parieurs, qui évolue avec son équipe à l'échelon départemental. J'ai pris plusieurs tickets à 50 €, pour ne pas attirer l'attention avec un gros gain. » Car, au-delà d'une certaine somme, l'organisme peut demander un relevé d'identité bancaire pour effectuer un virement. Quelques joueurs se sont donc retrouvés dans les « chichas » du coin pour regarder le multiplex et se tenir au courant du résultat. « On a vite été rassurés quand on a vu que Viry perdait 2-0. Ça nous a soulagés », glissent deux « chanceux ». « Mais, vu les sommes que certains avaient mises, on s'est dit que ça allait se savoir, alors on a vite récupéré notre argent », reprend un éducateur d'un club voisin. Dans l'heure suivant le coup de sifflet final, tous vont toucher leurs gains. « Personnellement, je m'attendais vraiment à ce que ça ne se voie pas, car la somme doit être dérisoire pour la Française des jeux », affirme un des lauréats.

    Mais le coup était trop beau et le tuyau a sans doute été trop partagé : « Moi, j'ai appris que le match était truqué le lendemain de la rencontre, affirme un ancien coach de Viry. Mais tellement de gens semblaient au courant que je croyais que ça n'était qu'une rumeur. »

    Dans les jours suivant la défaite, les parieurs dans la confidence restent discrets. « J'avais déjà vécu ça à une période où BetClic et d'autres sites permettaient de miser sur les matchs de CFA, se souvient ce footballeur amateur qui a pris près de 1 000 € de gains grâce au match Le Poiré-sur-Vie - Viry. C'était il y a cinq ou six ans et, à l'époque, des clubs d'Ile-de-France s'affrontaient souvent en championnat. Et en fin de saison, quand il n'y avait plus rien à espérer sportivement, il y avait des arrangements sur des matchs nuls. En gros, l'équipe qui menait à la 70e minute laissait l'adversaire revenir au score. Ça arrondissait les fins de mois pour tout le monde. » Aujourd'hui, les paris sportifs ne descendent plus en dessous du niveau National.