Le préfet de Guadeloupe a instauré un couvre-feu en réaction aux mouvements sociaux du département — Carla BERNHARDT / AFP

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Guadeloupe : Le préfet instaure un couvre-feu immédiat ce vendredi, en réponse aux mouvements sociaux

Le couvre-feu s'étendra de 18h à 5h du matin, pour l'instant jusqu'au 23 novembre

Routes et accès au CHU bloqués, mais aussi immeubles et véhicules incendiés, et écoles fermées : l’Etat a riposté vendredi à la dégradation de la situation en Guadeloupe. Le préfet a annoncé vendredi l’instauration d’un couvre-feu immédiat entre 18h et 05h locales, « compte tenu des mouvements sociaux en cours dans le département et des actes de vandalisme », ont annoncé ses services.

Dans un communiqué, le préfet Alexandre Rochatte dit tenir compte des « incendies de biens publics, barrages sur les routes, jets de pierres sur les forces de l’ordre, tirs de mortier », et interdit également la vente d’essence en jerrican dans le cadre de cette mesure décidée jusqu’au 23 novembre.

Deux enquêtes ouvertes

Plus tôt dans la journée, le gouvernement avait décidé d’envoyer « dans les prochains jours » 200 policiers et gendarmes pour renforcer les forces de l’ordre, alors que les violences et les blocages se multiplient.

Le procureur de la République de Pointe-à-Pitre, Patrick Desjardins, a par ailleurs annoncé l’ouverture de deux enquêtes pour « dégradation par incendie en bande organisée et vols avec dégradation en bande organisée », concernant « des attaques de magasins », dont cinq bijouteries pillées à Pointe-à-Pitre. Quatre immeubles de la ville, qui compte de nombreuses habitations en bois, sont partis en fumée dans la nuit, suite à ces pillages, ont indiqué à l’AFP les pompiers et une source policière.

Cinq jours de mobilisation

La mobilisation lancée il y a cinq jours par un collectif d’organisations syndicales et citoyennes contre le pass sanitaire et l’obligation vaccinale des soignants contre le Covid-19 se double désormais de violences commises par des émeutiers.

Après une nuit de jeudi à vendredi particulièrement violente, les écoles sont restées fermées vendredi et, en raison de très nombreux barrages routiers, l’activité tourne au ralenti. Devant le CHU, les seuls véhicules autorisés à entrer restent les ambulances.

Un « mélange de personnes sur les barricades »

Les centres de dialyse de la Guadeloupe ont d’ailleurs alerté sur « un danger de mort » pour près de 800 patients dont les barrages pourraient empêcher l’accès aux soins. Les gendarmeries du Lamentin et de Morne-à-L’Eau notamment ont été « assiégées » par des personnes parfois « encagoulées », des gendarmes blessés « par jets de pierres » et des véhicules incendiés, selon des sources policières et le Parquet.

« Désormais, il y a un mélange des personnes sur les barricades. Beaucoup de jeunes, en colère par rapport à la situation de la Guadeloupe. L’obligation vaccinale, c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », estime Maïté M’Toumo, secrétaire générale de l’UGTG, en demandant « l’ouverture de négociations avec le gouvernement ».

« Actes de vandalisme »

Au CHU, « les barrages routiers pénalisent énormément le personnel qui vient de tous horizons. On est obligé d’attendre que tout le monde soit présent pour démarrer et d’attendre que la relève soit présente pour continuer », explique à l’AFP Anne-Gaëlle Pascale, cadre de santé au bloc opératoire du CHU.

« Il y a du filtrage à l’entrée, notamment pour les internes dont certains sont empêchés de passer. L’un d’entre-eux a même été agressé par une personne cagoulée », affirme à l’AFP Cédric Zolezzi, directeur adjoint du centre hospitalier, en déplorant l’absence « de dialogue ».

50 % des effectifs absents en chirurgie

La situation est d’autant plus complexe que depuis début novembre, « on est en personnel restreint » avec l’instauration de l’obligation vaccinale des soignants, rappelle Anne-Gaëlle Pascale. Ainsi, en chirurgie, 50 % des effectifs habituellement au planning sont absents. Selon la direction du CHU, un peu plus de 87 % des agents du centre hospitalier possèdent un pass sanitaire, mais certains personnels sont suspendus pour pass non valide, à quoi s’ajoute « une vague d’arrêts maladie », « sur consigne syndicale », accuse Cédric Zolezzi.

« Le coupable, c’est celui qui a mis l’obligation vaccinale », dénonce de son côté Sandro Sormain, secrétaire adjoint de l’UTS-UGTG. « Le personnel suspendu à 50 %, ça veut dire que (ceux qui restent) font le travail de deux personnes ».

« Grosse perte d’activité »

Côté éducation, la rectrice de région académique, Christine Goff-Ziegler, a condamné jeudi « l’ensemble des actes de vandalisme et les entraves à la circulation » ou « à l’accès des établissements », dont les élèves « sont les premières victimes ». Sur les autres axes routiers, y compris dans les petites routes des Grands Fonds, dans la campagne guadeloupéenne, plusieurs barrages persistaient.

Mais nombre d’entre eux ont été démontés « par des riverains ou des automobilistes », témoigne Steve Salim, entrepreneur spécialisé dans les circuits courts agricoles, qui accuse « une grosse perte » d’activité. Au Gosier (commune de la Grande-Terre), des débris brûlés jonchaient encore certaines routes. Des pneus brûlaient toujours sur le bas-côté d’une route barrée dans le secteur de Pliane, dont le centre commercial est resté fermé.

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