Toro de la Vega, le coup de grâce à l'Espagne "barbare" ?

À Tordesillas, chaque année, les habitants torturent un taureau avant de l'achever. Une pratique désormais interdite, au grand dam de la population.

De notre correspondant à Madrid,

La fête demeure, mais un décret interdit de faire souffrir et de tuer l'animal.
La fête demeure, mais un décret interdit de faire souffrir et de tuer l'animal. © AFP

Temps de lecture : 3 min

Depuis 1534, à Tordesillas, une bourgade poussiéreuse de Castille-et-León, une tradition réunit tous les habitants, chaque mois de septembre. Son nom : « el Toro de la Vega ». Toute la cruauté humaine contre l'animal s'y concentre : le taureau est lâché sur le territoire municipal, les habitants courent à sa poursuite, dont certains à cheval et armés de lances ; le but de la manœuvre consiste à le harceler, l'apeurer, le contraindre à se placer dans un cul-de-sac, puis à lui donner la mort à grands coups de lance, sur fond de compétition où les cavaliers doivent faire preuve de dextérité et de précision. De l'avis général, il n'est aucune autre fête taurine en Espagne où l'animal souffre autant.

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Depuis des années, au cours desquelles on a assisté à l'ascension des mouvements pro-animaux, « el Toro de la vega » de Tordesillas est brocardé comme une séquelle de l'« Espagne barbare ». Chaque mois de septembre, écologistes et journalistes (les uns pour s'opposer à la « fête » , les autres pour la couvrir) sont reçus avec violence par la majorité des habitants, qui ne supportent pas que des « gens d'ailleurs » veuillent leur imposer l'interdiction d'une tradition très ancrée.

C'est pourtant ce qui a été décidé. Le gouvernement régional de Castille-et-León (paradoxalement dominé par les conservateurs du Parti populaire, au pouvoir aussi à Madrid), après de longs atermoiements, a approuvé un décret qui proscrit non seulement la mise à mort du taureau, mais aussi la possibilité de le piquer avec des lances, « puisqu'il y a intention manifeste de mettre fin à la vie de l'animal ». La « fête » en elle-même est donc maintenue. « Au fond, nous n'avions que deux solutions, a précisé le président de la région José Antonio Sanchez-Juarez. Ou bien protéger la tradition ou bien l'éliminer. Et je crois que les traditions doivent s'adapter à la sensibilité et à la culture de l'époque. »

Déclin

La majorité des responsables politiques, surtout à gauche, se sont réjouis de ce verdict. Ainsi que les organisations écologistes, telles que le parti Pacma : « Pour nous, c'est le début de la fin des têtes taurines. » Mais, aux yeux des autorités locales, le maintien du « Toro de la Vega» n'a désormais plus aucun sens, si la mise à mort est prohibée. « C'est la quintessence de notre tradition qui a été extirpée et amputée », a aussitôt réagi le maire socialiste José Antonio Poncela. En la matière, il n'y a aucune division au sein de la bourgade de Tordesillas : tous les élus, socialistes ou conservateurs, ont parlé d'une même voix, soutenus par une nette majorité des habitants, pour dénoncer un « abus de pouvoir » et « une vile soumission à un politiquement correct qui aseptise la société ». Ils ont porté plainte auprès des tribunaux et promis, si la décision est maintenue, de pratiquer la désobéissance civile lors de la prochaine fête, en septembre.

Cette estocade à la plus vilipendée des fêtes taurines du pays, dont personne n'imagine qu'elle soit remise en cause, ne devrait pas rester sans conséquence. « Une société civilisée ne peut convertir les instincts les plus primaires, comme la cruauté et l'acharnement morbide, en motifs d'orgueil et de célébration, écrit ainsi l'éditorialiste d'El País. L'Espagne ne pouvait plus se voir reflétée dans ce spectacle indigne et anachronique. » Reste qu'il y a encore beaucoup à faire dans ce sens. En 2015, de source officielle, on dénombrait au total 1 868 fêtes taurines, dont 398 corridas. Ces dernières, interdites aux Canaries et en Catalogne, sujettes à la crise et à la baisse d'affluence, sont en plein déclin. Avec le « Toro de la Vega », ce n'est pas le coup de grâce, mais une nouvelle banderille qui affaiblit tout un secteur.

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Commentaires (15)

  • trapanel

    Les français ne comprendront jamais la relation que peut entretenir un espagnol avec la tauromachie... Dans ma ville moyenne du bord de mer, ils ont un fête qui s'appelle San Pere. Protégé par des barrières les hommes vont au contact avec le taureau pour se faire plaisir... Et beaucoup y laissent leurs vies. L'année passée, 4 mecs se sont faits encornés et en sont morts... Et le plus amusant c'est que les taureaux rentrent à la ganaderia sans aucune blessure... Le Toro de la Vaga est une fête parmi tant d'autres où les bêtes ne sont jamais tuées sauf dans les corridas de toros. Ces corridas sont des spectacles haut en couleur et si le sang coule, il ne coule pas plus que dans un abattoir hallal puisqu'il sont égorgés vivants... Alors hurler au scandale contre les espagnols et ne rien dire sur nos abattoirs est quand même d'une hypocrisie sans nom.
    L

  • Pan Bagnat

    Je me réjouis que des esprits dotés d'une âme et d'une conscience décident de mettre fin à ces pratiques cruelles.

    A ceux qui me qualifieront de bobo écolo je réponds qu'il est facile de se cacher derrière des traditions séculaires pour assouvir ses instincts les plus vils.

  • Goldo

    Il n'y a pas si longtemps de cela, il y avait une tradition drôlement rigolote en Espagne qui consistait à jeter une chèvre vivante du haut de la tour du village, tradition interdite au grand dam de la populace !
    Ici en France, la corrida avec mise à mort existe toujours, surtout à Nîmes où la population voue un amour sans limite pour la culture espagnole !
    cette ville est donc à fuir.