VIOLENCESSommet de l'Otan: pourquoi Strasbourg a-t-il brûlé?

Sommet de l'Otan: pourquoi Strasbourg a-t-il brûlé?

VIOLENCESRetour sur les affrontements du week-end et une interrogation. Les forces de l'ordre ont-elles abandonné le quartier Port du Rhin, dévasté samedi...
Dimanche, le quartier du Pont de l'Europe offrait un spectacle de désolation aux strasbourgeois qui ne pouvait que contempler les bâtiments incendiés par les casseurs.
Dimanche, le quartier du Pont de l'Europe offrait un spectacle de désolation aux strasbourgeois qui ne pouvait que contempler les bâtiments incendiés par les casseurs. - G. VARELA / 20 MINUTES
M.Gr. et P.W. (à Strasbourg)

M.Gr. et P.W. (à Strasbourg)

Mais que fait la police? Pendant près d’une heure et demie, samedi après-midi, le quartier Port du Rhin est devenu un no man’s land aux mains des black blocks, qui ont incendié une pharmacie, un ancien poste de douane, un hôtel Ibis et ont aussi saccagé une église. Dans le voisinage, les riverains râlent ce lundi, alors que les photographes amateurs pullulent pour immortaliser les décombres.


La police a-t-elle laissé sciemment le champ libre aux casseurs? La question taraude les principaux acteurs de ce samedi de vandalisme. Le sénateur-maire PS de Strasbourg, Roland Ries, souhaitait dimanche «que les responsables de la police expriment la stratégie qui a été menée» et «les raisons pour lesquelles on est arrivé à de pareilles dégradations et à de pareilles exactions».


De son côté, l'association Mouvement pour la Paix, tout en condamnant «très fermement les groupes de casseurs», estime que «les forces de police ont eu un comportement inacceptable». Sur France Inter, le porte-parole du NPA Olivier Besancenot affirme avoir été pris dans «une vraie souricière», accusant les autorités d'avoir «tout fait» pour que la manifestation anti-Otan «parte en schweppes».


Plus grave, un responsable syndical de la police allemande a rapporté lundi que des policiers français auraient refusé des renforts allemands lors des manifestations anti-Otan qui ont dégénéré en violences samedi à Strasbourg. «Des collègues des forces d'intervention (allemandes, positionnés sur le Pont de l'Europe, à la frontière, ndlr) nous ont dit "nous pouvions aider, mais les policiers français n'ont pas voulu"», a expliqué Reiner Wendt, responsable fédéral pour le syndicat de la police DPolG. Il n'a pas pu donner plus de détails: «Nous devons d'abord enquêter sur ce qui s'est passé».


«Les forces de l'ordre n'ont pas pu tout empêcher»


Que nenni, répondent en chœur le ministère de l’Intérieur et la préfecture de police. «Je comprends le traumatisme des habitants de Strasbourg», a dit sur LCI Michèle Alliot-Marie. «Les forces de l'ordre n'ont pas pu tout empêcher» face à des petits groupes de casseurs très mobiles mais ont «permis de protéger les personnes et de limiter les dégâts».


Dans un communiqué dithyrambique, la préfecture, qui refuse de s’exprimer par ailleurs, va plus loin. Elle fait d’abord le constat: «S’agissant de la manifestation du samedi 4 après midi, qui a regroupé 10.000 personnes environ, les incidents ont éclaté dès le début, les organisateurs ayant été totalement débordés ; les manifestants les plus violents (environ 2.000), extrêmement mobiles, se sont attaqués indistinctement à des bâtiments publics et privés.»


Avant de marteler: «Si la préfecture condamne évidemment la violence de ces casseurs et déplore les dégâts constatés, il faut souligner que l’ensemble du dispositif de sécurisation a parfaitement fonctionné comparativement à d’autres sommets de la même importance.» Et de tacler le service d’ordre: «Le constat est également fait que le service d’ordre interne au camp autogéré et de la manifestation du 4 avril a été débordé en permanence et n’a jamais pu assurer de contrôle véritable sur le comportement des manifestants, contrairement à leurs engagements.»


La prise de la voie ferrée


De fait, la BAC est intervenue discrètement pour assurer une évacuation efficace des personnes de l’hôtel Ibis. Mais où était le gros des forces de l’ordre ce samedi après-midi là? Rappelons que près de 9.000 policiers et gendarmes, ainsi que 1.500 militaires et autant de pompiers, avaient été mobilisés pour ce sommet. Deux hypothèses prévalent. Soit les uniformes étaient en d’autres points pour sécuriser les convois d’officiels, soit ils sont restés volontairement en retrait pour ne pas provoquer les manifestants après deux premiers jours houleux. L’Intérieur ne souhaite pas nous éclairer.


Mais même en intervenant, peu après 16 heures, les forces de l’ordre ont semblé perdues dans les ordres et contre-ordres. En témoigne la «prise» de la voie ferrée, qui traverse et surplombe le quartier port de Rhin. Les gendarmes mobiles, bien implantés sur la zone, ont ensuite étrangement rejoint le pied de la butte. Un casseur, puis un deuxième, sont partis en éclaireur sur ce point. Quelques minutes plus tard, près de deux cents membres des black blocks ont surgi pour arroser copieusement les CRS, replié près du poste d'aiguillage rue Coulaux. Pourquoi avoir abandonné un point stratégique?


Il faut noter que les forces de l’ordre ont affronté des black blocks bien préparés, presque dignes d’une organisation paramilitaire, avec des tâches bien définies et des déplacements rôdés. Jeudi et vendredi soir, dans le quartier chaud du Neuhof, ils ont même pu compter sur le soutien de plusieurs habitants de la cité, qui les ont guidés dans les recoins de la cité pendant de violentes échauffourées. Pas ingrats, les contestataires ont aidé les jeunes à éventrer un commissariat pour récupérer des scooters saisis la veille.


Le Neuhof a failli tristement lancer le sommet quand, à l’arrière d’une jeep militaire attaquée à coup de pylône en bois, un soldat a dégainé son arme pour effrayer les assaillants. Le moment crucial d’un week-end agité mais terminé sans victimes. Un petit miracle.