Illustration de doses de vaccin de Valneva — JUSTIN TALLIS / AFP

EPIDEMIE

Vaccination au Royaume-Uni : Pourquoi Londres a-t-elle résilié son contrat avec le laboratoire Valneva ?

M.A.

Le Royaume-Uni estime que le laboratoire franco-autrichien Valneva a « manqué à ses obligations »

  • Le laboratoire Valneva a annoncé ce lundi avoir « reçu un avis de résiliation » de la part du gouvernement britannique concernant « l’accord de fourniture » de son vaccin contre le coronavirus.
  • Le Royaume-Uni avait commandé pour 2021-2022 près de 100 millions de doses de ce vaccin à virus désactivé, une technologie qui sert notamment pour les vaccins contre la grippe chaque année.
  • Après les résultats des phases I et II, la biotech franco-autrichienne avait prévu de débuter l’essai de phase III d’ici quelques semaines.

Les 100 millions de doses prévues n’arriveront jamais. Le laboratoire franco-autrichien Valneva a « reçu un avis de résiliation » de la part du gouvernement britannique concernant « l’accord de fourniture » de son candidat vaccin contre le coronavirus, a-t-il annoncé dans un communiqué publié ce lundi.

« Le contrat inclut une clause permettant au gouvernement britannique d’y mettre fin. Il prétend de plus que Valneva a manqué à ses obligations, ce que Valneva conteste vigoureusement », a indiqué le laboratoire, basé près de Nantes (Loire-Atlantique). Pourquoi le Royaume-Uni a-t-il pris cette décision ? Quelles seront les conséquences ? 20 Minutes fait le point.

Combien de doses étaient-elles attendues ?

Boudé par la France et l’Union européenne, le laboratoire franco-autrichien Valneva avait passé, en septembre 2020, un accord avec le Royaume-Uni pour 60 millions de doses, puis pour 40 millions supplémentaires en février 2021. Au total, près de 100 millions de doses étaient attendues pour 2021-2022.

Ce pays « a répondu en premier, en grande partie sans doute car nous y étions déjà implantés, et aussi car ils ont cru tout de suite dans notre vaccin inactivé. Ils ont été les premiers à réagir et à nous faire une proposition structurée d’aide. Ils ont pris tous les risques sur le programme », s’était félicité en début d’année Franck Grimaud, le directeur général de Valneva, qui utilise un vaccin à virus désactivé, une technologie plus classique que l’ARN, et qui sert notamment pour les vaccins contre la grippe chaque année.

« Valneva a travaillé sans relâche, et s’est investi au maximum de ses capacités », dans sa collaboration avec le gouvernement britannique, « notamment en engageant des ressources significatives et en montrant une très forte implication afin de répondre à [ses] demandes sur des vaccins adaptés aux variants », explique le laboratoire dans son communiqué de presse.

Où en étaient les autorisations ?

Selon le communiqué de presse, les résultats des essais de phase III, destinés à prouver l’efficacité réelle d’un traitement avant une éventuelle mise sur le marché fin 2021-début 2022, « sont attendus au début du quatrième trimestre ». Fin août, après les essais de phase I et II, le laboratoire avait indiqué qu’il espérait « avoir un vaccin qui soit efficace de manière supérieure à 80 % ». « Il va falloir le démontrer dans l’essai de phase III », avait alors souligné son directeur général Franck Grimaud.

Ces résultats devaient « faire partie de la soumission progressive du dossier de demande d’autorisation conditionnelle de VLA2001 auprès de l’agence de santé britannique ». Sous réserve des résultats de phase III et de l’approbation de l’agence de santé britannique, Valneva pensait « qu’une autorisation initiale de mise sur le marché de VLA2001 pourrait être obtenue fin 2021 ».

Pourquoi le Royaume-Uni a-t-il résilié le contrat ?

Dans son communiqué, publié ce lundi, Valneva a annoncé que le gouvernement britannique avait mis fin au contrat de 100 millions de doses de vaccins, mais les raisons restent pour le moment inconnues. Le laboratoire franco-autrichien a seulement indiqué que « le contrat inclut une clause permettant au gouvernement britannique d’y mettre fin » et que ce dernier prétend que la biotech « a manqué à ses obligations », sans plus de détails.

Pour Nathalie Coutinet, économiste de la santé et enseignante-chercheuse à l’université Paris-13, interrogée par 20 Minutes, plusieurs hypothèses sont possibles : « Il peut s’agir d’un retard de fabrication, d’un problème de sécurité sur le vaccin, d’un coût finalement trop élevé, des difficultés d’approvisionnements, d’une rallonge budgétaire nécessaire », explique la spécialiste.

« C’est assez inédit et surprenant qu’un pays rompe un contrat du jour au lendemain. Le gouvernement britannique parle de manquement, donc il s’est passé quelque chose. Je pense qu’il s’agit d’un problème de relations ou de délais », détaille Nathalie Coutinet. Pour l’économiste, peut-être « que le jeu n’en vaut plus la chandelle ». Le vaccin Valneva étant encore en phase III, il reste plusieurs mois avant une potentielle mise sur le marché. « Il se peut que ce soit finalement trop cher, alors qu’on a d’autres vaccins, comme Pfizer, qui sont sûrs et qui peuvent être fabriqués rapidement en grande quantité », poursuit l’enseignante.

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Pour Rafi Mardachti, PDG d’Universal Medica Group, société de conseil dans l’industrie pharmaceutique, il s’agit davantage « d’une décision politique que d’une prise de position médicale et scientifique ». « Quand on regarde ses résultats, Valneva est loin d’être ridicule et se défend très bien en termes d’efficacité » contre le Covid, a-t-il fait savoir auprès de l'AFP.

Quelles sont les conséquences de cette décision pour la firme ?

Il s’agit d’un coup dur pour la firme franco-autrichienne, qui a très lourdement chuté à l’ouverture de la Bourse de Paris, ce lundi matin, perdant plus de 40 % de son cours, à 12,098 euros. Mais si le contrat avec le Royaume-Uni semble mal parti, le laboratoire pourrait tenter sa chance avec d’autres pays. Dans son communiqué, Valneva a indiqué qu’il « continue à être pleinement engagé dans le développement » de son candidat-vaccin et qu’il « va accroître ses efforts avec d’autres clients potentiels afin de s’assurer que son vaccin inactivé puisse être utilisé dans la lutte contre la pandémie ».

Fin août, Franck Grimaud avait d’ailleurs affirmé que des discussions avec l’Union européenne étaient par ailleurs « toujours en cours ». Néanmoins, pour Nathalie Coutinet, les chances que Valneva obtienne un contrat avec l’Union européenne sont relativement faibles. « Le vaccin Sanofi va arriver d’ici quelques mois, c’est un énorme concurrent pour Valneva, le géant de l’industrie pharmaceutique a des capacités de production bien plus importantes. Ça paraît peu probable », analyse l’économiste.

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