Non-respect du confinement : dénonciations, signalements... les "corbeaux" sont très actifs à Toulouse
À Toulouse, comme ailleurs, les forces de l’ordre reçoivent des appels de riverains dénonçant le non-respect du confinement de leurs voisins. Des signalements qui rappellent que chaque mesure exceptionnelle entraîne des phénomènes de délation. Enquête.
« Allô, mon voisin est parti faire du sport deux fois dans la journée… », « des gens font un barbecue dans leur jardin sans respecter les règles de distance ». Ce type de dénonciation en période de confinement, les forces de l’ordre en reçoivent quasiment tous les jours.
Depuis le 17 mars et le début des restrictions de déplacement liées à l’épidémie de coronavirus, police et gendarmerie tentent de faire respecter le confinement en France. C’est dans le Grand-Est, l’une des régions les plus touchées par l’épidémie, que les appels 17 ont littéralement explosé ces dernières semaines. Sur 500 appels au commissariat de Strasbourg, la moitié concernait des faits de non-respect des règles du confinement.
Les gens estiment que le confinement doit être respecté par tout le monde.
À Toulouse et dans sa région, le centre opérationnel de la gendarmerie qui reçoit en moyenne 700 appels par jour est lui aussi concerné sans toutefois noter une surcharge. « On reçoit tout type de signalements et chaque situation est différente. Des patrouilles se rendent sur place pour constater et verbaliser si nécessaire », poursuit un officier de gendarmerie de la région Occitanie.
Dans la Ville rose, c’est la plateforme téléphonique « Allô Toulouse » (35 000 appels par an), permettant de signaler n’importe quel problème dans la ville, qui est en surchauffe. « 70 % de ces appels concernent des dénonciations ou des signalements de personnes ne respectant pas le confinement ou les règles sanitaires », assure un fonctionnaire. Rassemblement au pied d’un immeuble, des personnes se tenant trop près ou des barbecues arrosés dans des résidences privées… « Les gens appellent car ils estiment que le confinement doit être respecté par tous », poursuit un gendarme. Ces appels font toujours l’objet d’une évaluation et d’une prise en compte. Mais lorsque les patrouilles se rendent sur place, difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. « À notre arrivée, les gens disparaissent et souvent ces rassemblements ou ces barbecues se passent dans des résidences privées où notre champ d’action reste limité », décrypte un membre des forces de l’ordre.
Le retour des "corbeaux"
Le phénomène des « corbeaux » n’est pas nouveau. Aujourd’hui, c’est pour dénoncer tels ou tels manquements aux règles sanitaires. Des dénonciations de riverains s’estimant dans leur bon droit. À chaque mesure d’exception comme l’instauration de l’état d’urgence, les autorités observent une hausse de ce genre de comportement. Ces réflexes font tristement écho à une période sombre de notre histoire, celle d’une France de 1942, collaborationniste et délatrice.
En 2015, police et gendarmerie avaient reçu de nombreux appels leur signalement des changements d’attitude « inquiétants » chez leurs voisins, des « signes de radicalisation religieuse » en pleine période d’attentats terroristes. Mais il ne faut pas tout confondre. Geste citoyen animé par un devoir de civisme et dénonciation visant à nuire pour assouvir une vengeance sur fond de haine recuite. Cette délation, les administrations fiscales ont l’habitude de la gérer. Sous couvert de « justice sociale », des anonymes n’hésitent pas à rencarder le fisc pour dénoncer la nouvelle acquisition d’un voisin.
Dernièrement, la préfecture de police de Paris a fait savoir que les appels « très nombreux » pour dénoncer le non-respect des règles de confinement avaient plutôt tendance à « encombrer » les lignes réservées aux seuls appels urgents. La semaine dernière, en banlieue toulousaine, trois jeunes gens qui se baladaient en pleine rue vers minuit n’ont pas échappé à la vigilance d’un riverain. Appel 17 et intervention des gendarmes. Le trio verbalisé n’a pu justifier les motifs de cette présence nocturne.
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Le gérant d'une pizzeria menacé
À Venerque, près de Toulouse, un ou des inconnus ont placardé une lettre, mercredi 15 avril, sur la devanture d’une pizzeria enjoignant le gérant à fermer son enseigne. « Votre commerce ne doit pas rester ouvert sous peine de lourdes sanctions… », annonce la lettre menaçante dactylographiée et signée « les citoyens responsables (non égoïstes) ». Cette pizzeria ouverte le week-end en période de confinement avec l’aval de la CCI ne fonctionne que sur de la vente à emporter. Avec mise en place d’un protocole sanitaire. « Quand on a l’autorisation d’ouvrir, c’est une question de survie », estime le patron de cette pizzeria qui prend cette affaire au sérieux.
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