Robin Hobb : « Une adaptation de L'Assassin royal ? Je suis optimiste »

Invitée d'honneur des Imaginales, la reine de la fantasy contemporaine a pris le temps de nous parler de sa belle carrière et de ses aspirations.

Propos recueillis par et

Robin Hobb lors de notre rencontre en avril 2018

Robin Hobb lors de notre rencontre en avril 2018

© Julien Faure pour Le Point Pop

Temps de lecture : 9 min

On ne devrait plus devoir présenter Robin Hobb tant la popularité de son œuvre parle pour elle. Rien qu'en France, où elle est publiée depuis 1998 aux éditions Pygmalion, ses romans se sont écoulés à plus de 4 millions d'exemplaires. Même George R. R. Martin et son Game of Thrones ne peuvent en dire autant ! C'est bien simple, il n'existe pas d'auteur contemporain plus incontournable que Robin Hobb dans le domaine de la fantasy. Tous les amateurs du genre ont un jour ou l'autre parcouru les pages de L'Assassin royal et suivi les mésaventures passionnantes et souvent bouleversantes de Fitz Chevalerie et du Fou. Lancée en 1995, cette saga à l'univers très riche (et bien plus original qu'il n'y paraît) s'est achevée chez nous cette année, avec la publication du dix-neuvième tome, Le Destin de l'assassin . Un final digne des héros que Robin Hobb, qui n'a pas son pareil pour brosser des personnalités complexes et crédibles, a su rendre si attachants pour ses lecteurs.

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En avant-première de sa conférence aux Imaginales, le festival des littératures de l'imaginaire dont Le Point Pop est partenaire et dont elle est l'une des invitées d'honneur, la discrète reine de la fantasy est revenue pour nous sur ses débuts, ses envies et ses différentes sources d'inspiration. D'une politesse et d'une sobriété exemplaires, Robin Hobb nous a aussi expliqué pourquoi elle n'avait pas encore cédé aux sirènes d'Hollywood qui pourraient pourtant la rendre aussi célèbre que son ami George R. R. Martin.

Le Point Pop : Vous vous êtes lancée dans le métier d'écrivain à l'âge de 18 ans. Plutôt osé comme choix de carrière !

Robin Hobb : Depuis petite, je savais que je voulais faire ce métier. J'adorais lire et écrire et quand j'ai compris le genre d'histoire que je souhaitais inventer, alors je me suis lancée. J'ai débuté avec des livres pour enfants. Mon succès était très limité, j'écrivais pour des magazines ainsi que pour des manuels scolaires. C'était une bonne expérience, car je devais avoir une discipline rigoureuse et raconter les histoires avec des mots simples. Avec mes récits pour enfants, j'ai pris conscience que je n'écrivais que de la fantasy et de la science-fiction. J'ai décidé de soumettre mes nouvelles au début des années 70 et j'ai été publiée par des fanzines amateurs puis par des revues professionnelles.

Comment Margaret Ogden (son vrai nom, NDLR) est-elle devenue Megan Lindhom (son premier nom de plume) puis Robin Hobb ?

Pour être honnête, je n'étais pas très attachée à mon prénom et j'ai donc choisi Megan auquel j'ai accolé Lindhom qui est mon deuxième nom de famille. Quand j'ai commencé à travailler sur L'Assassin royal en 1992, je voulais publier un roman de fantasy beaucoup plus long et élaboré que ce je faisais d'habitude. Mon agent m'a alors conseillé de changer de nom, car Megan Lindhom était identifiée comme auteur de fantasy urbaine et non de fantasy pure.

Robin Hobb fait aussi plus masculin… une façon de mieux se vendre, comme George Sand ?

Il y avait de ça, mais c'était surtout l'opportunité d'un nouveau départ. J'avais fait une petite étude de marché en allant dans trois librairies différentes et je me suis rendu compte que les noms courts avaient plus du succès et que les noms en H étaient souvent bien positionnés sur les étagères ! (Rires) Robin Hobb évoquait aussi Robin Hood (Robin des bois) ce qui le rendait facile à mémoriser.

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© Julien Faure Julien Faure pour Le Point Pop">

Robin Hobb lors d'une séance photo improvisée pour nous

© Julien Faure Julien Faure pour Le Point Pop

Avez-vous une méthode de travail spécifique ?

J'ai commencé à gagner un peu d'argent avec ma plume quand mes enfants étaient en bas âge. À l'époque, je m'organisais pour écrire la nuit. Dans la journée, j'utilisais un carnet pour mes notes que je mettais au propre le soir. Maintenant que les enfants sont grands, j'écris le matin après avoir répondu à mes mails. Je réécris beaucoup ce que je fais et je prends le temps de vérifier s'il n'y a pas d'erreur ou d'oubli. Les univers fantastiques demandent toujours beaucoup de recherches, sur les vêtements, les chevaux, les armures… Et pour m'inspirer, je lis beaucoup et je regarde beaucoup la nature et les animaux, car je m'occupe également de ma ferme. En moyenne, j'essaye de terminer un livre par an.

Quelles sont les œuvres qui vous ont le plus influencé ?

Le Seigneur des anneaux, bien sûr ! La saga de Tolkien a eu une influence énorme sur moi. En termes de cinéma, j'adore les Monty Python : Sacré Graal, Mon voisin Totoro ou encore The Rocky Horror Picture Show. J'ai apprécié l'adaptation de Peter Jackson pour Le Seigneur des anneaux, même si ce n'était pas ma vision des choses. Je ne comprends toujours pas pourquoi Tom Bombadil n'est pas présent, lui qui donne des épées aux quatre Hobbits pour qu'ils se défendent (rire) !

En 1986, vous publiez votre premier roman de fantasy urbaine, Le Dernier Magicien. Récemment, l'éditeur des Moutons électriques nous confiait que ce genre exigeant avait du mal à trouver son public. Est-ce pour cela que vous avez cessé d'en écrire ?

J'adore la fantasy urbaine, c'est un peu comme mon premier amour et peut-être que j'y reviendrai prochainement… J'aime ce mélange de magie dans une ville moderne comme Seattle. Ce genre est plutôt populaire aux USA, notamment dans les comics, car il ne faut pas oublier que Batman, Superman ou encore la romance paranormale à la Twilight en sont. Tout dépend vraiment de votre définition de la fantasy urbaine et si vous lui ajoutez d'autres attributs comme le réalisme magique par exemple.

Vous vous êtes aussi essayé à la science-fiction en 1992 avec l'excellent confiait. Pourquoi ne pas avoir persévéré ?

En fait, j'ai continué à écrire pas mal de nouvelles de science-fiction. Mais je suis lente à la rédaction : je dois choisir avec attention les sujets sur lesquels je vais me concentrer. Et comme j'appréciais vraiment de travailler sur le cycle de L'Assassin royal

Donc tout est de la faute de Fitz ! Vous doutiez-vous que ses aventures vous poursuivraient pendant 22 ans ?

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Le dernier tome des aventures de Fitz et du Fou

© Pygmalion

Au début, je souhaitais faire une trilogie. Je savais où je voulais aller avec Fitz, mais je ne pensais pas que j'arriverais à tout écrire ni que le voyage serait si long !

Saviez-vous dès le départ comment l'histoire se terminerait pour Fitz et le Fou ?

Non, j'avais créé le Fou comme un personnage secondaire qui donnerait les informations à Fitz puis qui disparaîtrait. Comme vous le voyez, il m'a littéralement ensorcelée (rires). Je crois qu'il est difficile de tout savoir sur ses personnages et je découvre encore des choses sur eux.

Peut-on parler d'âmes sœurs à leur sujet ?

Je dirais qu'ils sont l'ensemble d'un tout. Réunis, ils sont une entité parfaite. Ce n'est donc pas un hasard s'ils ressentent mutuellement les mêmes choses.

Si vous deviez garder un souvenir de ces deux décennies passées en leur compagnie ?

Je vous retourne la question : si vous ne deviez garder qu'un seul moment passé avec votre famille ? Pas évident, n'est-ce pas (rire) ? J'ai pris beaucoup de plaisir à raconter la geste de mes héros et à construire mon univers avec ses navires vivants (alias vivenef) et ses dragons.

Le cycle de vie des dragons est l'une des grandes originalités de votre œuvre…

J'ai toujours été fascinée par cette figure et je me suis inspirée des nombreuses légendes autour d'eux. Les mythes commencent souvent avec un fond de vérité et je trouvais intéressant de partir des marins et des serpents de mer qu'ils racontaient avoir vus.

Comment avez-vous procédé pour bâtir votre univers fantastique ?

Je suis très désorganisée, pas comme certains de mes confrères qui imaginent tout à l'avance. Je débute avec mes personnages principaux et je bâtis un monde autour d'eux. Il est essentiel pour moi que tout parte de mes héros.

Ce n'est tout de même pas si facile d'intégrer dans le même monde un récit plutôt classique avec des rois et des chevaliers et des histoires de pirates et de bateaux vivants !

La réalité se manifeste souvent comme ça. J'ai grandi en Alaska et j'ai dû aller au Colorado pour le collège. Il était amusant de constater les différences de culture entre ces deux régions alors que nous étions dans le même pays.

On ressent beaucoup de spleen dans vos livres, êtes-vous une personne mélancolique ?

<p>L'écrivain Robin Hobb</p> © Julien Faure pour Le Point Pop

L'écrivain Robin Hobb

© Julien Faure pour Le Point Pop

C'est la première fois que l'on me pose cette question en interview ! Je dirais que Fitz est maniaco-dépressif, un peu comme dans ma famille où c'est une norme. C'est lié à l'Alaska et son hiver très long (rire). Dans mes récits, les personnages comme Burrich, Le Fou ou Fitz sont en recherche permanente d'eux-mêmes et s'interrogent sur leurs places dans le monde.

Quelle relation entretenez-vous avec vos fans ?

Je préfère le terme « lecteur » qui est moins niais que fan (rires). Mes lecteurs participent aux romans et sont pour moi essentiels. J'utilise beaucoup les réseaux sociaux pour discuter avec eux et certains sont devenus des amis. Mais j'essaye de ne pas être influencée par les avis des uns et des autres dans l'évolution de mes histoires.

Il paraît que vous connaissez bien George R. R. Martin. Que pensez-vous du succès de Game of Thrones ?

J'adore George R. R. Martin, il peut vraiment tout écrire ! J'ai regardé la saison 1 de la série de HBO qui est très bonne, mais elle reste en surface comparée au roman qui est un chef-d'œuvre. Je ne veux pas voir le reste pour ne pas oublier ce que j'ai créé dans mon esprit. J'ai d'ailleurs envoyé un texto à George pour lui demander de continuer à rédiger ses livres et ne pas passer tout son temps dans la production de sa série (rires).

Justement, comment se fait-il que L'Assassin royal n'ait pas encore été adapté au cinéma ou à la télévision ?

C'est ma fille Kat qui s'occupe de trouver des potentiels producteurs. Il faut beaucoup d'alchimie pour qu'Hollywood mette en place une grosse production avec un réalisateur qui comprenne l'essence de l'œuvre. Si le film est mauvais, cela peut être terrible pour le roman. Le Livre de la jungle de Disney, par exemple, n'a rien à voir avec le récit de Kipling. On oublie souvent que Mowgli danse de joie après avoir tué Shere Khan ! En ce qui concerne l'adaptation de mes livres, j'aurais besoin d'être impliquée et d'avoir confiance envers les équipes du tournage. Je suis attachée à mes personnages qui sont presque mes meilleurs amis. On m'a proposé beaucoup de choses, mais ça n'allait pas du tout. Je n'arrive pas à imaginer un Johnny Depp ou un Harison Ford incarnant mes héros, car on ne verrait qu'eux… Cela dit, les choses sont en train d'évoluer avec les nouveaux acteurs comme Netflix. Je suis assez optimiste…

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Commentaire (1)

  • Flo-P

    Il y a beaucoup de bons auteurs de Fantasy, mais Robin Hobb se place vraiment parmi les meilleurs d'entre eux. Je ne sais pas si chacun se rend compte de ce que ça veut dire quand elle dit qu'elle écrit un livre par an, ses livres rivalisent en longueur avec ceux de game of throne, qui sortent tous les 10 ans (au mieux). Ramené en nombre de pages par jour, c'est complètement fou. Et pourtant les intrigues sont hyper bien pensées, le monde hyper riche et cohérent. Les intrigues géopolitiques sont incroyables. Elle a une imagination et une intelligence sans faille.
    Sur une adaptation au cinéma ou à la télé, je suis un peu dubitatif. Contrairement à Game Of Throne qui s'y prête assez bien, l'assassin royal c'est hyper psychologique. On est sans arrêt dans les pensées des personnages. Comment arriver à retranscrire la richesse de l'œuvre sans cette dimension ? Je souhaite bien du courage au réalisateur.