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Entreprise

Rana Plaza : H&M s'achète une bonne conscience

INTERVIEW Thomas Lourenço, Directeur Général France d'H&M, défend la politique de responsabilité sociale de son entreprise, et assure que le salaire des ouvrières ne dépend pas du prix des articles.
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Thomas Lourenço
Thomas Lourenço, DG France d'H&M
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H&M organisait ce 14 avril son premier "Conscious Day". Le but: dresser une rétrospective de ses collections "H&M Conscious", faire le bilan de son opération de recyclage, et plus largement de ses actions de développement durable et de responsabilité sociale. Thomas Lourenço, Directeur France d’H&M et Rémi Crinière, responsable du département RSE, expliquent le but de ces actions, et défendent la politique d'H&M, souvent pointé du doigt.

Quelles sont actions menées par H&M en matière de recyclage?

Thomas Lourenço, Directeur Général France: En 2010, nous avons lancé en France la première collection Conscious, une ligne de vêtements éco-responsables, puis en 2012, la collection "Conscious Exclusive". Tous nos produits sont réalisés de manière responsable, mais ceux-là possèdent une étiquette verte qui exprime une action en plus. Ils sont en croissance, chaque année nous en produisons davantage.

Nous menons aussi une opération recyclage depuis 2013, en offrant à nos clients des bons d'achat s'ils rapportent en magasin les vêtements dont ils ne se servent plus, achetés chez H&M ou non. A ce jour, nous avons récupéré plus d’un million de kilos en France, et au total, 13 millions. Une grande partie est donnée à des organismes caritatifs ou des boutiques de vente d'occasion, une partie est recyclée dans l'industrie automobile ou dans le bâtiment, une autre est consumée pour produire de l'énergie, mais la problématique, c’est que seule une petite part peut revenir dans la filière de production textile. Aujourd’hui, il est très difficile de réexploiter les fibres pour produire des vêtements.

Pourquoi?

Rémi Crinière, responsable du département RSE : Une fois recyclées, les fibres sont très courtes, trop pour pouvoir réaliser des vêtements 100% recyclés, car ils seraient de mauvaise qualité. Par ailleurs, aujourd'hui le recyclage se fait de manière mécanique, il est donc difficile de séparer les différentes matières qui composent les fibres. C’est pour cela que nous avons signé en début d'année un partenariat avec Worn Again et Kering dans le cadre d'un programme de recherche qui mise sur le recyclage chimique. Cela permettra d’isoler les matières et de faciliter la production de textile recyclé.

Quel est le but de toutes les opérations de recyclage et de responsabilité sociale menées par H&M: donner une bonne image de la marque? Réduire les coûts?

TL : Cela fait des années que nous menons une politique de responsabilité sociale et environnementale. Nous venons de publier notre 13ème "sustainability report". Il est très transparent, très complet. Nous ne menons pas ces actions pour la communication. En Suède, il y a depuis des décennies la conscience que la société doit limiter son impact. H&M est une entreprise suédoise qui a toujours pensé que son développement devait se faire sur le long terme, qui a conscience qu’elle a un impact sur le monde, une responsabilité. 

La deuxième raison, c’est l’approvisionnement. Les ressources ne sont pas infinies, ni l’énergie, ni les matières premières. Nous avons un grand programme de diminution de consommation d’énergie: nous nous sommes engagés à ce que notre consommation d’électricité baisse de 20% entre 2007 et 2020. Nous sommes déjà à 12%. D'ici là, 100% de l’électricité que nous utilisons devra provenir de l’énergie renouvelable. Concernant les matières, nous souhaitons qu’en 2020, 100% du coton soit écoresponsable, en provenant de trois sources: le coton organique, le coton issu du programme Better cotton qui améliore les conditions de travail des agriculteurs, le coton recyclé. Aujourd'hui, 21,7% de nos produits sont réalisés avec les meilleurs cotons.La finalité, c’est que si nous voulons pouvoir exister sur le long terme, il est indispensable d’aller dans cette direction.

Enfin, les clients sont de plus en plus demandeurs. On voit qu’il y a un vrai intérêt du public pour ces questions et pour nous c’est important de montrer tout ce que nous faisons. Nous avons souvent été associés à des événements, or, nous n'étions pas au Rana Plaza [le bâtiment qui abritait des ateliers de confection à Dacca, s'est effondré en avril 2013, faisant 1.129 morts]. Mais nous sommes un gros donneur d’ordre au Bangladesh.

Justement, à propos du Rana Plaza, comment pouvez-vous garantir des salaires décents aux ouvrières du textile en vendant des tee-shirts à 5 euros et en prônant une mode à petit prix?

TL : Notre positionnement ce n’est pas la mode à petit prix! C’est la mode, avec un bon niveau de qualité, une responsabilité sociale et environnementale, à un prix raisonnable. Nous essayons de tout faire simplement, nous sommes une entreprise très efficace et nos volumes d'achat sont importants ce qui génère des économies d’échelle. Tout cela permet de réduire nos coûts de production. Il faut dissocier le prix de vente et le salaire! Dans une même usine, les salariés peuvent produire sur certaines lignes des tee-shirts à 4,90 euros et sur d’autres à 49,90 euros. Il faut supprimer cette idée reçue que parce qu’un tee-shirt est vendu 4,90 euros, l’ouvrière est moins bien payée que pour un tee-shirt à 49,90 euros. Mais c’est vrai que la problématique des salaires dans le textile est réelle. Nous militons depuis des années pour des salaires décents. Nous n’avons pas d’usine, mais 850 fournisseurs dont nous publions la liste de façon transparente, qui emploient 1,6 million de salariés. Le salaire n’a rien avoir avec le prix vendu, mais avec la relation entre les salariés et le fournisseur.

Nous avons établi un partenariat fin 2013 avec trois usines modèles, deux au Bangladesh et une au Cambodge. Nous nous engageons à acheter 100% de leur production pendant 5 ans, et en échange, nous mettons en place un nouveau système de rémunération: primes de rendement, instauration d’un dialogue social avec des négociations annuelles, augmentations, etc. Le but est d’appliquer ces nouvelles conditions de travail en 2018 chez 160 de nos fournisseurs stratégiques qui gèrent 550 usines et 850.000 salariés, ce qui aura donc des conséquences sur les autres marques qui travaillent avec eux. C’est une initiative qui porte ses fruits. A ce jour, l’expérience a permis une chute des heures supplémentaires de 43%, une baisse de 2% du turn over et une augmentation du salaire net de 10%. 

RC : En tant que donneur d’ordre, nous ne sommes pas là pour fixer un salaire, ce qui serait très colonialiste. Nous n'allons pas définir le bon niveau de salaire dans chaque pays. Mais nous insistons pour qu’il y ait des augmentations, des discussions annuelles. Le but est de mettre en place une structure. Il ne faut pas oublier que nous sommes suédois, et en Suède le dialogue social est très important! 

L’accident tragique du Rana Plaza a-t-il forcé les marques à s'allier pour mener une politique commune de responsabilité sociale?

Oui, suite au Rana Plaza, il y a eu des collaborations. L’A.C.C.O.R.D est un exemple d’action concertée qui y fait suite. A l’origine, il s’est créé entre le gouvernement du Bangladesh, les propriétaires d’usines et les salariés. 190 marques sont arrivées après pour donner de l’argent. Nous avons été le premier signataire de cet accord qui consiste à inspecter les usines du Bangladesh de façon à vérifier la solidité des structures, et la sécurité. Une Alliance a également été créée. Ensuite, il y a ce que peuvent faire les Etats. Ils sont souvent réticents à l'idée d'augmenter les salaires car ils ont peur de perdre des donneurs d’ordre, qui font vivre leur économie. Et enfin, 26% de l’impact climatique du produit provient du client. Nous devons donc l'informer. Nous avons lancé le programme "Clever care", qui consiste à apposer des consignes de consommation responsable, par exemple pour le lavage, sur les étiquettes des vêtements.

 

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