Coronavirus : en Haïti, la population reste dans le déni

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Coronavirus : en Haïti, la population reste dans le déni

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Les mesures sanitaires prises par le gouvernement haïtien n'ont pas suffi à convaincre la population de la réalité de la pandémie au Covid-19.
Les mesures sanitaires prises par le gouvernement haïtien n'ont pas suffi à convaincre la population de la réalité de la pandémie au Covid-19.
© AFP - Sabin Johnson / Anadolu Agency

Avec officiellement 3 300 cas et 51 morts moins de quatre mois après l'apparition du Covid-19 en Haïti, les effets de la pandémie restent tout à fait limités. Mais pour Pascal Adrien, homme politique haïtien,ex-porte-parole du Premier ministre, la réalité est bien différente, et le bilan serait bien plus lourd.

FRANCE INTER : Comment la crise sanitaire a-t-elle été gérée en Haïti ?

PASCAL ADRIEN : "Le 19 mars, le premier cas de coronavirus a été identifié. Immédiatement après, des mesures, comme la fermeture des aéroports, ont été prises. Le gouvernement a déclaré l'état d'urgence sanitaire. De manière unilatérale, l'État haïtien a décidé la fermeture des frontières terrestres avec la République dominicaine. Il a aussi instauré l'obligation du port du masque sous peine de sanctions pécuniaires. Mais entre ce qui a été annoncé et ce qui s'est fait, la différence est énorme".

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Haïti compte plus de 10 millions d'habitants, et moins de 1 million de masques ont été distribués. Ce qui signifie que l'ensemble de la population n'avait pas accès à ces équipements, donc, qu'il était difficile de se conformer à la mesure prise par le gouvernement.

Dans la jungle urbaine de Port-au-Prince, l'État, dont la légitimité est très contestée, peine à faire respecter les mesures préventives.
Dans la jungle urbaine de Port-au-Prince, l'État, dont la légitimité est très contestée, peine à faire respecter les mesures préventives.
© Radio France - Nathanaël Charbonnier

La population a pourtant pris conscience de la gravité de la crise…

"La première difficulté, c'est que le message concernant le Covid-19 – l'existence de la maladie, ses différents symptômes, ses modes de contamination, etc. – n'est pas passé partout aussi bien que dans les grandes villes, notamment Port-au-Prince, où la population a un accès minimal à la radio ou à Internet. Et puis il y a le message, mais il y a aussi le messager. Une frange de la population n'a pas cru que le coronavirus était une maladie réelle parce que le message émanait de certains membres du gouvernement.

On a parlé de fièvre, de malaises, mais la population a eu du mal à accepter [qu'elle était menacée]. Il y a en quelque sorte un déni.

Voilà pourquoi il y a parfois de la négligence, qu'on ne porte pas de masque. On dit que le coronavirus n'existe pas, que c'est de la propagande, que c'est le gouvernement qui essaie de faire peur à la population".

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Donc en réalité, les mesures de prévention ne sont pas appliquées ? 

"Les mesures ne sont pas appliquées, et, souvent, les mesures ne sont pas  applicables. Est-ce que la distanciation physique est respectée ? Non. Est-ce que la population porte effectivement des masques pour se mettre à l'abri du virus ? Majoritairement, non".

A-t-on une idée précise de la diffusion du virus en Haïti ? 

"On parle officiellement de 3 300 cas, de 51 personnes mortes de la maladie, de 24 cas de guérison. Mais tout le monde sait que les chiffres, dans la réalité, dépassent largement ce qui est annoncé officiellement par le gouvernement.

Comment, d'ailleurs, avoir une idée de l'évolution de la maladie si vous n'avez pas la possibilité de tester massivement ? Moins de 10 000 tests ont été effectués en Haïti, et c'est vraiment peu.

D'autre part, la pharmacopée haïtienne occupe une place très importante dans la population, en réponse aux défaillances structurelles du système sanitaire. Donc, si quelqu'un a certains symptômes, il a recours à telle ou telle plante médicinale. Étant donné que le coronavirus peut atteindre un grand nombre de personnes sans qu'ils aient besoin d'aller à l'hôpital, le décompte est compliqué".

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