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La France, le nouvel eldorado des chercheurs d'or?

ENQUÊTE Depuis trois ans plusieurs sociétés se sont vues attribuer des permis de recherche du précieux métal jaune sur le sol français. La France est-elle en passe de renouer avec son passé?
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Mines d'or
Après quatre ans de baisse, l'once d'or a gagné 20% en trois mois.
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On n’avait pas vu ça depuis vingt ans. "Une nouvelle ruée vers l’or" s’amusent même certains professionnels du secteur. Sept permis de recherche du précieux métal jaune ont été accordés par le gouvernement ces trois dernières années dans l'Hexagone. Un revirement majeur pour un pays dont la dernière mine d’or métropolitaine a fermé en 2004, après des années de polémiques sur les conséquences environnementales de l’extraction minière. "La France dispose d’un réel potentiel minier et aurifère qu’il convient d’exploiter avec des techniques plus soucieuses de l’environnement, c’est un enjeu d’avenir", précise-t-on à Bercy où Emmanuel Macron, comme Arnaud Montebourg avant lui, défendent ce retour en force du secteur minier. La France métropolitaine qui a produit 180 tonnes d’or au XXe siècle peut-elle renouer avec son passé ?

Variscan Mines a été l’une des premières sociétés à bénéficier de ces permis exclusif de recherche (PER) d'or en 2013. Basée à Orléans, cette filiale d’une société australienne qui s'appuie sur un important fonds d’investissements singapourien, est dirigée par deux anciens  membres de l'historique Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Elle recherche dans l’ouest de la France, principalement en Bretagne, de l’or mais aussi du zinc, du cuivre, du plomb… "Le potentiel minier français a été abandonné depuis une vingtaine d’années, indique son président, Jack Testard. Les gisements d’or faciles ont été trouvés, mais il y en a d’autres. On s’appuie pour cela en grande partie sur les travaux de prospection menés par Elf Aquitaine puis Total et ceux du BRGM qui a fait un inventaire complet des mines en France entre 1975 et 1991".

50 tonnes d'or encore en métropole

Ce dernier a d’ailleurs répertorié en 2015, dans le cadre du projet européen ProMine, les différents gisements d’or en métropole. "On évalue ce potentiel à 50 tonnes, précise Jean-Jacques Dupuy, expert technique au BRGM et l’un des meilleurs spécialistes des mines d’or. On dénombre encore 25 tonnes d’or à Salsigne dans l'Aude (la plus importante mine d'or métropolitaine, Ndlr), une quinzaine dans le Limousin et une dizaine en Bretagne". Des gisements non négligeables mais bien en deçà des 300 tonnes d’or minimum qui dorment dans le sous-sol de la Grèce, première réserve aurifère d’Europe devant la Finlande.

La plupart de ces sociétés recherchent d’ailleurs le précieux métal jaune à proximité des anciens sites d’extraction. Variscan Mines dispose par exemple d’un PER à Saint-Pierre-Montlimart, un petit village au cœur du Maine-et-Loire qui a vu sortir de terre plus de 10 tonnes d’or entre 1905 et 1952. La société canadienne La Mancha (ex filiale d'Areva), propriété du magnat égyptien des télécoms, Naguib Sawiris, bénéficie quant à elle d’un PER dans la Creuse, situé à quelques kilomètres de l’ancienne mine du Châtelet exploitée jusqu’en 1992 et qui a délivré 15 tonnes d’or. "C’est évident qu’il reste encore de l’or à proximité de ces sites, affirme Jack Testard. La technologie nous permet d’être plus précis qu’il y a vingt ans. Nous utilisons par exemple des drones munis de capteurs électromagnétiques qui permettent d’établir une carte de la conductivité du sous-sol jusqu’à 500 mètres de profondeur".

Les géologues de Variscan sur l'un des sites bretons susceptibles de receler de l'or.

Et tout cela est bien sûr très incertain. "Nous disposons d’un PER de 5 ans (renouvelable deux fois, Ndlr) mais à chaque recueil d’informations (prélèvements, sondages, carottage…), nous faisons un bilan. C’est stop or go. Cela ne sert à rien de dépenser de l’argent si l’on sait que l’on ne trouvera rien ou peu. Pour l’instant, les résultats sont encourageants". Ce recueil de données permet de savoir si l'on tient ou non la martingale: les fameux 4 grammes d'or par tonne de minerai extrait. En-dessous, l'investissement n'est plus rentable estiment les professionnels.

Quant au business plan, il est sensiblement le même pour tout le monde. "Si tout va bien, nous allons investir 10 millions d’euros en cinq ans, poursuit Jack Testard. L’objectif est de faire en sorte que les sites que nous explorons soient exploitables d’ici maximum dix ans. Si tel est le cas cela créera 150 emplois directs et au moins le double d'emplois indirects". "Nous allons dépenser 5 millions d’euros sur cinq ans et si les recherches sont concluantes, nous passerons à l’exploitation", abonde Yves Hirbec, le président de Cordier Mines, une autre filiale française d’une société australienne - l’Australie est le deuxième producteur d’or au monde derrière la Chine - qui dispose d’un PER en Dordogne. Ces juniors, étrangères pour la plupart, espèrent ensuite s’associer à l’une des 20 majors du secteur, qui ont les reins assez solides pour gérer la phase d’exploitation, plus longue et nettement plus coûteuse. Mais elles ont aussi un atout de poids depuis la fin de l'année 2015. Après quatre ans de baisse, la remontée du cours de l’once d'or sur les marchés - actuellement de 1.270 dollars soit une hausse de 17% sur les quatre derniers mois - rend le pari encore plus intéressant. "Les groupes exploitants ont besoin d'un cours à 900-1.000 dollars l'once pour récupérer leur investissement, le marché actuel est donc très attractif", souligne Yves Hirbec.

A lire: Comment profiter de l'incroyable come-back de l'or

"Une résistance très forte de la population"

Mais ce regain d’intérêt hexagonal pour ce que John Maynard Keynes nommait la "relique barbare", ne plaît pas à tout le monde. Dans la Sarthe, les opposants à l’extraction minière ont fait reculer Variscan Mines qui a suspendu ses recherches après avoir obtenu un PER. Et la situation est identique dans la creuse où La Mancha envisage même de jeter l’éponge. "On va trancher définitivement la question avant l’été, précise le PDG, Sébastien de Montessus, ancien directeur des activités minières  d’Areva. En métropole, c’est compliqué d’avancer  à cause de cette résistance très forte de la population". Celle-ci se nourrit notamment de l’expérience désastreuse de Salsigne, la dernière mine d'or métropolitaine qui a fermé en 2004 à cause d’une pollution record à l’arsenic.

"Les méthodes d’extraction aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ce qui pouvait se faire avant, se défend Jack Testard. Nous prônons une exploitation propre et responsable qui s'appuie sur de nouveaux produits, des filtres plus résistants, des circuits fermés...". Des déclarations qui ne convainquent pas vraiment les opposants à l'extraction minière. "Évidemment qu'il y a eu des progrès mais l'ouverture d'une mine a toujours des conséquences sur l’environnement, répond Thibaud Saint-Aubin d’Ingénieurs sans frontières. Et puis il faut aussi tenir compte de l'après-mine. Que fait-on des déchets? Qui se charge de la dépollution?"

Le cas de Salsigne est là encore présent dans toutes les têtes. Après la fermeture de la mine audoise, la dépollution du site avait été assurée par le BRGM et financée par l'État et non par les groupes exploitants : les Australiens Eltin et Orion. Coût de cette dépollution: 50 millions d'euros, qu'il faut ajouter aux 76 millions d'euros dépensés en dix ans par l'État pour maintenir le site à flot. Et à ce jour, la dépollution n'est pas encore terminée... "L'après-mine a un coût : entre 30 et 50 millions d'euros par an pour dépolluer, précise Alain Liger, ancien  secrétaire général du Comité pour les  métaux  stratégiques (COMES). Aujourd'hui l'État veut sortir de ce schéma en instaurant un cadre pour responsabiliser les groupes exploitants".

La plus grosse mine d'or de l'histoire de France, à Salsigne dans l'Aude (photo de 2000)

Le gouvernement prône l'extraction "propre"

C'est la raison pour laquelle Emmanuel Macron a lancé en avril 2015, l'initiative "mine responsable", qui doit mettre en lumière les méthodes d'extraction  les plus "propres". Celle-ci débouchera sur des chartes d'engagement volontaires des différentes organisations minières ainsi que sur la publication d'un livre blanc avant l'été. "Les PER accordés ces dernières années s'inscrivent dans cette logique de la «mine responsable» et les éventuelles exploitations devront être conformes à ces techniques plus respectueuses de l'environnement", indique le cabinet du ministre de l'Économie. Son prédécesseur, Arnaud Montebourg, avait quant à lui annoncé haut et fort en avril 2014, la création prochaine d'une "Compagnie des mines de France" (CMF), afin de "réengager la France dans la bataille mondiale des ressources naturelles" et favoriser une "extraction plus écologique". Seulement, comme l'a annoncé Challenges en février dernier, Bercy n'envisage plus de  créer cette entreprise publique en raison des difficultés des deux  géants miniers français: Areva et Eramet.

Pour relancer l'activité minière, Bercy mise aussi sur un autre instrument: le futur code minier. Emmanuel Macron entend notamment concilier deux exigences: rendre compatibles l’exploitation des mines avec des règles de protection de l’environnement plus contraignantes et assurer une meilleure sécurité juridique aux entreprises minières. Seulement là encore, les choses traînent en longueur. Depuis deux ans, le gouvernement fait du surplace. Une proposition de loi soutenue par plusieurs députés, dont l’élue PS de l’Ardèche Sabine Buis, va toutefois être déposée avant l’été, avec l'aval de Matignon, pour rénover ce code qui date de... 1810. Le texte reprendra dans ses grandes lignes le rapport Tuot de 2014 qui défendait  le maintien du modèle minier français dans lequel l’Etat délivre les titres d’exploitation et où les ressources du sous-sol restent propriétés publiques (contrairement aux Etats-Unis). "Il faut changer ce code qui est aujourd'hui totalement obsolète, réagit Sébastien de Montessus. Nous faisons face à des enquêtes publiques pour tout et n’importe quoi. Si rien ne bouge, les sociétés aurifères quitteront la métropole pour l'étranger ou pour la Guyane. Nous y réfléchissons".

La Guyane et le "projet du siècle" 

Et c'est justement là, à 7.000 kilomètres de Paris, dans la forêt équatoriale guyanaise, que la France dispose des gisements aurifères les plus abondants. "La plus grande réserve d'or du monde!", s'emporte même Jean-François Fourt, le PDG d'Auplata, le premier producteur d'or français. Minée par l'orpaillage illégal, la Guyane reste bien l'une des régions les plus attractives pour les chercheurs d'or. Un projet titanesque est d'ailleurs en train d'éclore. Le plus grand projet aurifère jamais imaginé sur le sol français. Son nom ? "Montagne d'or". En 2011, la junior canadienne Columbus Gold, associée notamment à Auplata, obtient plusieurs PER en plein cœur de cette Amazonie française. Lors d'un forage, les géologues identifient plus de 150 tonnes d'or dans le sous-sol. On parle de sortir jusqu'à 12 milliards de dollars de terre. "Il s'agit de la mine d'or la plus importante de l'histoire de France", réagit Jean-Jacques Dupuy. "Il y en a probablement beaucoup d'autres" appuie Jean-François Fourt.

Voici le camp sur lequel sont installés les géologues de Columbus Gold pour le projet "Montagne d'or"

Pour mener à bien son projet la junior canadienne s'est associée à une major: le russe Nordgold. Mais comme en métropole, le chemin est encore long avant que le projet aboutisse. La jeune société canadienne table sur 2020 pour lancer sa production. D'ici là, il faudra notamment que les enquêtes publiques et l'étude d'impact environnementale lui soient favorables. Et ce n'est pas gagné car le gisement se situe à proximité d'une réserve naturelle. En 2008, Nicolas Sarkozy avait lui bloqué le projet de mine d'or à ciel ouvert d'une autre junior canadienne, Iamgold, qui faisait face à une forte contestation locale. La jeune société y avait laissé plus de 100 millions de dollars. "Montagne d'or est un vrai projet qui peut créer de l'emploi et respecter l'environnement, réagit Jean-François Fourt. Auplata et Columbus Gold sont d'ailleurs associées à l'initiative 'mine responsable'. Nous ne vivons plus à l'époque de Germinal".

Le site de Dieu Merci qu'exploite Auplata en Guyane à 120 kilomètres à l'ouest de Cayenne.

La France n’est néanmoins pas le seul pays européen concerné par cette nouvelle "ruée vers l’or". La Grèce devrait devenir cette année le premier producteur d’or du vieux continent, après la découverte d'importantes réserves d'or en Chalcidique. Des "juniors" canadienne et australienne, Eldorado Gold et Glory Resources, creusent actuellement quatre mines dans le nord du pays. En Roumanie, la société canadienne Gabriel Resources envisage également d’exploiter le site de Rosia Montana, qui renfermerait le troisième gisement d’or au monde. Mais Bucarest bloque pour l'instant le projet qui impliquerait la destruction de plusieurs villages. En Roumanie comme ailleurs, la "ruée vers l'or" n'est pas un long fleuve tranquille.

 

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