La Lune, bientôt exploitée comme la Terre ?

par Joaquim Defghi
mardi 24 juin 2014

En tant que consommatrice principale d’énergie sur Terre, la Chine est pleinement consciente d’avoir à répondre à l’enjeu d’une demande croissante tout en limitant les effets sur l’environnement. La part de l’Afrique qu’elle a su conquérir ne suffisant pas à étancher sa soif de matières premières, il se pourrait bien qu’elle ne se limite pas au cadre planétaire, mais aille chercher de nouvelles ressources sur la Lune.

L’hélium 3, l’isotope idéal pour la fusion nucléaire

Les recherches en fusion nucléaire se sont focalisées sur le deutérium et/ou le tritium, deux isotopes de l’hydrogène. Le deutérium se trouve en abondance dans l’eau sur Terre, tandis que le tritium n’existe pas dans la nature, il doit être produit à partir d’un bombardement de neutrons sur du lithium. La fusion nucléaire pourrait devenir plus atteignable en utilisant un autre isotope : l’hélium 3. Ce dernier a pour caractéristique d’être léger et non radioactif.

Les réacteurs de fusion nucléaire alimentés avec de l’hélium 3 pourraient fournir de l’énergie de manière efficace, c’est-à-dire sans perte notable, et en émettant des radiations négligeables. L’inconvénient pour mettre en place cette nouvelle technique est que l’hélium 3 n’existe quasiment pas sur Terre. Cependant, il est présent en larges quantités sur la Lune. Cette dernière, n’ayant pas d’atmosphère, a été bombardée pendant des milliards d’années par les vents solaires transportant avec eux le précieux atome.

La poussière lunaire se retrouve donc saturée d’hélium 3. Les estimations évaluent qu’il y aurait environ 1 100 000 tonnes de l’isotope à la surface de la Lune. Un transport de 40 tonnes, soit environ deux navettes spatiales, fournirait l’équivalent de la consommation énergétique annuelle des Etats-Unis. Une tonne d’hélium 3 permet de produire autant d’énergie que 50 millions de barils de pétrole, de quoi éveiller les intérêts et susciter les convoitises.

La ruée vers la Lune

Approvisionner la Terre avec ce nouveau combustible nécessite donc de retourner sur la Lune. Pour l’instant, seule la Chine envisage de telles expéditions, le premier vol étant prévu pour le début des années 2020. Si elle réussit dans cette aventure, elle pourrait se forger un monopole extraordinaire étant donnée l’importance cruciale de l’énergie dans la croissance économique.

Après la ruée vers l’Afrique, il est bien possible que nous assistions à une ruée vers la Lune, avec les conséquences belliqueuses qu’une telle entreprise comporte. Sans coordination mondiale pour l’exploitation de l’hélium 3, un tel projet risque d’attiser des tensions déjà palpables entre les Etats-Unis et la Chine. Mais il constitue aussi une réponse possible à la question angoissante d’une ressource énergétique durable en remplacement du pétrole.

Il y a un peu plus d’un an, j’écrivais à propos de la croissance : « L’innovation, les nouvelles technologies me paraissent intéressantes à plus d’un titre, mais la course à l’innovation, digne héritière d’une domination physique, non. Elle ne redonnera pas de croissance à 5%, sauf peut-être à coloniser l’espace, ce qui ne m’étonnerait guère vu l’incapacité qu’a l’homme à s’accepter tel qu’il est, mais il faudra encore attendre des progrès scientifiques plus radicaux. »

Peut-être ai-je, comme d’autres avant moi, sous-estimé l’ingéniosité humaine, surtout lorsqu’il s’agit de pouvoir. J’avoue que je ne pensais pas du tout que la Lune puisse abriter une nouvelle source d’énergie. Avant qu’une telle éventualité se produise, il va tout de même s’écouler quantité d’eau sous les ponts. Mais même avec une source d’énergie pas chère, le monde pourrait-il atteindre une croissance de 5% ?

Joaquim Defghi

Blog : actudupouvoir.fr

Twitter : @JDefghi

Source : Moon Power : China’s Pursuit of Lunar Helium-3, The Diplomat

Crédit photo : Dani – camptocamp.org.


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