Paris, le 10 mars 2020. Penelope et François Fillon arrivent au tribunal correctionnel de Paris où ils sont jugés dans l'affaire dite des emplois fictifs. — Thomas SAMSON / AFP

PROCES

Procès Fillon : Pour la défense, Penelope Fillon n’était pas qu’une « femme au foyer »

Vincent Vantighem

Après trois semaines mouvementées, les avocats de François et Penelope Fillon ont réclamé leur relaxe, ce mercredi, au tribunal judiciaire de Paris. La décision rendue le 29 juin

  • Le procès de François et Penelope Fillon pour « détournement de fonds publics » et « abus de bien sociaux » s’est achevé ce mercredi à Paris.
  • L’ancien Premier ministre est accusé d’avoir rémunéré son épouse comme collaboratrice parlementaire alors qu’elle n’exerçait pas de réelles fonctions, selon l’accusation.
  • Le parquet a requis une peine de cinq ans de prison dont deux ferme contre François FIllon et de trois ans avec sursis à l’encontre de son épouse. Leurs avocats ont demandé la relaxe.

Et si, dans ce fatras de courriers, de discours, de demandes d’intervention, d’emails et d’articles de journaux, il ne fallait retenir qu’un document ? Au terme de trois heures de plaidoiries, Antonin Lévy, l’avocat de François Fillon, a fini par brandir une simple feuille A4 devant la 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Le plan de table d’un déjeuner militant dans la Sarthe. Une trentaine d’invités. Trois tables. « La première présidée par François Fillon. La seconde par Marc Joulaud, son suppléant. Et la dernière par… Penelope Fillon », a-t-il triomphé en ménageant son effet.

La preuve, selon lui, que Penelope Fillon n’était pas qu’une « femme au foyer », qu’une « mère de famille ». Rien à voir finalement avec la « Madame Dambreuse de L’éducation sentimentale », poursuit-il en référence au roman de Gustave Flaubert. Au terme de trois semaines d’un procès parfois houleux, les avocats de la défense se sont succédé à la barre, ce mercredi, pour tenter de convaincre le tribunal que Penelope Fillon a exercé une activité réelle d’assistante parlementaire auprès de son époux et non pas un emploi fictif. Et qu’elle méritait bien d’avoir touché plus de 1 million d’euros pour cela au cours de sa carrière.

Le « rôle social » de l’épouse de député en question

Si cette affaire a pris autant d’ampleur, c’est parce qu’elle a touché en plein vol un homme politique à qui l’on promettait le  Saint Graal, l’Elysée, voilà trois ans. Mais c’est bien sa discrète épouse qui est au cœur de cette affaire. Alors, après les journalistes, les policiers, après les juges d’instruction, après les magistrats du parquet, les avocats ont, à leur tour, disséqué la masse de documents censés prouver le travail de Penelope Fillon.

Car finalement, il n’existe que deux manières de prendre cette affaire. La première est de considérer que les rares documents portant la griffe de l’épouse de François Fillon suffisent à prouver qu’elle a bien travaillé toutes ces années à ses côtés. Et peu importe qu’elle ait été grassement payée pour le faire. Plus que les autres collaborateurs de l’ex-Premier ministre, même.

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La seconde est d’estimer que le manque d’éléments est justement la preuve du contraire. Et que les quelques traces de son intervention ne relèvent finalement que du « rôle social » de l’épouse d’un député, comme l’a balancé, mardi, le parquet national financier en requérant des lourdes peines à l’encontre des prévenus.

Comices agricoles et repas de vieux

Le « rôle social de l’épouse »… Voilà une expression que n’ont pas digérée les avocats de la défense. Truculent et offensif, Antonin Lévy a donc demandé au tribunal si le seul devoir de Penelope Fillon était donc de « préparer le bain chaud » et « d’aligner les pantoufles de son mari de député sous la table ». Et même, de « lui pondre des gosses ? », a-t-il osé demander. Non, selon lui, si elle se rendait « aux comices agricoles » et « aux repas des vieux », c’est bien pour un travail qu’elle appréciait.

Le progressisme est un très beau concept pour les Fillon. Mais à lui seul, il ne suffit pas à convaincre un tribunal. Besogneux et parfois enflammé, Antonin Levy a donc passé la majeure partie de sa plaidoirie à décortiquer chaque élément, chaque témoignage à charge pour démontrer qu’ils ne valaient rien, et à mettre en avant les éléments à décharge qui avaient été, selon lui, passés sous silence. Ici, la preuve qu’elle gérait les agendas de son mari. Là, l’attestation d’un préfet qui l’a rencontrée douze fois en un peu moins de deux ans… Un vrai travail d’orfèvre sur le dossier.

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Cécilia Sarkozy s’invite dans les débats

Avant lui, Pierre Cornut-Gentille, l’avocat de Penelope Fillon, avait tenté de faire de même, s’offrant même un tacle gratuit au passage. « Dans la Sarthe, vaut-il mieux avoir Cécilia Sarkozy ou Penelope Fillon comme assistante parlementaire ? Penelope Fillon, car elle est simple, elle n’est pas fière, elle n’est pas Parisienne. »

Et, surtout, elle est discrète. C’est sans doute l’une des causes de ses malheurs aujourd’hui. Sans doute pour cela qu’aussi peu de personnes se souviennent réellement d’elle aujourd’hui. Alors, son avocat, sur un plan plus personnel, a gratté la corde sensible au moment d’en terminer. « Elle m’a dit qu’elle s’était recroquevillée sur elle-même depuis trois ans. Qu’elle ne supportait plus son prénom associé au "PenelopeGate"… » Et se faisant, il a réclamé sa relaxe, comme l’ensemble des prévenus, afin de lui rendre sa dignité. C’est au tribunal d’en décider désormais. Il rendra sa décision le 29 juin.

Retrouvez les détails de tout ce procès sur les comptes Twitter de nos journalistes : @helenesergent et @vvantighem

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