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Pasteur, Sanofi... La France a-t-elle vraiment échoué dans sa recherche d'un vaccin anti-Covid?

Le titre Sanofi recule après le revers sur le vaccin

Le titre Sanofi recule après le revers sur le vaccin - AFP

Après le retard de Sanofi, c'est au tour de l'Institut Pasteur qui était associé à l'américain Merck de déplorer des résultats insuffisants pour son principal candidat vaccin.

Alors que Sanofi est en train de revoir sa copie, c'est une mauvaise nouvelle de plus pour la recherche pharmaceutique française. L'Institut Pasteur a annoncé ce lundi qu'il arrêtait le développement de son principal projet de vaccin contre le Covid-19, car les premiers essais ont montré qu'il était moins efficace qu'espéré.

Le célèbre institut français qui travaillait avec le géant américain Merck jette l'éponge pour son principal candidat vaccin (Pasteur travaille sur deux autres solutions vaccinales).

"A la suite de résultats intermédiaires d'essais cliniques de phase I, l'Institut Pasteur arrête le développement d'un de ses candidats vaccins, celui basé sur le virus du vaccin contre la rougeole", explique l'Institut dans un communiqué.

Ce deuxième échec signe-t-il la faillite de la recherche médicale en France souvent décrite comme le "pays de Pasteur"?

Pour Jean-François Saluzzo, virologiste et expert des vaccins auprès de l'OMS, c'est surtout un manque de chance qui est à déplorer.

"On n'a tout simplement pas eu de chance, assure-t-il. La réussite des vaccins à ARN messager comme ceux de Pfizer-BioNTech et de Moderna a été un énorme coup de chance. Sur les centaines de vaccins en développement dans le monde, il est évident que tous ne marcheront pas."

Actuellement, l'OMS dénombre 237 vaccins en cours de développement dans le monde. 173 sont en phase pré-clinique (tests sur les animaux) et 64 sont testés sur les humains. Une vingtaine sont en phase 3 et seuls deux ont été pour l'heure approuvés par les autorités sanitaires européennes.

Un seul nouveau vaccin par décennie

Que la France ne figure pas parmi les très rares pays qui ont développé un vaccin efficace contre le Sars-Cov-2 n'a rien d'anormal. En la matière c'est la réussite qui est l'exception et l'échec est la règle.

"Il y a très peu de vaccins nouveaux qui sortent en fait, assure Jean-François Saluzzo. On a un nouveau vaccin pour une maladie donnée une fois tous les 10 ans. Et il ne faut pas se leurrer, ils viennent généralement des Etats-Unis. Le seul vaccin français contre un virus encore commercialisé est celui contre la rage."

Aujourd'hui d'ailleurs la recherche n'est pas le fait de sociétés nationales mais le plus souvent de collaborations entre plusieurs entreprises de plusieurs pays. C'est le cas de Pfizer-BioNTech mais c'était aussi le cas du candidat vaccin de l'Institut Pasteur. Ce projet associait l’institut français, des chercheurs de l’université de Pittsburgh et un laboratoire privé autrichien racheté en mai dernier par Merck, un des géants américains de la pharmacie, qui a, lui aussi, finalement perdu son pari financier.

Si les chercheurs français n'ont pas eu de chance, ont-ils été trop frileux et conservateurs dans leur technologie? C'est ce qu'on déplore au gouvernement en tout cas.

"Sanofi n’a pas voulu prendre les mêmes risques que les nouveaux arrivants, assure une source gouvernementale à BFMTV. Ils avaient une grosse pression pour ne pas se rater, car en cas d'échec, cela aura été une catastrophe pour eux."

D'où le choix d'une technologie largement éprouvée, celle d'un vaccin à protéine recombinante.

"C'est un vaccin très classique qu'a tenté Sanofi, c'est la même formule que celui qu'ils utilisent contre la grippe mais avec un adjuvant différent, explique Jean-François Saluzzo. Mais manque de chance, ça n'a pas suffisamment bien marché. Pasteur c'est différent, ils ont pris plus de risques eux. Ils ont utilisé le vaccin contre la rougeole avec un vecteur de gène ce qui n'avait jamais été fait. C'était une vraie innovation mais ça n'a pas marché non plus."

Pasteur n'avait pas les moyens

L'autre question légitime à se poser concerne les moyens. La France et l'Europe ont-elles suffisamment financé la recherche?

"En France, on n'avait de technologie prête à l'emploi parce qu'il est très difficile d'avoir des financements pour vraiment faire un travail de développement de nouveaux vaccins", assure au Figaro Camille Locht, directeur de recherche INSERM de l’Institut Pasteur de Lille.

Ainsi, un essai clinique de phase 1 avec seulement quelques dizaines de cobayes coûte entre 3 et 4 millions d'euros. Pour la phase 2 (quelques centaines de personnes), il faut compter entre 5 et 15 millions d'euros. Et pour la dernière phase avec des milliers des sujets, l'addition peut grimper à plusieurs centaines de millions d'euros.

"Pasteur n'a pas les moyens de développer des lots cliniques, confirme Jean-François Saluzzo. Ils sont obligés de passer par des partenariats. Mais comme de nombreux autres laboratoires en fait."

Un peu moins de moyens, un peu de malchance et surtout moins de sociétés de biotechs sur la technologie ARN messager. La France est le troisième pays d'Europe pour son nombre de biotech derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Et si le pays n'était pas à la pointe sur l'ARN messager, il a d'autres domaines d'expertises.

Ainsi, deux biotechs tricolores travaillent actuellement sur d'autres solutions vaccinales très prometteuses. D'abord la nantaise Valvena qui avec son vaccin à virus inactivé qui peut se conserver au frigo a séduit le gouvernement britannique qui est prêt à lui acheter 60 millions de doses.

Ou encore Ose Immunotherapeutics, elle aussi basée à Nantes, qui utilise une technologie novatrice à base de fragments de protéines et qui permettrait à l'organisme de reconnaître le virus même après des mutations (ce que les vaccins actuels ne sont pas absolument certains de pouvoir faire).

Malgré les mauvaises fortunes de Sanofi et Pasteur, la France n'a peut-être pas encore dit son dernier mot.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco