Dix ans après sa mort, Bashung vit encore

Le 14 mars 2009, le chanteur mourait. À lire : la biographie « De l'aube à l'aube ». À écouter : « En amont ». Bien plus qu'un disque posthume.

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En amont, le disque posthume qui sort ce vendredi 23 novembre chez Barclay, ressucite onze chansons gravées lors des sessions de Bleu pétrole.

En amont, le disque posthume qui sort ce vendredi 23 novembre chez Barclay, ressucite onze chansons gravées lors des sessions de Bleu pétrole.

© FABRICE COFFRINI / AFP

Temps de lecture : 6 min

Dans les mois qui précèdent Bleu pétrole, paru en 2008, Alain Bashung est à la recherche d'une certaine fraîcheur et de nouvelles inspirations. Il fait alors appel à des auteurs-compositeurs français. Le chanteur reçoit et enregistre de nombreuses chansons. Dans la très belle biographie de Bashung De l'aube à l'aube (éditions Page à Page), le directeur du label Barclay, Olivier Caillard, témoigne : « Il m'a dit : "J'ai tout dit, j'ai besoin qu'on parle à ma place." Il n'avait pas l'inspiration de l'écriture. »

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Il boucle finalement la réalisation de Bleu pétrole avec Gaëtan Roussel, ex-leader de Louise Attaque, quelques mois avant de mourir d'un cancer du poumon, en mars 2009. En amont, le disque posthume qui sort chez Barclay, ressuscite onze chansons commandées à d'autres compositeurs et gravées lors des sessions d'enregistrement de Bleu Pétrole. Nos impressions après les avoir écoutées plusieurs jours en boucle.

Lire aussi « En amont » : immortel Alain Bashung

1. « Immortels »

Une guitare sèche et la voix de Bashung. La musicienne-réalisatrice du disque Édith Fambuena a choisi la simplicité pour cette ouverture. Puis la chanson prend une tournure orchestrale avec ses cordes au loin et l'arrivée d'une rythmique sur ces paroles :« As-tu vu ces lumières ? » Ce titre, écrit par Dominique A., Alain Bashung l'avait écarté au dernier moment de Bleu Pétrole. Peut-être parce qu'il était déjà malade et que sa voix chantant « Immortels » aurait eu des airs trop narcissiques et larmoyants. Dominique A. l'a finalement reprise à son compte quelques mois plus tard sur son album La Musique et c'est aujourd'hui un titre incontournable de son répertoire. Dans cette version Bashung, il flotte un esprit de folk music, un style qui a bercé le chanteur durant sa jeunesse en Alsace puis à Paris. « Immortels » semble de la même veine que « La Nuit je mens » du disque Fantaisie militaire : une chanson majeure. « Je ne t'ai jamais dit, mais nous sommes immortels. Pourquoi es-tu parti avant que je ne l'apprenne ? » À écouter et réécouter.

2. « Ma peau va te plaire »

Un blues qui pourrait avoir été écrit dans les années 1980. Un blues bien noir un peu « new wave » comme Bashung les appréciait. Un tambourin. Un riff de guitare tenace, acide, coupé au scalpel des Stooges avec des guitares tournoyantes et dissonantes à la Pixies. Face à la noirceur, comme en opposition, une voix de crooner qui entonne une rengaine sensible, celle d'une femme qui réclame de la tendresse. L'hymne d'une prostituée. « Je suis femme dont les hommes ont besoin. Je suis cette femme que le pavé a tuée. Je suis cette femme qui ne promet rien. Je suis cette femme qu'on ne prend pas par la main. »

3. « La mariée des roseaux »

Après le réalisme cru du titre précédent, c'est une invitation à la contemplation. Une première respiration dans un « trou de verdure », le « Dormeur du Val » (Rimbaud) de cet ensemble de onze chansons. « Elle viendrait soudain sur ma colline, manger du raisin et ses épines »... Le texte est signé par le chanteur Doriand, qui a travaillé avec Julien Doré, Michel Polnareff, Camilia Jordana, Iggy Pop, Mika et tant d'autres. L'atmosphère du disque se calme avec cette ballade. On imagine une session d'enregistrement nocturne, à 3-4 heures du matin dans un studio. La voix de Bashung s'envole et s'affirme plus mélodique. Quel spleen, quelle envie de pleurer ! Une fin « en fade out » (fondu) et c'est Bashung qui nous quitte. Difficile, dix ans après sa mort, de ne pas être submergé par l'émotion d'avoir perdu un grand de la chanson française.

4. « Elle dit les mêmes mots »

Retour dans une ambiance country, plutôt tendance Johnny Cash. Une chanson écrite par Daniel Darc, ex-membre notamment de Taxi Girl, mort en 2013. Une musique qui avance, qui marche, le pas régulier. La voix de Bashung est grave. « Elle me dit les mêmes mots. Quand la nuit est là, elle s'maquille un peu trop, rajuste ses bas et puis elle s'en va » : on aime les envolées de Bashung sur le refrain. On chante avec lui, comme pour le retenir encore au chaud de nos oreilles.

5. « Les Salines »

Ah, « Les Salines » ! Raphael, le compositeur, a lui-même insisté pour refaire les guitares sur ce titre. Un rythme arabo-andalou, une batterie à l'écoute synthétique, cette voix qui nous conte. Oui, l'un des joyaux que contient ce disque posthume. Avec ce narrateur indirect, cette utilisation de la troisième personne et ces « il dit ». Une belle désinvolture, et cette guitare qui tournoie à la fin jusqu'à plus soif. Magnifique !

6. « Montevideo »

« J'ai mis du vent, j'ai mis du vent sous mon chapeau, j'ai mis du tango sur ma peau. J'ai mis du son, j'ai mis du silence et de l'eau. J'ai mis du sens à tous les mots. » Mickaël Furnon, leader du groupe Mickey 3D, a écrit et composé un poème parfait pour Bashung. Ce dernier nous emmène sous les « cerfs-volants du sud de Montevideo » et monte dans les aigus pour nous faire chavirer. Les arrangements d'Édith Fambuena accompagnent idéalement la progression en procédant par touches de couleurs. On « dérive jusqu'à Rio ».

7. « Les Arcanes »

La guitare modèle « Gretsch Chet Atkins » de Fambuena, réalisatrice de Fantaisie militaire, sans doute le meilleur disque de Bashung, revient sèche, rugueuse. Une basse lourde, une voix nasale. Bashung chante-t-il depuis la salle de bains ou dans les canalisations de notre appartement ? L'atmosphère est inquiétante avec ces bruitages et cordes grinçantes. Il y a un peu du Psychose d'Hitchock si l'on pense au cinéma. Et, bien sûr, cet air inquiétant des chansons d'Hubert-Félix Thiéphaine, pour lequel l'auteur-compositeur des « Arcanes », Arman Méliès, a beaucoup écrit. Il offre de beaux tourments et cette rengaine en boucle : « rien n'est caché ».

8. « Seul le chien »

« Seul le chien se souvient. Seul le chien vous attend. Dommage qu'il vive si peu de temps. » C'est la deuxième chanson de Dominique A. sur cet album avec « Immortels ». Un thème simple et méthodique, avec les guitares de Dominique A. qui semble être resté presque tel qu'il fut gravé vers 2007-2008. Un titre qui laisse moins d'empreintes que d'autres.

9. « Les rêves du vétéran »

L'harmonica d'Édith Fambuena est ici le fil conducteur de ce faux blues composé par Arman Méliès. Un harmonica si cher à Alain Bashung : jeune, on lui avait interdit de toucher au violon familial et il avait reçu un harmonica en guise de cadeau. Ce fut véritablement le premier instrument dont il joua. « Une petite fille court, elle crie. Elle est jolie, doucement je les suis. Elle disait oui, oui merci. J'n'ai pas appris à parler l'ennemi. »

10. « Un beau déluge »

« Je me venge à l'envie d'aller souiller la colombe, d'aller se mouiller sous les trombes. » Pour ce titre écrit par Xavier Plumas, du groupe TueLoup, Alain Bashung prend la guitare et sa voix de crooner. Édith Fambuena y ajoute des ambiances inquiétantes et laisse parfois la voix seule. Encore une chanson qui ne dure que 3 minutes : la parfaite concision.

11. « Nos âmes à l'abri »

Pour ce deuxième titre de Doriand, auteur compositeur qui a écrit pour Julien Doré et Mika, on quitte une certaine rudesse pour retrouver la mélodie. Des murmures. Et des chœurs interprétés par Doriand et Alexis Anerilles sur la voix de Bashung. Une ambiance sidérale. Vraiment un beau final. Comme un au revoir, un dernier au rockeur. Chloé Mons, la veuve du chanteur, a prévenu : il n'y aura pas d'autre album posthume.

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Commentaires (5)

  • pepin2pomme

    Non, pas Bashung, mais Einstein...

  • mireil

    Il est bien mort

  • Bobette

    Qui a besoin de "fric" ? La famille ? Les éditeurs de CD ! Laissez ce chanteur tranquille !