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Il y a La Boum, bien sûr. Mais aussi Camping 1, 2, 3 et ses Flots bleus, quarante ans plus tard. D'écrasants succès au cinéma. Et quelques triomphes : Un éléphant, ça trompe énormément, et sa suite au paradis, La Crim', Le Souper avant Le Dîner de cons. Sans omettre Vidocq à l'ORTF avec son génial générique musical zinzin picoté de clavecin.
Au cinéma, au théâtre, à la télévision et aussi dans les énormes bagnoles du rallye Paris-Dakar (où il fut le co-pilote du légendaire champion automobile Jackie Ickx), Brasseur est autant l'acteur que l'auteur d'un grand bout de siècle. Sans caricatures et avec des cicatrices – comme celles de son engagement de parachutiste en Algérie dans la fin des années 1950. Claude Brasseur, c'est surtout une présence pleine de sincérités.
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Son parrain s'appelle Ernest Hemingway
Il y a de la dynastie dans ce solitaire, inscrit à l'état civil sous le nom de Claude Espinasse – le nom de son père Pierre Brasseur avant qu'il ne monte sur scène. Même s'il n'est pas simple d'être né en 1936, enfant de parents stars du cinéma et du théâtre français dans les trépidantes années d'entre-deux-guerres mondiales. Pierre Brasseur et Odette Joyeux sont des « ultra people » – on dit alors « têtes d'affiche » – quand naît Claude à Neuilly. Il devient un enfant « back stage », sur le plateau mais derrière le rideau, brinquebalé en même temps que chouchouté par d'autres que ses parents. Et toujours gratifié du sourire moustachu de son parrain dont il ne sait rien alors, un ami de son père : l'écrasant écrivain américain Ernest Hemingway, alors partagé entre ses voyages en guerre d'Espagne, sa machine à écrire, ses amours et les bars luxueux de Paris, New York et/ou La Havane.
Dans ce brouhaha de cabotinages, de sentiments tronqués, d'oublis, de déclarations et parfois d'aveux, il grandit. « Je n'ai jamais pris d'âge, j'ai passé le temps d'une enfance et je me suis un jour découvert : j'étais moi. » C comme Brasseur a pris ses premiers vrais galons en 1962 dans Le Caporal épinglé, réalisé par Jean Renoir. Arletty venait de le redécouvrir à la télévision en noir et blanc dans le Dom Juan de Marcel Bluwal, lui Brasseur dans le rôle du bienveillant valet Sganarelle et Michel Piccoli planté dans les bottes de Dom Juan. Une improbable production franco-belgo-canadienne qui va faire – mais oui – un triomphal tour du monde des petits écrans. C'est un « carton ». Le mot « bankable » pour un acteur apprécié du public n'existe pas encore. Pourtant le voilà lui, « le fils de Pierre », qui intéresse désormais producteurs et réalisateurs.Près de 130 films au compteur
Claude Brasseur n'aimait pas compter. Seulement voilà, il faut relever plus de soixante années de présence sur scène au théâtre ou sur les écrans, 127 films et quelques autres, 7 séries télévisées. Et, billet après billet, 92,5 millions d'entrées au cinéma. « Mais je n'étais jamais seul ! » corrigeait-il. C'est vrai. Brasseur avait le sens de la troupe au théâtre, de l'équipe au cinéma, du cockpit dans les rallyes au bout du désert et de la cordée en montagne. Voilà comment, au siècle passé, il a aussi travaillé avec des cinéastes qui inventaient alors une vague de nouveauté : Jean-Luc Godard (Bande à part, 1964), Costa-Gavras (Un homme de trop, 1967), François Truffaut (Une belle fille comme moi, 1972).Lire aussi Bedos, Dabadie, Brasseur... le cimetière des « Éléphants »
Voilà comment, dans les années 2000, il a accompagné les projets de jeunes auteurs de théâtre et de réalisateurs de cinéma pour le plaisir du jeu et de l'expérience à tenter. « Partager est un verbe à utiliser avec timidité », disait Brasseur. Avant d'ajouter : « Pierre Desproges affirmait avec raison qu'on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui. Je crois, au risque de choquer, que le vrai partage est comme le rire : non pas sélectif, mais choisi. Heureusement, il n'y a pas de choix sans curiosité. »
Il ne voulait pas être un vieux bonhomme bourru sur scène ou à l'écran. Dans L'Étudiante et Monsieur Henri, un de ses derniers rôles au cinéma pourtant, son personnage raconte toute la fausse rudesse qui traduit sans la trahir l'exigence tendue d'une vie d'acteur en même temps que la passion de la transmission. Avec ce conseil faussement désuet du vieil homme veuf qu'il incarne : « Ne prends pas froid. » Récemment encore, le réalisateur Fabien Onteniente et l'auteur-acteur Jean-Paul Rouve ont bénéficié de ce regard et de ce conseil. Celui de Claude Brasseur, acteur, qui jamais n'a cessé d'avoir plusieurs flèches à son arc.
Comme dans "les cloportes", où Brasseur père joue à la fois "tonton", fourgue misérable, à Demulder, vecteur de l'art moderne pour snobards friqués !
Très bon acteur, au Théâtre comme au cinéma, très juste interprétation du personnage de Fouché donnant la réplique à Talleyrand joué par Claude Rich (autre excellent acteur).
Je garde l'excellent souvenir du Viager, très drôle dans le personnage de Noël, et je trouve que l'article aurait pu évoquer davantage la série "Vidocq" des années 70 où il incarnait le role-titre et à fait découvrir avec fantaisie un personnage historique hors norme.
Merci pour tout cela Monsieur Claude Brasseur. Condoléances à ses proches. RIP.
Les génériques des films de ma jeunesse deviennent peu à peu des faire-part de deuil.
Mon père avait été très affecté par la mort de Pierre Brasseur, passant de la distinction à la truculence avec une incomparable aisance, et, à mon tour, je suis affecté par la mort de Claude Brasseur, plus subtil et discret.
RIP