Patrick Balkany, maire LR de Levallois, le 13 mai 2019 au Tribunal de Grande Instance de Paris-Clichy-Batignolles, Paris — NICOLAS MESSYASZ/SIPA

PROCÈS

Procès Balkany: «C’est vrai, je n’ai pas un amour fou pour l’administration fiscale...»

Vincent Vantighem

Patrick Balkany s'est défendu, mercredi devant le tribunal de Paris, d'avoir voulu dissimuler son patrimoine au fisc

  • Patrick et Isabelle Balkany sont jugés pour «fraude fiscale» depuis le 13 mai.
  • Le fisc estime qu'ils ont dissimulé un patrimoine évalué à 13 millions d'euros.
  • Le maire (LR) de Levallois a reconnu, mercredi, qu'il avait «bien vécu».

Il ne manquait que le bruit des silencieux… Il était à peine 13H30, mercredi.  L’audience de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris n’avait pas encore débuté quand résonna dans le prétoire le célèbre jingle des Tontons Flingueurs. Alors que les avocats, amusés, s’installaient à peine, Patrick Balkany fouilla tranquillement dans la poche intérieure de son costume bleu et décrocha sans aucune gêne son téléphone, mettant fin au trouble. Peu importe le symbole ! Il faut montrer que c’est lui qui va donner le ton de l’après-midi.

Dix minutes plus tard, il en apporte la preuve. Alors que le président, Benjamin Blanchet, commence à l’interroger sur son mariage avec Isabelle Balkany, le maire (LR) de Levallois-Perret choisit un tout autre sujet d’exposé. « Il est important que j’explique pourquoi j’avais de l’argent à l’étranger. Et pour ça, il faut que je parle de mon père ! »

Les billets dans la coiffeuse, les cendriers et le peignoir de bain

L’édile sait bien que le dossier qui lui vaut d’être jugé, aujourd’hui, pour « fraude fiscale » ressemble à une piscine d’argent liquide. Mardi, le président Blanchet a d’ailleurs plongé dedans pour remonter quelques témoignages. Ici une employée parlant des enveloppes marron débordant du coffre. Là-bas, une autre disant que les billets étaient aussi cachés dans la coiffeuse d'Isabelle, dans des cendriers et jusqu’aux poches du peignoir de bain que Patrick aimait arborer.

Impossible à contester. Patrick Balkany a donc commencé par expliquer qu’il avait très bien gagné sa vie jusqu’à la fin des années 1980 en travaillant avec son père. Et que le jour où celui-ci a déclaré la maladie d’Alzheimer, il lui a semblé normal de s’occuper des 6 millions de francs que son aïeul avait planqués sur son compte en Suisse. Deux ans plus tard, il revendait sa société pour 33 millions de francs. Isabelle, de son côté, touchait le fruit des actions familiales. Un appartement vendu par ci, une permanence politique par là. Quelques tableaux. Pas besoin de calculatrice pour comprendre que cela a fait un gros « matelas » d’argent et de lingots d’or. « Une autre époque », sourit le prévenu.

« Nous avons ‘’bien vécu’’… »

« Nous avons toujours vécu dans des familles qui avaient les moyens, je dirais même de gros moyens, insiste-t-il, toujours sans gêne, à la barre. On a peut-être été mal habitués. Mais nous avons ‘’bien vécu’’. Et c’est vrai que nous avons mangé notre capital. On voulait bien vivre. »

A Giverny (Eure) d’abord. Dans le moulin de Cossy. Quasiment 1.300 m² habitables, 11 chambres, 9 salles de bains, une piscine et un terrain de tennis. « L’administration fiscale évalue cela à 4 millions. Cela ne les vaut pas !, s’étrangle-t-il. On n’est pas avenue Foch ! On est à 75 kilomètres de Paris. Il n’y a que des Japonais qui viennent visiter  Et ce ne sont pas eux qui vont acheter notre moulin ! »

Il a fallu cinq ans d’enquête aux magistrats pour évaluer à 13 millions d’euros le patrimoine dissimulé au fisc par les époux Balkany. Mais il ne faut pas plus de quelques minutes à Patrick Balkany pour refaire les comptes à son avantage. Après le moulin de Giverny, le voici qui traverse l’Atlantique pour évoquer la villa Pamplemousse sur l’île de Saint-Martin, dans les Antilles. Les photos font envie.

« Un grand bungalow qui fait office de pièce principale et des petits bungalows pour les chambres », détaille pourtant sans envie Patrick Balkany. Car, les Antilles, sous le papier glacé des brochures, ce sont surtout « les ouragans » et « l’air marin ». « Il faut tout le temps faire des travaux, regrette-t-il. D’ailleurs, les villas les plus chères sont celles proches de la mer. La nôtre était en haut de la colline… »

« Il n’y a pas plus de magot que de beurre en branche »

En professionnel de la politique, élu depuis quasiment 20 ans à Levallois, Patrick Balkany maîtrise l’art de l’esquive. Quand on l’interroge sur la société de droit seychellois Unicorn qui a servi à masquer les montages offshores, l’élu répond sans ciller qu’il n’est jamais « allé aux Seychelles ».

« Ça me fait rire que les gens parlent de magot. Il n’y a pas plus de magot que de beurre en branche ! », balance-t-il dans un style qui correspond à sa sonnerie de portable. Retrouvant sa gouaille et du souffle en même temps, l’élu lâche juste ce qu’il faut pour rester sympathique. « Je n’ai pas un amour fou pour l’administration fiscale. Mais je ne suis pas le seul en France. Moi, je pense que le fisc devrait faire plus souvent confiance aux gens et taper moins fort dessus… »

Le président Blanchet y voit une perche et tente la question ultime. « Avez-vous des regrets ? » Un ange passe dans le prétoire. Et puis… « On a toujours des regrets. Mais très honnêtement, non… Je trouve que j’ai été très gâté par la vie (…). Les espèces, il fallait bien les utiliser. Aujourd’hui, il n’y en a plus… »

Jeudi, le parquet national financier doit requérir à son encontre. Il encourt une peine pouvant aller jusqu’à dix ans de prison.

Suivez l’audience en direct sur le compte Twitter de notre journaliste : @vvantighem

Loading...
À la une