La référence est on ne peut plus claire, en Pologne, où les milieux LGBT ont demandé samedi une « table ronde » sur leurs droits, une semaine après les attaques de nationalistes contre la gay pride de Bialystok. Le terme était celui employé après la chute du mur, pour organiser le passage en douceur de l’ère communiste à la démocratie et l’économie de marché.

Des doléances qui ne passent pas

« Nous demandons l’égalité du mariage », « constitution », « Acceptation ». Voilà les slogans des cortèges de soutien organisés dans plusieurs villes de Pologne, de Varsovie à Katowice en passant par Wroclaw.

Outre les revendications propres aux droits des LGBT, les militants ont demandé que les actes homophobes soient plus durement réprimés. Cette semaine, l’hebdomadaire Gazeta Polska a joint à sa publication des autocollants avec une inscription : « Ceci est une zone sans LGBT ». Si la justice a finalement ordonné le retrait des vignettes, Hubert Sobecki, leader de l’organisation « Milosc nie wyklucza » (« L’amour n’exclut pas ») souhaite aller plus loin. « Nous voulons modifier le Code pénal, de sorte que ces autocollants soient d’office poursuivis », a-t-il déclaré.

En route vers les législatives

Le parti Droit et justice (PiS) au pouvoir, proche de l’Église, est farouchement hostile à l’élargissement des droits des communautés homosexuelles. À l’occasion d’un rassemblement en avril dernier, le chef du parti, Jaroslaw Kaczynski a estimé que l’« idéologie LGBT » était une « menace à l’identité et à l’État polonais ». Selon l’ONG Campagne contre l’homophobie (KPH), une trentaine d’entités territoriales polonaises (villages, assemblées régionales) se sont déclaré « Zones libres de l’idéologie LGBT ».

Après le discours anti-migrants, l’hostilité aux communautés homosexuelles est devenue le nouveau marqueur de l’élection législative attendue en octobre. Ce nouveau clivage tend à fragiliser le premier parti d’opposition, la plate-forme civique (PO). Ce parti libéral se voit reprocher par les milieux LGBT sa tiédeur lorsqu’il était au gouvernement. Mais il n’a aucun intérêt à se couper de son électorat plus conservateur. « Les droits des personnes LGBT n’ont pas été assez pris en compte, et nous nous en excusons », a affirmé le député PO Michal Szczerba venu assister à la manifestation de Varsovie.

Des thèmes très clivants

Le nouveau parti Wiosna (« Printemps ») est sans doute le plus apte à capter les voix des manifestants. Cette formation « contre la haine » a remporté 6 % des voix lors des dernières élections européennes. Wiosna est né dans la foulée de l’assassinat en janvier 2019 du maire de Gdansk, Pawel Adamowicz, pro-migrants et soutien à la communauté. Mené par Robert Biedron, homosexuel assumé, le parti défend des positions radicales : avortement au choix jusqu’à 12 semaines de grossesse, mariage pour tous, remboursement de la fécondation in vitro (supprimé récemment par les conservateurs) et droit d’adoption pour les couples de personnes de même sexe.

La société polonaise est quoi qu’il en soit très divisée sur la place qu’elle doit faire aux homosexuels. Selon une étude menée en juillet par l’institut de sondage CBOS, 41 % des Polonais ressentent une « aversion » pour les gays et lesbiennes, contre 34 % qui les acceptent. Seules 28 % des personnes interrogées estiment que les couples homosexuels doivent se montrer publiquement.